Horizons tente de devenir le centre de gravité d’une nouvelle droite mais quelles sont ses chances d’y parvenir ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le président d'Horizons et maire du Havre Edouard Philippe aux côtés d'Elisabeth Borne et de Yael Braun-Pivet lors du congrès du parti au Parc Floral à Paris, le 25 mars 2023.
Le président d'Horizons et maire du Havre Edouard Philippe aux côtés d'Elisabeth Borne et de Yael Braun-Pivet lors du congrès du parti au Parc Floral à Paris, le 25 mars 2023.
©ALAIN JOCARD / AFP

Congrès

Le parti fondé par Édouard Philippe organisait son congrès annuel ce samedi et entend bien tenter d’exploiter le trouble existentiel qui s’est emparé de LR à l’occasion du vote de la motion de censure sur les retraites.

Christophe Boutin

Christophe Boutin est un politologue français et professeur de droit public à l’université de Caen-Normandie, il a notamment publié Les grand discours du XXe siècle (Flammarion 2009) et co-dirigé Le dictionnaire du conservatisme (Cerf 2017), le Le dictionnaire des populismes (Cerf 2019) et Le dictionnaire du progressisme (Seuil 2022). Christophe Boutin est membre de la Fondation du Pont-Neuf. 

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Atlantico : Horizons, le parti d’Edouard Philippe, organisait son congrès ce samedi. Quels sont les principaux enseignements de ce congrès et du discours d’Edouard Philippe ?

Christophe Boutin : « Ce ne fut pas Waterloo, non, mais ce ne fut pas Arcole », chantait Brel. Édouard Philippe arpentant hier en micro serre-tête une grande scène ovale au parc Floral, ce ne fut pas Valérie Pécresse, non, mais ce ne fut pas non plus Jean-Luc Mélenchon ou Jean-Marie Le Pen, tribuns nés… ni même Emmanuel Macron, acteur consommé. La grande silhouette tournait sur elle-même, usait d’un vocabulaire simple pour créer du lien, donnait des chiffres et rappelait ses voyages, s’inquiétait des insectes et des écoliers, jouait à avoir l’air naturel en moquant les conseils de ses équipes de communication. Mais était-ce suffisant ?

Au dehors du parc floral, les tas de poubelles finissaient de se consumer, les forces de sécurité et les émeutiers – ceux qui ne s’affrontaient pas autour des « bassines » - prenaient un peu de repos avant leur prochain rendez-vous. À l’intérieur, l’orateur lançait à quelques élus locaux « J’ai besoin de vous ». Pourquoi ? Pour construire un parti qui n’agresse pas ses adversaires et qui, programme ô combien surprenant, entend appliquer les nouvelles règles punitives dictées par le réchauffement climatique et unir par l’école des populations qui ne vivent plus « ensemble » depuis plus de vingt ans.

Qu’est-il arrivé à Édouard Philippe ? On a eu l’impression que le Premier ministre plein d’allant, le boxeur volontiers moqueur, cet homme jeune qui avait une incontestable présence, est devenu un vieux monsieur digne et plein de bons sentiments. Ce n’est pas un capitaine de pédalo, non, mais c’est un voileux du dimanche arpentant en pantalon rouge les quais de sa villégiature et hésitant à sortir en mer par force 3. Alors par fort coup de vent… L’ancien Premier ministre voulait user de la tactique de la « parole rare » : ne pas parler de tout à tout bout de champ mais de manière efficiente. Mais la parole doit alors tomber comme la foudre, stupéfier les ennemis et galvaniser les partisans. On attendait le rugissement d’un lion, on a eu le feulement d’un chat noir et blanc.

Mais n’avait-il pas voulu trop en faire ? Édouard Philippe, en invitant François Bayrou pour le Modem et Stéphane Séjourné pour Renaissance, en faisant intervenir Élisabeth Borne, entendait montrer que, lui, jouait le jeu de la majorité. Devant les faiblesses de cette dernière, il entendait bien être le moteur qui allait, comme il le dira, « améliorer le lien » entre ses diverses composantes – ce qui passe par un travail en commun en amont sur les dossiers, et non sur la seule demande d’alignement des parlementaires faite par les conseillers de Matignon ou de l’Élysée sur des dossiers déjà bouclés. Mais cette même présence des principaux autres représentants du gloubi-boulga idéologique de la majorité présidentielle lui interdisait de se montrer trop polémique. Et il est clair que les récentes couleuvres dénoncées par les parlementaires d’Horizons, ulcérés de voir le gouvernement flatter les élus des Républicains et faire peu de cas de leurs votes – ou de leurs propositions de textes, ou de la place de leurs candidats aux futures sénatoriales… - vont devoir être avalées avec le sourire.

Pas de « juxtaposition d’éléments » donc, mais une « conjugaison de talents » de ces « trois principaux partis de la majorité », mais aussi, dans chacun d’entre eux, « des individualités » qui les composent. Quel aveu. Quel constat d’échec pour une alliance dont les grands éléments datent de six ans maintenant ! Comment mieux dire ses limites, des limites qui, au fur et à mesure qu’approchera l’échéance de 2027, deviendront chaque jour plus sensibles ? 

Horizons peut-il tenter de s’imposer sur l’échiquier politique face aux difficultés rencontrées par les LR sur le dossier des retraites ?

L’ancien Premier ministre a comme objectif principal d’être en 2027 un candidat à même de rassembler autour de lui non seulement les composantes actuelles de la majorité présidentielle, mais aussi cette coalition plus vaste qu’il appelle de ses vœux depuis 2022 et qui n’exclurait que le RN et Reconquête à droite, la NUPES à gauche. Si Emmanuel Macron et Elisabeth Borne préféraient envisager des majorités ponctuelles « de projet » sur des textes, l’idée semble avoir fait son chemin dans l’esprit du Président, qui a, dans sa dernière intervention, donné à la Première ministre l’objectif d’élargir sa majorité. 

Or Édouard Philippe pense qu’Elisabeth Borne n’est plus en mesure de remplir ce mandat et, sans souhaiter être à nouveau Premier ministre, il l’a dit, pense pouvoir mener cette tâche à bien, ce qui lui permettrait d’être à même de s’imposer en 2027 comme celui qui aura permis de bâtir cette force nouvelle, bénéficiant en sus d’un parti politique regroupé derrière lui, à la différence a priori de ses rivaux potentiels au sein de la majorité présidentielle. 

Dans ce cadre, il peut lui sembler plus facile d’attirer ceux des Républicains qui ont choisi de voter la réforme des retraites que les socio-démocrates en marge de la NUPES. Mais c’est oublier que le combat a eu lieu à front renversé : les LR qui ont soutenu la réforme étaient aussi les plus opposés à toute alliance avec le macronisme, les moins sensibles aux avancées sociétales, les plus critiques en matière d’insécurité et d’immigration. Soucieux cependant de complaire à la pensée magique sarkozienne du « parti de gouvernement », et constatant combien les fondamentaux de cette réforme rejoignaient des éléments qu’ils avaient présenté dans les années précédentes, ils ont fait le choix d’une alliance sur ce texte, attendant les suivants pour démontrer leur (ferme) opposition. Au contraire, ce sont les députés les plus favorables à une alliance avec le macronisme en 2022 qui se sont retrouvés en 2023 les plus opposés à la réforme – l’explication de ce revirement tenant sans doute plus au suivi de la courbe des sondages qu’à des critères idéologiques.

Peu importe, dira-t-on, ce qu’il faut ici c’est attirer effectivement de nouveaux élus pour constituer une base majoritaire plus importante. Mais le risque est ici que si ces nouveaux ralliés viennent frapper directement à la porte de l’Élysée, le chef d’Horizons n’aura pas affaire à des ralliés à son camp… mais à de futurs rivaux, dont certains ont pleinement démontré leurs capacités à séduire les médias. 

Le parti peut-il vraiment devenir le centre de gravité d’une nouvelle droite ? À quoi ressemblerait-elle ?

Encore une fois, le parti n’a pas vraiment vocation à devenir le centre de gravité d’une nouvelle droite, mais, plus largement, d’être le moteur d’une coalition centriste élargie, mais dont il serait effectivement la part « de droite ». Quelles seraient ses caractéristiques ? On retrouverait ici tous les éléments classiques de la « droite de gouvernement » : abandon en rase campagne devant les pressions sociétales en échange de quelques mesures « d’ordre » - c’était le sens de l’initiative lancé par Horizons pour le rétablissement d’une peine obligatoire en cas de récidive, torpillée par Renaissance. En économie on retrouverait là aussi les fondamentaux - sujétion à l’euro et à la Banque centrale européenne –, comme dans cette politique que l’on n’ose plus qualifier d’internationale tant elle a remplacé notre politique nationale, avec des transferts de souveraineté à l’Union européenne. On n’ose considérer comme une nouveauté une redondante référence « écologique » ou « environnementale » dont il apparaît de plus en plus nettement qu’elle n’est – hélas, car la défense de l’environnement mérite mieux que cela – que le faux nez de redoutables intérêts économiques. Restera l’atlantisme et la boucle sera bouclée. Bref, nous retrouverions les antiennes de ces « raisonnables de droite » qui, mandat après mandat, ont contribué à nous amener à la situation que nous connaissons aujourd’hui. 

La Première ministre Elisabeth Borne a pris la parole pour l'ouverture du congrès du parti d'Edouard Philippe ce samedi. Après l'adoption de la réforme des retraites au Parlement sans vote des députés sur le texte, la Première ministre va-t-elle pouvoir resserrer les liens avec Horizons dans un contexte politique agité pour la majorité ?

Rappelons que la Première ministre a, dans sa nouvelle feuille de route fixée par Emmanuel Macron, vocation à élargir la majorité présidentielle. Pour cela, avant même de penser à un élargissement, il lui faut vérifier que celle qui existe est bien solide, et que l’on ne risque pas de problèmes avec ses divisions internes. Il était en effet assez facile pour elle de rejeter l’obligation qu’elle a eu d’engager sa responsabilité par le biais de l’article 49 al.3 lors du vote de la loi de réforme des retraites sur la trentaine de parlementaires des Républicains qui n’étaient pas prêt à la voter à l’Assemblée nationale. Mais dans le parti Horizons d’Édouard Philippe on parlait aussi d’abstention, certains évoquant la possibilité de voter contre la réforme, et d’autres composantes de cette majorité présidentielle disparate se montraient aussi très réticentes. 

En fait Elisabeth Borne n’a absolument pas le choix, tout ce qu’elle pouvait craindre étant d’avoir à passer pour cela sous les fourches caudines d’Édouard Philippe. Mais l’existence d’autres composantes, et notamment du Modem d’un François Bayrou, qui lui aussi d’ailleurs, n’a pas été avare de critiques sur la méthode utilisée par la Première ministre pour mener ce qu’elle appelait encore au congrès d’Horizons « construire un compromis » (sic) vient rééquilibrer les choses. En tout cas, la « socialiste » Borne va devoir composer avec cet « homme de droite » que serait toujours Édouard Philippe à l’en croire.

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