Il faut sauver le soldat Europe : pour un "New deal" franco-allemand et une grande offre pour l'Union<!-- --> | Atlantico.fr
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Pour sauver le soldat Europe, l'Allemagne et la France doivent trouver un compromis.
Pour sauver le soldat Europe, l'Allemagne et la France doivent trouver un compromis.
©Reuters

Sortir de l'impasse

Au regard des succès engrangés par les États-Unis et par le Royaume-Uni, l'Europe doit repenser son modèle économique. Si elle veut se trouver un avenir, celui-ci ne pourra se construire que sur un compromis franco-allemand : réformes structurelles contre relance monétaire.

Quel que soit le diagnostic fait de la crise durable de la zone euro et notamment de ses causes profondes, ses principales manifestations sont bien celles d’une insuffisance monétaire et d’une forte hausse de l’endettement public, que la politique de la BCE n’aura pas permis de compenser, et ce malgré les réels efforts de Mario Draghi. Car le Président de la Banque centrale européenne est allé aussi loin que son mandat le lui permettait, et contre l'opposition conservatrice au sein du Conseil et en dehors. Mais cela n’aura pas suffi, et ne pourra suffire. Les marchés ont bel et bien compris que la cadre monétaire européen ne permet pas une sortie de crise, suscitant ainsi la défiance et le désinvestissement. L’Europe et l’idée même du projet européen subissent les conséquences de cette défaillance institutionnelle, de ce cadre trop étroit qui empêche la BCE de jouer pleinement son rôle. De fait, ce qu’il faut appeler une forme de schizophrénie de la BCE n’est pas du tout sain, ni économiquement, ni politiquement : d’une part, on affiche sans relâche le dogme de la stabilité des prix  et l’on sermonne les gouvernements nationaux ; de l’autre on mène une politique monétaire plus accommodante pour alléger les tensions au sein de la zone. Mais cette ambiguïté désoriente les anticipations, notamment des banques, et aggrave l’impopularité de l’Europe  qui passe pour un "père fouettard" dans l’opinion publique, qui ne peut saisir toutes ces subtilités.

D’où la première idée que nous proposons ici d’une modification du mandat de la BCE en intégrant le plein emploi (actuellement objectif secondaire par rapport à "l’objectif principal" qu’est la stabilité des prix selon l’article 127 du traité sur l’UE) dans les objectifs prioritairesde la politique monétaire. Réforme qui aurait de nombreux avantages, dont le moindre ne serait pas le puissant effet d’affichage de ce changement de cap monétaire : mise à égalité de la BCE avec ses grandes partenaires/concurrentes : FED, Banque centrales chinoises, japonaise et britannique ; baisse de l’euro aujourd’hui trop fort, même pour l’Allemagne ; "désinhibition" des banques permettant le financement de l’économie réelle ; prise en compte des intérêts du Sud et réaffirmation de la solidarité d’une Europe gravement menacée actuellement par un fossé croissant, à la fois économique et psychologique, entre le Nord et le Sud ; last but not least, un message fort et positif adressé aux opinions publiques, de nature très politique en cette année électorale. De quoi mettre enfin un terme à l’équation délétère, « Europe=austérité », qui est au cœur de l’argumentaire populiste.

On objectera que cette idée a déjà été avancée à maintes reprises sans le moindre succès, la grande question étant celle de la réaction allemande à une telle offre. On entend déjà le ricanement de ceux qui n’y croient pas une seconde, tant la proposition paraît être une hérésie au regard de l’orthodoxie monétaire d’outre-Rhin, dont les statuts actuels de la BCE, largement inspirés de ceux de la Bundesbank, sont imprégnés. Et le moins qu’on puisse dire c’est que les tentatives françaises en faveur d’une "Europe de la croissance" n’ont guère eu de succès…

Aussi bien ces tentatives étaient entachées d’arrière-pensées qui les condamnaient d’avance : tant que nos partenaires allemands et plus généralement d’Europe du Nord, des Pays-Bas à l’Autriche, penseront que "le Sud", France au premier chef, cherche la facilité monétaire pour ne pas faire les ajustements budgétaires et les réformes structurelles qui s’imposent, toute inflexion forte et durable de la politique de la BCE sera exclue. A quoi s’ajoute, fait frappant pour qui fréquente un peu ces pays, le sentiment d’une profonde injustice  eu égard aux sacrifices faits par les "fourmis du Nord" depuis une dizaine d’années, tandis que les "cigales du Sud" dépensaient à qui mieux mieux et à crédit… avant de présenter l’addition à leurs partenaires ! L’ignorance ou la non prise en compte de ce sentiment si vivace au Nord dans le débat public français et le procès vain fait à "l’égoïsme allemand" sont regrettables car ils conduisent tout droit à un dialogue de sourds.

A cet égard les vœux de François Hollande peuvent ouvrir enfin une formidable fenêtre d’opportunité : le contenu de ces vœux, de "l’offre aux entreprises"  aux  économies budgétaires (que n’auraient pas reniés un libéral pur sucre, mais passons…) est de nature  en effet à offrir à nos partenaires du Nord la contrepartie tant attendue, et depuis si longtemps, de la France. Contrepartie qui présenterait également une très grande utilité économique, en augmentant le potentiel de croissance, seule vraie solution à nos problèmes sur le long terme.

Autrement dit, notre proposition consiste dans la formulation claire d’un échange : "réforme du mandat de la BCE contre réformes de compétitivité des États Membres"  qui pourrait constituer la base d’un "new deal" franco-allemand et d’une nouvelle offre à l’Europe. Et cela conformément au modèle des grands précédents du passé qui ont toujours suivi ce schéma, de la CECA à la création de l’euro. Autant d’échanges en effet qui ont permis à l’Europe d’avancer par des sauts qualitatifs décisifs et de sortir des nombreuses phases d’enlisement qu’elle a déjà connues dans le passé. De quoi en l’occurrence nourrir les "initiatives franco-allemandes" annoncées par le Président pour le printemps 2014. Et pourquoi pas dès janvier ?

Si l’on veut bien prendre en compte le pragmatisme constant d’Angela Merkel, le partage du pouvoir avec le SPD et la relance sociale et budgétaire outre-rhin, les circonstances apparaissent aujourd’hui  bien plus favorables à une acceptation allemande. D’autant que nos partenaires sont très soucieux de l’enlisement français actuel et n’ont rien à gagner à une explosion sociale et/ou financière de leur principal partenaire européen. Au-delà des proclamations d’orthodoxie des faucons de la stabilité monétaire, cette préoccupation est bien la tonalité dominante à Berlin.

La vraie question demeure donc la capacité française à porter la proposition avec toutes ses conséquences sur le plan intérieur. Le passé récent ne plaide guère en faveur de l’hypothèse lorsqu’on mesure à quel point les mots présidentiels se heurtent à la réalité de la politique menée : complexité ubuesque du CICE, réforme territoriale à contre-sens, poursuite des hausses d’impôts,  économies budgétaires "impressionnistes"… De quoi mettre en doute, sinon la sincérité, du moins la crédibilité de ces vœux : il est donc impératif que François Hollande sorte enfin et très rapidement de l’ambiguïté qui, contrairement à l’adage mittterrandien, nuit d’abord à son auteur…

Mais dispose-t-il pour imposer ce nouveau cap - enfin un cap ! -  de la force de caractère et des soutiens politiques nécessaires ?

Pour en savoir plus sur ce sujet, lisez le nouveau livre de Nicolas Goetzmann : Sortir l'Europe de la crise : le modèle japonais, (Atlantico éditions), 2013. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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