Hausse de la TVA : le recul du gouvernement qui n'aura pas lieu <!-- --> | Atlantico.fr
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Le gouvernement ne reculera probalement pas sur la hausse de la TVA prévue au 1er janvier 2014.
Le gouvernement ne reculera probalement pas sur la hausse de la TVA prévue au 1er janvier 2014.
©Reuters

C'est clair et net

Les demandes de report de la hausse de la TVA prévue au 1er janvier 2014 se multiplient, que ce soit de la part du parti communiste, d'Europe Ecologie-Les Verts ou de différents acteurs économiques (artisans, hôtellerie, restauration...). Face à ces requêtes, le gouvernement reste impassible.

Jean-Yves Archer

Jean-Yves Archer

Jean-Yves ARCHER est économiste, membre de la SEP (Société d’Économie Politique), profession libérale depuis 34 ans et ancien de l’ENA

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Mercredi après-midi, un moment de l'histoire parlementaire s'est écrit : mieux un tournant de l'histoire politique contemporaine. C'est en effet au Sénat que le Président de groupe du Parti communiste Monsieur Pierre Laurent a interpellé le Premier ministre lors d'une question au Gouvernement. Un verbe maîtrisé pour une question rude. Celle-ci portait sur la future réforme des taux de TVA applicable au 1er Janvier 2014. L'argumentaire habilement et fermement déroulé par Pierre Laurent a consisté à montrer le caractère néfaste de cet impôt non progressif ( le démuni paye le même taux que le nanti s'ils effectuent le même type d'achat ) et à demander (oui, demander officiellement) à Jean-Marc Ayrault de renoncer à cette réforme.

La réponse du Premier ministre a été surprenante car cinglante, presque blessante. Montrant sa détermination, le chef du Gouvernement a indiqué d'une voix forte que la réforme aurait lieu. Un discours offensif autant qu'offensant puisque ne répondant pas aux arguments soulevés par le premier orateur. Plus tard, dans le " debriefing " de la séance lors de l'émission animée par Perrine Tarneaud, Pierre Laurent a été assez loin dans ses raisonnements en indiquant qu'il ne fallait pas confondre la majorité parlementaire qui existe à l'Assemblée Nationale et la majorité de gauche qui existe au Sénat et " qui regroupe les forces politiques qui étaient nécessaires pour l'élection de François Hollande ". Le lecteur a compris l'allusion explicite de Pierre Laurent qui a maintenu son appel pour une manifestation anti-TVA en date du 1er Décembre à venir.

Mais, l'émission a continué et c'est au tour du célèbre écologiste Jean-Vincent Placé de stigmatiser cette mesure et de faire une distinction subtile entre un éventuel vote du PLF 2014 ( projet de Loi de finances ) et le refus de la réforme de la TVA qualifiée à plusieurs reprises de "goutte d'eau qui fait déborder le vase " (sic ). Le décor du psychodrame des fissures du bloc majoritaire est dressé. Il ne l'avait jamais été aussi clairement et virilement. Si les communistes et le parti EELV se joignent à une hostilité anti-TVA, cela aura des répercussions parlementaires et constituera une onde de choc dans le pays que le pouvoir exécutif aurait tort de sous-estimer. Il est aisé face à une France qui gronde de tenter de gagner en popularité au détriment des socialistes.

Monsieur Placé a déjà préparé des arguments qui sont des silex bien pointus : ainsi, il a expliqué que le STIF ( transports Ile de France ) avait fait le calcul : le passage de 7% à 10% représentera une charge de 80 millions qui a de fortes chances d'être répercutée sur le prix des billets de métro, bus et RER. Monsieur Laurent a, lui, parlé du bois de chauffage. Autant dire que ces deux hommes politiques ont parlé au vrai portefeuille des Français, celui de la vie de tous les jours et ont sciemment pris des exemples qui nouent l'estomac pour qui songe à ceux qui ont tant de mal " à joindre les deux bouts ".

A l'autre bout du raisonnement, il y a ce pouvoir objectivement impopulaire qui ne peut se permettre un recul supplémentaire surtout sur une mesure annoncée lors de la conférence de presse présidentielle du 13 novembre 2012 : il y a un an. Au plan technique, le passage à 20% de TVA, de 7 à 10% et quelques maintiens à 5,5% ( l'idée de descendre à 5% ayant été abandonnée pour " conserver " 700 millions de recettes ) devraient permettre d'engranger un peu plus de 6 milliards d'euros.






En 2013, la TVA a représenté un peu plus de 141 milliards de recettes pour l'Etat. Dès lors, cela signifie que les modifications apportées au 1er Janvier 2014 devraient représenter un impact de 4,26% de hausse de ce poste de recettes. Nette d'inflation, on parle donc d'une mesure à 3% du total collecté de TVA à rapprocher de l'impopularité de la mesure. Monsieur Alain Juppé (qui avait augmenté le taux de TVA en 1995) en sait quelque chose.

Face à ces éléments de constat, cinq remarques méritent d'être formulées :

  •  Pourquoi a-t-il fallu attendre un an pour voir entrer en vigueur ( ou pas ? ) cette mesure là où le Gouvernement Juppé l'avait fait en trois mois ?
  •  Si le Gouvernement recule, quelle crédibilité face à de nombreuses corporations et aussi face à Bruxelles ?
  •  Si le Gouvernement reste " droit dans ses bottes ", le casus belli avec l'allié traditionnel communiste et avec les Verts est certain. Le PS peut-il se le permettre ? Ne pouvant jeter la réforme, jusqu'où faudra-t-il l'amender ? Souvenons-nous des projets communistes de voir rétabli le taux à 33,33% qui a longtemps existé dans notre pays sur nombre de biens : le caviar comme l'automobile !
  • Le Gouvernement a déjà accepté de maintenir à 5,5% la TVA sur les travaux de rénovation thermique et sur les " travaux induits " : terme flou dans lequel vont vouloir se glisser bien des lobbys et professionnels de tous types. Il risque d'y avoir une mesure générale progressivement dénaturée par une liste à la Prévert de dérogations. Autrement dit, notre supposition est de concevoir que si la réforme parvient à son terme, elle sera passée dans une centrifugeuse politico-parlementaire qui l'aura changée d'aspect.
  • Il y a quelque temps, un objet à 5,5% est passé à 7% puis éventuellement à 10% le jour de l'An : le calcul est simple pour le gousset des Français. A l'opposé le Gouvernement a probablement eu la main tremblante à l'idée de caler le taux plein sur 21%. Or ceci eût été d'un rendement supérieur et moins pénalisant pour les classes moyennes.


Le sénateur Pierre Laurent a expliqué et finement observé que cette hausse de TVA avait pour fonction de financer le coût du fameux CICE. Or il a indiqué que ce CICE était une aubaine pour les patrons et ne les empêchaient pas " de licencier à tour de bras "(sic ). Il y a un principe d'universalité budgétaire qui fait, qu'en droit, la hausse d'un impôt est versé, sans distinguo, dans les recettes de l'Etat et ne relève pas de la fiscalité affectée. Par-delà ce point de droit public, il est clair que si les rouges et les verts arrivent à faire passer dans l'opinion que les roses vont augmenter la TVA pour payer une soulte aux patronat, alors tout devient possible dans le climat complexe et préoccupant de notre Nation.

Finalement, la réforme de la TVA est matériellement prête : les ordinateurs de Bercy comme ceux de bien des commerçants sont dans les starting blocks. Mais, mal vendue à l'opinion ( ce qui est encore le cas à ce jour ), cette réforme pourrait rencontrer des obstacles de taille plus conséquents que prévu. André Gide a écrit : "A l'origine d'une réforme, il y a toujours un malaise. Le malaise dont souffre le réformateur est celui d'un déséquilibre intérieur".

Connaissant désormais certains des hiatus qui existent entre l'Elysée et Matignon et dont les conseillers ne se cachent même plus, nul ne peut prédire avec certitude ce que cette réforme de la TVA sera à la Saint-Valentin compte-tenu des rapports personnels intra-exécutifs. Une chose est acquise, un ministre comme Michel Charasse, n'aurait pas eu besoin d'élever la voix face à Pierre Laurent, il s'y serait pris autrement au plan technique, juridique et politique voire partisan.... la politique n'est pas un métier mais peut être un art. Donc cette réforme de la TVA nous renvoie au 8 octobre 1993, il y a vingt ans, à la conférence de Vienne du Conseil de l'Europe où un homme sût dire : "Si vous ne décidez pas vous-même de votre sort, quelqu'un s'en chargera, soyez-en sûrs ; mais ce ne sera pas forcément la meilleure solution. "

En ce lendemain de joute parlementaire très tendue, chaque partisan de la solution A ( réforme appliquée, point barre ) ou B ( réforme très amendée ) ou C ( réforme différée ou profondément altérée ) devrait méditer ces propos d'un Président de la République nommée François Mitterrand.

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