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Immigration : jusqu’où pourra aller Emmanuel Macron avec son électorat ?
©CHARLES PLATIAU / POOL / AFP

Mesures

Edouard Philippe a présenté ce mercredi les principales mesures de son plan immigration. Beaucoup de thèmes traditionnels de la droite se retrouvent dans le discours et dans les décisions d'Emmanuel Macron ainsi que du gouvernement. Quelle est la flexibilité l'électorat LREM au regard de la première partie du quinquennat ?

Olivier Rouquan

Olivier Rouquan

Olivier Rouquan est docteur en science politique. Il est chargé de cours au Centre National de la Fonction Publique Territoriale, et à l’Institut Supérieur de Management Public et Politique.  Il a publié en 2010 Culture Territoriale chez Gualino Editeur,  Droit constitutionnel et gouvernances politiques, chez Gualino, septembre 2014, Développement durable des territoires, (Gualino) en 2016, Culture territoriale, (Gualino) 2016 et En finir avec le Président, (Editions François Bourin) en 2017.

 

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Atlantico.fr : Le premier ministre a présenté hier, mercredi 6 novembre, les principales mesures de son plan immigration, poursuivant son chemin, selon certains commentateurs, dans sa tentative de séduction de l'électorat de droite. L'occasion pour Atlantico de s'interroger sur la flexibilité l'électorat LREM au regard de la première partie du quinquennat.

Beaucoup de thèmes traditionnels de la droite se retrouvent dans le discours et les actes du gouvernement et du Président de la République ces dernières semaines. Compte tenu des mouvements dans l'opinion de l'électorat LREM depuis 2 ans et demi, pensez-vous que la démarche est risquée pour le gouvernement ?

Olivier Rouquan : L'élection d'Emmanuel Macron est essentiellement due à un électorat venu de la gauche. La campagne de 2017 et l'émergence de la République en Marche ont plutôt situé ce mouvement dans la mouvance d'un libéralisme - économique, sociétal et politique-, libéralisme mâtiné de velléités sociales - meilleure couverture du risque santé (vue et dent), meilleure couverture du risque chômage pour certains salariés, etc.

Dès lors que nommé, le Gouvernement a placé la barre à droite - fiscalité, réforme du code du travail, dénonciation des défauts du paritarisme ou de la lourdeur de l’État providence et enfin, des fraudes sociales...devant appeler à plus de contrôles et de rigueurs vis à vis des allocataires de ressources.

Les récentes modifications du régime des allocations chômages et désormais, de la couverture maladie des migrants, témoignent de décisions que la droite a inspirées. En matière d'immigration, au-delà des quotas, idée reprise à Nicolas Sarkozy - approche du reste partielle et partiale de l'enjeu migratoire-, la logique est la même !

Face à cette kyrielle de décisions, l'électorat venu de la gauche de Gouvernement en 2017 peut-il s'y retrouver ? D'abord, il peut évoluer sur ses convictions et la mandature précédente y a contribué : déchéance de nationalité, discours de Manuel Valls offensif sur le coût de certains droits sociaux...Ensuite et surtout, Emmanuel Macron fait le pari suivant : la gauche de Gouvernement est effondrée - ce qu'il reste de la droite de Gouvernement doit être étouffé - ce à quoi contribue la "triangulation" actuelle. La seule alternative à tous ces électeurs privés de représentation sera le moment venu : ou la REM ou le RN... ils choisiront la REM ou s'abstiendront. Les probabilités de repasser existeront.

Sur les thèmes de l'immigration, comment l'électorat En Marche, au vu de sa sociologie, semble plutôt se positionner ?

Olivier Rouquan : L'électorat En Marche est initialement marqué par le libéralisme sociétal et culturel et donc plutôt ouvert sur les questions d'immigration et d'intégration. La partie de la gauche qui s'est le mieux et le plus tôt portée sur LA REM est celle qui dispose d'un fort capital économique et culturel; à ce dernier titre, elle est attachée à priori à la promotion des droits fondamentaux. Mais elle est aussi très sensible à l'ordre, et peut donc faire passer sa priorité intellectuelle au second rang, et ce, au bénéfice du réalisme de Gouvernement. Cette logique plus ou moins assumée, a déjà été beaucoup utilisée par le PS...

Par ailleurs l'électorat LA REM est protéiforme; et plus l'on avance dans le temps du quinquennat, plus il se diversifie (vers la droite) - comme l'indique les européennes - ; sa cristallisation dépend de la présentation qui lui est faite des enjeux autour d'un plus petit commun dénominateur.

A cet égard, pour le plan immigration, l'angle gouvernemental est celui du réalisme gestionnaire - efficience et lutte contre la fraude en matière d'AME-Puma, accélération des démarches de l'asile, meilleure efficacité de l'éloignement, etc.- Ce cadrage va plutôt convenir à ce qui est le tronc commun de l'électorat d'Emmanuel Macron : le pragmatisme gestionnaire. Il permet de minorer les dimensions liées au respect des droits humains et sociaux, aspect qui s'il gagne en visibilité, pourrait fâcher!

Le gouvernement pourra-t-il échapper aux critiques de l'aile gauche des membres de LREM ? Quel est l'enjeu politique pour les mois à venir ?

Olivier Rouquan : Du côté des représentants, toute une partie d'entre eux venus de la gauche, est déjà en délicatesse avec le Gouvernement sur la politique migratoire et donc l'application de la loi de 2018 dite Collomb - qui sera retoquée à la marge par le plan annoncé ce jour, ceci traduisant le caractère fort symbolique et électoraliste de la démarche actuelle. Les nouvelles dispositions devraient aider l'aile gauche de la majorité à se structurer, mais son réalisme n'ira pas dans l'immédiat jusqu'à la pousser à la fronde, les élections locales se profilant...

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