Hôtel de la Marine : non à la muséification de la culture !<!-- --> | Atlantico.fr
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Le projet culturel qui prendra place dans l'Hôtel de la Marine en 2014 n'intègre pas d'acteurs privés dans son financement et reste confié à une structure publique.
Le projet culturel qui prendra place dans l'Hôtel de la Marine en 2014 n'intègre pas d'acteurs privés dans son financement et reste confié à une structure publique.
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Culture et dépendances

La commission présidée par Valéry Giscard d'Estaing a tranché il y a quelques jours : elle souhaite que le projet culturel qui prendra place dans l'Hôtel de la Marine en 2014 n'intègre pas d'acteurs privés dans son financement et reste confié à une structure publique. Une occasion manquée ?

Aurélien Véron

Aurélien Véron

Aurélien Véron est président du Parti Libéral Démocrate et auteur du livre Le grand contournement. Il plaide pour passer de l'Etat providence, qu'il juge ruineux et infantilisant, à une société de confiance bâtie sur l'autonomie des citoyens et la liberté. Un projet qui pourrait se concrétiser par un Etat moins dispendieux et recentré sur ses missions régaliennes ; une "flat tax", et l'ouverture des assurances sociales à la concurrence ; le recours systématique aux référendums ; une autonomie totale des écoles ; l'instauration d'un marché encadré du cannabis.

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Le déménagement de l’Etat-Major de la Marine Nationale de l’Hôtel de la Marine prévu en 2014 offre à la France une belle occasion de rattraper son retard dans les secteurs de l’art et de l’artisanat d’art. Mais une fois de plus, notre pays a préféré se tirer une balle dans le pied. Une commission a été confiée à Valéry Giscard d’Estaing pour jouer les arbitres. S’inspirant des réseaux de l’intelligentsia parisienne, la commission a hélas rejoint l’opposition au projet le plus ambitieux pour le site : « La Royale » d’Alexandre Allard. Les liens étranges qui unissent VGE aux occupants actuels de l’Hôtel de la Marine expliqueraient-ils la conclusion favorable à la proposition du Louvre, pourtant plus terne et confuse que le projet  « à abattre » ?

La commission VGE avait-elle intérêt à rejeter le projet « La Royale » ?

Le Canard Enchainé a indiqué en mars dernier que la Marine Nationale, actuelle occupante de l’Hôtel de la Marine, avait mis quatre marins corvéables à merci à disposition de VGE (Paris la semaine et le château le week-end). La préférence probable de cette administration renforce l’hypothèse de conclusions orientées.

Dans l’ensemble, le travail de sape de cette coalition hétéroclite de militaires, d’intellectuels et de bureaucrates de la culture s’explique par le refus par principe de voir le secteur delà culture échapper à l’emprise de l’Etat. En attendant, le monde de la création et le patrimoine national dépérissent un peu plus chaque année devant le manque criant de moyens, largement dû au refus par les pouvoirs publics de laisser un marché de la culture se développer. Face à la carence de mécènes, de collectionneurs et de clients d’artisans d’art, « La Royale » propose d’inverser la tendance.

« La Royale », un projet cohérent autofinancé

Après des années d’occupation par une bureaucratie peu soucieuse du lieu, la restauration des 24.000 m² de l’Hôtel de la Marine s’annonce indispensable et coûteuse. Ni le Louvre, ni aucun des projets concurrents de « La Royale » ne proposent le moindre plan précis de restauration du gigantesque édifice. Le plan d’Alexandre Allard, qui s’est entouré de l’architecte Jean Nouvel et d’experts dans nombre de domaines artistiques, évalue cette charge et la prend en compte dans le montant du bail devant être reversé à l’Etat (qui a bien besoin de cet argent). Enfin contrairement à ce qui a été avancé par ses opposants, « La Royale » ne constitue en rien une privatisation du lieu qui continuera à appartenir à l’Etat. Si son projet est retenu, Alexandre Allard ne pourra céder le bail emphytéotique contre bénéfice s’il souhaite se dégager de cette aventure. Sa proposition répond parfaitement aux conditions de l’appel à projets qui font références à « un opérateur privé ».

L’essentiel n’est pas là. Ce projet pose les fondations d’un espace vivant favorisant la rencontre entre l’ensemble des acteurs du monde de l’art, de l’hébergement des artistes à l’accueil permanent du grand public (sans sacrifier le lieu dédié à la Marine). Par les atouts exceptionnels de ce projet, l’Hôtel de la Marine complèterait idéalement l’arc culturel allant du Louvre au Grand Palais.

Certes, il reste des questions ouvertes concernant la procédure de choix des artistes et artisans d’art hébergés, des galeries acceptées comme locataires éphémères, comme des évènements qui pourront se tenir (ou non) dans ces murs. L’équilibre financier repose-t-il sur des hypothèses réalistes ? La coexistence d’une structure commerciale et d’une fondation va dans ce sens, mais un « business plan » plus développé serait souhaitable avant d’aller plus loin. Sur le fond, ce projet vise à multiplier les sources de mécénat, à renforcer un secteur important du marché de l’art, affaiblissant le monopole étatique sur la culture et les cénacles fermés qu’il cloisonne arbitrairement. Bien plus qu’un signal envoyé au monde de l’art, ce projet peut lui procurer une véritable bouffée d’oxygène.

Pas de mur entre les artistes, les œuvres et le grand public

L’intérêt du chantier défendu par Alexandre Allard et Renaud Donnedieu de Vabres, c’est qu’il forme un tout. Contrairement à la proposition du Louvre, aucun saucissonnage du site n’est prévu entre services administratifs, lieux d’exposition et autres espaces cloisonnés, au contraire. Toutes les activités prévues dans le bâtiment ont vocation à être intégrées les unes aux autres. Les grands mécènes pourront être logés sur place afin d’être proches des artistes hébergés. Le grand public pourra venir découvrir cet environnement non seulement lors d’évènements de prestige visant à valoriser les artistes et leurs œuvres, mais aussi tout au long de l’année afin de rompre cet isolement institutionnel entre la création et le grand public. En fait, il s’agit de reconstituer un écosystème faisant coexister tous les acteurs qui participent au dynamisme de la création, incluant ceux qui font vivre les artistes : le marché et les mécènes.

L’enjeu est crucial pour notre pays. Notre part dans les ventes d’art dans le monde recule. La création s’appauvrit sur notre sol, étouffée par l’absence d’un marché suffisamment ouvert. Les artisans dépérissent, écrasés par le manque cruel de jeunes apprentis dans leur secteur et par le poids de charges sociales pesant exclusivement sur le coût du travail, leur matière première quasi exclusive. Il est urgent libérer les rouages du marché de l’art de leur tutelle oppressante actuelle. Ce n’est pas en muséifiant un cran de plus la vie culturelle française que nous irons dans ce sens. Il n’est pas trop tard pour confirmer le choix de « La Royale » et envoyer un signal positif au monde bien vivant de la création. Pareille audace contribuerait à remettre Paris au cœur du marché de l’art dans le monde.

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