Iliad à l’assaut de T-mobile : ce qui motive vraiment le pari de Xavier Niel bien au-delà du mobile<!-- --> | Atlantico.fr
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Xavier Niel.
Xavier Niel.
©Reuters

Coup de Poker

Au-delà de l'ambition de faire aux États-Unis ce qu'il a fait en France, à savoir bouleverser les prix proposés par les opérateurs traditionnels, le rachat de T-Mobile par Free illustre une certaine stratégie à long-terme. S'implanter sur le territoire américain, c'est s'offrir la possibilité de profiter du futur eldorado, celui des données.

Pascal-Emmanuel Gobry

Pascal-Emmanuel Gobry

Pascal-Emmanuel Gobry est journaliste pour Atlantico.

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Christophe Benavent

Christophe Benavent

Professeur à Paris Ouest, Christophe Benavent enseigne la stratégie et le marketing. Il dirige le Master Marketing opérationnel international.

Il est directeur du pôle digital de l'ObSoCo.

Il dirige l'Ecole doctorale Economie, Organisation et Société de Nanterre, ainsi que le Master Management des organisations et des politiques publiques.

 

Le dernier ouvrage de Christophe Benavent, Plateformes - Sites collaboratifs, marketplaces, réseaux sociaux : comment ils influencent nos Choix, est paru en mai  2016 (FYP editions). 

 
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Atlantico : Selon un article paru sur le site d'information américain Bloomberg, l'offre de rachat de T-Mobile par Xavier Niel (actionnaire minoritaire d'Atlantico), irait bien au-delà de ce qui est annoncé officiellement. Les deux journalistes décrivent effectivement que l'explosion de la demande pour le transfert de donnée serait le véritable filon auquel Iliad voudrait s'attaquer. Bien que les raisons soient multifactorielles, à quel point cette hypothèse a-t-elle pu motiver l'offre de rachat ?

Christophe Benavent : L'hypothèse de ces journalistes est celle de l'eldorado des données. C'est vraisemblable mais cela doit être modéré. Il est clair que l'internet entre dans une troisième phase centrée sur les données, que le réseau va s'étendre aux machines et ajouter aux deux ou trois milliards d'utilisateurs autant d'appareils connectés. Le domaine de la santé, celui de l'automobile, la domotique sont sans doute les trois secteurs dans lesquels le potentiel de croissance du volume de données en circulation est le plus élevé. Mais il suffit de regarder que depuis dix ou vingt ans si le volume de données transportées croit de manière exponentielles, les prix sont quasi-constants. Pour tirer de la valeur de ce flux croissant, il va falloir offrir plus que du transport. Gérer des flottes de dizaines de millions d'appareil?

Dans le cas de Free, je doute que la véritable motivation soit dans cet eldorado. Les chances de l'opération sont significatives mais faibles. La prise de part de marché risque de consommer des ressources importantes. L'avantage de Iliad dans l'opération est d'abord un avantage de communication, et si le coup de bluff réussissait ce qui est envisageable si on considère la position des autorités concurrentielles, le bénéfice premier serait d'être là où le nouvel internet se construit et d'apprendre. Un pied sur le marché américain pourrait renforcer en terme de capacité d'innovation les positions en Europe.

Pierre-Emmanuel Gobry : Il est clair que les perspectives de croissances du marché des télécom US entrent en ligne de compte. Aux US - comme partout ailleurs - l'explosion de la quantité de données consommées par les utilisateurs de mobile créent une croissance du marché des opérateurs mobilds. 

En quoi cette hypothèse mérite-t-elle vraiment cette attention ? Quel en est l'enjeu ?

Christophe Benavent : Au-delà du cas de Free, il est clair que le métier d'opérateur télécom va à nouveau se transformer. Si on considère que ce sont les objets connectés qui vont être le relais de croissance, il faut imaginer qu'il ne s'agira plus simplement de construire des offres multiplay mais d'assurer le bon fonctionnement d'essaims d'appareils. Ne serait-ce qu'au niveau du foyer : entre le thermosthat, la voiture, le frigo, les bracelets de fitness, des tablettes, des smartphone la tv et les bons vieux ordinateurs, c'est facilement une trentaine d'appareils et leurs interactions avec de multiples plateformes qui devront être gérées. Il ne s'agit pas que de volume mais de services. Les opérateurs de télécom souhaitent naturellement prendre une part de ce marché. Toute la question est de savoir comment : en se concentrant sur le transport et en offrant une valeur dans l'intégrité des données ou en se diversifiant dans les services qui exploitent ces données. Le contenu ou le contenant.

Est-ce vraiment là une bonne stratégie ? Quels en sont les risques ? 

Christophe Benavent : A vrai dire il n'y en a pas d'autres. L'Arpu, c'est à dire la dépense moyenne par consommateur, n'évolue pas à la hausse. On consomme plus de volume au même prix, et en France avec un prix en baisse. Concevoir qu'en utilisant plus de services au travers de différents "devices" conduit à ce que le nombre d'abonnement au sein d'une unité de consommation tende à augmenter peut être le moyen le lever un verrou. C'est sur le marché français une des prémisses de la stratégie de free. Avec des abonnements à prix bas, on peut les multiplier au sein d'un même foyer.  Ajouter des abonnements à quelques euros pour connecter la maison ou la voiture n'est pas une mauvaise idée. Mais pour l'instant il est difficile de savoir quel scénario va se dégager. Il va falloir apprendre et très rapidement.

Pierre-Emmanuel Gobry : Le marché US se trouve aujourd'hui dans une situation analogue à celle du marché français avant l'arrivée de Free Mobile, avec un cartel en position dominante (aux US, AT&T et Verizon) qui se gave avec beaucoup de marge. Avec l'avantage que les US sont un marché beaucoup plus gros où les clients sont prêts à dépenser et à consommer plus.

L'article mentionne également le fait que le vaste territoire américain avaient nécessité tellement d'investissement pour couvrir une part satisfaisante du marché pourrait également sonner comme un point d'orgue à la stratégie d'Iliad. A quel point pourrait-il s'inspirer de ce qui a été fait en France au cas d'espèce ? Iliad serait-il obligé d'engager les investissements qu'on lui prédit ?

Christophe Benavent : C'est la faiblesse évidente et remarquée par de nombreux commentateurs : les télécoms sont toujours une industrie capitalistique. Il faut installer des antennes et des câbles. Et les data centers. Sans compter l'effort marketing qui est considérables : réseaux de boutiques, publicité, centre de contacts... Mais après tout si le marché tient ses promesses la finance suivra. Sur un plan plus opérationnel, Iliad ne pourra pas appliquer les mêmes recettes qu'en France car ne bénéficiera pas de la force spécifique de sa communauté. Mais l’expérience de T mobile est du même ordre que celle de Iliad et les savoir faire en matière de low-cost pourront être partagée. Le facteur positif est qu'en s'emparant de T mobile l'opération maintiendrait 4 opérateurs et par conséquent une pression sur les prix. Il y a au moins une culture commune entre les deux entreprises. Pour Iliad cette association permettrait de découvrir une nouvelle échelle d'opération. Pour T mobile c'est l'opportunité d'une alternative à la fusion avec Sprint qui n'est pas forcement bien vue par les agences de régulations. Maintenant les enchères sont lancées.

Pierre-Emmanuel Gobry : Oui, T-Mobile a besoin d'investir dans son réseau.Je ne sais pas dans quelle mesure T-Mobile serait capable de faire un accord de partage de réseau avec ses concurrents, si ce n'est pas déjà le cas. Et je ne sais pas la quantité d'investissement nécessaire. 

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