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Il n'y a pas d'affaire Saal ou comment une caste protège ses membres faillis pour ne pas tomber toute entière
©madameoumadame.fr

Tribune

Il est inutile de s'acharner sur l'un de ces agents de l'Etat qui, plein de morgue et de froide déraison, jettent par les fenêtres un argent qu'ils ont très peu gagné, parce qu'ils n'en voient même pas la couleur tant ils ont de secrétariats pour payer à leur place.

Christian Combaz

Christian Combaz

Christian Combaz, romancier, longtemps éditorialiste au Figaro, présente un billet vidéo quotidien sur TVLibertés sous le titre "La France de Campagnol" en écho à la publication en 2012 de Gens de campagnol (Flammarion)Il est aussi l'auteur de nombreux ouvrages dont Eloge de l'âge (4 éditions). En avril 2017 au moment de signer le service de presse de son dernier livre "Portrait de Marianne avec un poignard dans le dos", son éditeur lui rend les droits, lui laisse l'à-valoir, et le livre se retrouve meilleure vente pendant trois semaines sur Amazon en édition numérique. Il reparaît en version papier, augmentée de plusieurs chapitres, en juin aux Editions Le Retour aux Sources.

Retrouvez les écrits de Christian Combaz sur son site: http://christiancombaz.com

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Nous l'a t-on assez dit ? Il n'y a pas d'affaire Saal, et sa conclusion tend à le prouver, puisque la coupable écope d'un blâme assorti de six mois sabbatiques qu'elle passera sans doute dans le Lubéron à écrire un livre encensé par France Culture. Il est inutile de s'acharner sur l'un de ces agents de l'Etat qui, plein de morgue et de froide déraison, jettent par les fenêtres un argent qu'ils ont très peu gagné, parce qu'ils n'en voient même pas la couleur tant ils ont de secrétariats pour payer à leur place. Il n'y a donc pas d'affaire Saal non seulement parce que cette dame n'est pas la seule, mais parce que tout le monde fait comme elle et qu'on ne pouvait pas la punir sans mettre en cause la plupart de ses homologues.

Dans le domaine de la Culture, abstraire une note de quarante mille euros de taxis est certes un peu voyant mais il y a une foule d'autres postes que personne ne regarde et qui sont tout aussi scandaleux. Toutes les contingences matérielles dans la fonction publique culturelle sont traitées avec la même désinvolture. On peut même dire que pour un "cultureux" le mépris de l'argent constitue une véritable démarche artistique, du moins quand il s'agit de vider la caisse, parce que la frugalité, elle, est considérée comme ringarde, et même, disons le, limite-réactionnaire. Quiconque a dirigé un établissement public et s'est vu reprocher une programmation mois dépensière que l'année précédente pour cause de déficit sait très bien de quoi je parle.

S'il s'agit d'art, s'il est question d'élitisme artistique, si l'on téléphone toutes les semaines à François Pinault il faut dépenser, être fou, faire refaire bureaux et  fenêtres, commander du mobilier en plexiglas, acheter des œuvres contemporaines sur recommandation d'un collectionneur, financer des projets, des démarches des recherches, soutenir toutes les trois semaines « un travail sur ». Ces demi-dieux qui mangent leur salade à quarante euros dans les grandes brasseries parisiennes méprisent les ilotes que nous sommes. Il faut dire qu'une proportion non négligeable de nos concitoyens, chauffés par les journaux les plus serviles, a tendance à considérer que pour entretenir l'outil culturel, il ne faut pas mégoter sur les budgets.

Le problème, c'est que l'infirmière ou la retraitée de Châteauroux à qui on a réclamé entre mille et deux mille euros d'impôts l'an passé, sont en train de faire le lien entre la note de taxis de Mme Saal et ce tiers provisionnel qu'elles ont eu tant de mal à payer. Le peuple avait déjà tendance à considérer que la politique d'acquisition des œuvres contemporaines, qui mobilise son argent pour imposer des choix esthétiques douteux, relève de l'arnaque. Les achats publics et les opérations du type Versailles enrichissent galeristes et spéculateurs internationaux. De temps à autre la presse mainstream monte au créneau pour protéger le taux de progression du marché comme on l'a vu pour l'affaire Anish Kapoor où le Guardian et le New York Times se sont ligués pour tomber sur la prose des rares éditorialistes français qui ont osé parler de schéma de Ponzi à propos de l'Art contemporain. Mais au moins jusqu'ici tous ces commissaires, curateurs, tous ces fonctionnaires vêtus comme des abbés de cour qui jonglent avec des millions d'euros gardaient le prestige de ceux qui ont embrassé une cause qui les dépasse. Désormais on voit bien qu'ils se réfèrent à leur dieu comme les prêtres antiques afin de cacher la vérité  ultime : ils se tapent les offrandes.

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