Hollande / Valls : leurs rivalités secrètes (et qui va finir par l'emporter)<!-- --> | Atlantico.fr
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"Le boa et le naja", de Patrick Girard, publié aux éditions l'Archipel.
"Le boa et le naja", de Patrick Girard, publié aux éditions l'Archipel.
©Reuters

Bonnes feuilles

Une lutte semblable oppose aujourd’hui François Hollande (« le boa »), qui peine à convaincre l’opinion publique, à un Manuel Valls (« le naja ») bénéficiant d’une popularité acquise au ministère de l’Intérieur. Extrait de "Le boa et le naja", de Patrick Girard, publié aux éditions l'Archipel (1/2).

Patrick  Girard

Patrick Girard

Né en 1950, Patrick Girard, docteur en Histoire, ancien chercheur au CNRS et rédacteur en chef adjoint de Jeune Afrique, a longtemps collaboré à Globe et à Marianne. Il est l’auteur de biographies politiques (Philippe Séguin (Ramsay, 1999), De Gaulle : le mystère de Dakar (Calmann-Lévy, 2010), Chirac, les combats d’une vie (L’Archipel, 2011) et de plusieurs essais, dont Ces Don Juan qui nous gouvernent (Edition 1, 1999), Sexe, Mensonges et politique, La République des coups bas (J.-C. Gawsewitch, 2011 et 2012).

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Les précautionneuses et minimes allusions faites par François Hollande à son premier ministre, lors de sa prestation dans la matinale de Patrick Cohen, sur France Inter, le lundi 5 janvier 2015, confirmaient, si besoin en était, le très net refroidissement des relations entre les deux hommes. Alors que l’un multipliait, en ce début d’année, les prises de parole, manifestant par là son intention de reprendre la main et de s’imposer comme le véritable « boss », l’autre s’était réfugié depuis la mi-novembre dans un mutisme inhabituel chez lui, s’abstenant ainsi de commenter la désastreuse affaire Jouyet ou, plus significatif encore, la décision du Parti socialiste, contraire à ses voeux, d’avancer de décembre à juin 2015, son congrès. Éditorialistes et chroniqueurs en étaient réduits à supputer le moment, l’humeur et les circonstances dans lesquelles le président de la République et le chef du gouvernement se résoudraient à donner enfin à leurs relations tumultueuses un nouveau cours. Resteraient-ils enchaînés l’un à l’autre, comme l’aveugle et la paralytique de Florian, jusqu’à la fin du quinquennat, ou bien l’un d’entre eux prendraitil l’initiative d’une rupture rappelant, jusque dans ces conséquences lointaines, la manière dont en 1976 Jacques Chirac avait quitté Matignon, ou la disgrâce qui frappa, pour des raisons différentes, un Georges Pompidou, un Jacques Chaban-Delmas, un Pierre Mauroy, un Michel Rocard, un Jean-Pierre Raffarin ou un Jean-Marc Ayrault ?

Ces questions demeurent, nonobstant les tragiques événements qui, entre du 7 au 9 janvier 2015, ont frappé notre pays, provoquant un sursaut sans précédent d’une opinion publique découvrant dans les larmes et la douleur le prix terrible que doivent payer les démocraties modernes pour rester fidèles à leurs valeurs les plus élevées. Il est encore trop tôt pour savoir si « l’esprit du 11 janvier », date des gigantesques manifestations de protestation organisées un peu partout en France et dans le monde contre ce retour de la barbarie, aura une incidence sur le comportement de la classe politique française et l’amènera à se dépasser et à rompre avec les travers qui l’ont, ces dernières années, profondément discréditée. Tout porte à croire que ce ne sera malheureusement pas le cas et, de toute façon, une bonne dose de scepticisme incline à croire que Talleyrand n’avait pas tort d’affirmer : « Il faut que tout change pour que rien ne change. »

À vrai dire, ces supputations, qui font le délice du microcosme, n’ont que peu d’importance dans la matière qui nous occupe ici. Il faut reprendre le fil de la comparaison animalière par laquelle nous avons ouvert ce livre et constater qu’en matière de longévité, le boa et le naja sont profondément inégaux. Le premier peut prétendre vivre de vingt à quarante ans, le second tout au plus deux décennies, ce qui donne un très net avantage à François Hollande sur Manuel Valls. Hostile à l’idée d’une dissolution anticipée de l’Assemblée nationale, le président de la République est assuré de rester à l’Élysée jusqu’en 2017 et il ne lui est pas interdit d’espérer un providentiel encore qu’incertain retournement de la conjoncture qui lui permettrait de solliciter alors, avec de raisonnables chances de l’emporter, la reconduction de son mandat. Le premier ministre est moins bien loti. Deux cas de figure se présentent à lui.

S’il reste à Matignon jusqu’en 2017, ce n’est qu’en tant que collaborateur attentif et zélé du chef de l’État et conducteur d’une politique dont l’éventuelle réussite lui interdira de pouvoir se présenter alors à la magistrature suprême, puisque c’est François Hollande qui en retirera, primus inter pares, l’entier bénéfice. Pis encore, il devra alors s’effacer au profit d’un autre, homme ou femme, porteur des espérances d’une gauche ayant senti passer le vent du boulet et bien décidée à faire, enfin, preuve d’audace et d’imagination.

Dans cette hypothèse, le boa et le naja cèderont la place pour longtemps à d’autres animaux, les vieux chevaux de retour de la droite, pour une Restauration analogue à celle qui vit, deux siècles plus tôt, les Bourbon revenir au pouvoir et s’y cramponner jusqu’en 1830.Imagine-t‑on Manuel Valls jouer les demi-soldes de 2017 à 2027 ? L’on peut parier que les socialistes, chez lesquels l’exercice du pardon n’est pas une vertu très pratiquée, auront naturellement tendance à le transformer de naja en bouc émissaire de leurs propres erreurs, une singulière et bien ingrate forme de métempsycose lui interdisant de se présenter en Aiglon désireux de récupérer son nid. En fin de compte, après des années et des années de confrontation, le boa l’emportera, d’une manière ou d’une autre, sur le naja, sous l’oeil amusé de Homère et de Philae, à savoir le cairn terrier du premier ministre et le labrador du président de la République. Ce pourrait être la revanche des animaux sur les humains et la salutaire leçon qu’il faut tirer de l’étude du bestiaire politique.

Extrait de "Le boa et le naja", de Patrick Girard, publié aux éditions l'Archipel, 2015. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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