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Richard Descoings, ce pourfendeur 
de l’élitisme scolaire français
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Hommage

Richard Descoings, le directeur de Sciences-Po, a été retrouvé mort dans sa chambre d'hôtel à New York. Retour sur la carrière d'une figure incontournable du monde de l'éducation française.

Roger Célestin

Roger Célestin

Roger Célestin est journaliste.

Il écrit pour Atlantico sous pseudonyme.

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Je me souviens de la première fois que j’ai croisé Richard Descoings, il y a 16 ans. Il venait d’être élu directeur de Sciences Po. C’était lors d’une réunion de présidents d’universités, ses pairs, parmi lesquels ce grand type mince, jeune (37 ans, autant dire un jeunot dans le milieu), et un peu dégingandé, détonnait.

Les présidents déposaient à tour de rôle un bulletin dans une urne : je m’étais dit que la manière de marcher de ce petit nouveau signait sa différence et annonçait la couleur. Sa décontraction qui n’excluait pas le respect, et sa détermination qui affleurait, auguraient de la véritable révolution qu’il allait mener pendant quatre mandats à Sciences Po.

Sciences Po était la quintessence de la formation « à la française » des élites. Il aura réussi à transformer cette « petite » grande école en multipliant les effectifs et les budgets, en ouvrant aux étudiants issus de familles modestes et des ZEP, aux étudiants étrangers et en créant six campus en région.

J’ai eu plusieurs occasions d’échanger en tête à tête avec lui. La notoriété médiatique ne lui était pas montée à la tête. Lucide sur les rapports de force à Sciences Po, parmi les élites parisiennes et au sein de la société française, il n’entretenait aucune illusion sur le monde politique. C’était un homme fin, drôle, caustique et totalement dévoué à Sciences Po. Il m’avait appelé un jour, pour se renseigner sur un ami. Lui ayant dit tout le bien que j’en pensais, il s’était esclaffé, à la fois heureux et sceptique : « Votre ami semble trop parfait. C’est presque suspect ». Mais il avait décidé de lui accorder toute sa confiance.

Il avait expliqué à la journaliste Jessica Gourdon (L’Etudiant) les ressorts personnels qui l’ont amené à révolutionner l’institution de la rue Saint-Guillaume. Richard Descoings s’était fait exclure du lycée Louis Le Grand (quand même...) où il avait souffert (de la violence entre élèves, de l’ambiance générale) en filière scientifique. « Elève totalement dénué d’esprit de synthèse, incapable de suivre dans les classes supérieures » avait finement noté la prof principale sur le bulletin de celui qui allait se retrouver à la tête de Sciences Po, l’institution qui incarne le mieux l’esprit de synthèse, après avoir raté trois fois le concours d’entrée à l’ENA... Même s'il venait d'un milieu favorisé, Richard Descoings percevait parfaitement l’injustice et le poids de l’héritage social. Et il s’était senti, très tôt, comme un marginal dans le système.

Je l’ai plusieurs fois entendu attaquer, avec des formules assassines, l’élitisme scolaire français, la sélection par les maths, le système des classes préparatoires et des grandes écoles, le conservatisme phénoménal de l'Education nationale. A la fois sur la forme et le fond, il exprimait une différence très forte avec son milieu professionnel. Une fois, semblant gêné par sa propre virulence, il était venu me dire à la fin du débat que ses propos étant tenus à titre personnel, il ne souhaitait pas les voir reproduits dans la presse.

Son talent pour négocier au profit de Sciences Po des contrats bien dotés par l’Etat, son impertinence et son affranchissement des règles tacites lui avait créé beaucoup d’ennemis et de jaloux dans le monde universitaire.

Sa volonté de mouvement et son désir d’utiliser son quatrième mandat pour continuer à transformer Sciences Po, on peut les lire dans « le mot du directeur » qui figure encore ce matin sur le site de Sciences Po: « (...) En matière d’enseignement supérieur et de recherche, il ne peut pas y avoir de pause. ‘L’innovation ordinaire’ doit conduire notre réflexion et notre action. (...) Car Sciences Po a une ambition : se hisser au niveau des meilleures universités dans le monde. Pour y parvenir, il faut dépasser le clivage, purement hexagonal, entre grandes écoles et universités pour développer un modèle alternatif d’université sélective reposant sur trois piliers : l’excellence de la formation et de la recherche, l’égalité des chances dans le recrutement et la qualité des conditions d’études des élèves, de recherche des personnels scientifiques et de travail des salariés ». Signé : Richard Descoings - Directeur.

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