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Hausse de la mortalité routière en juillet : ce qui pourrait vraiment marcher pour obtenir des résultats
©Reuters

Sur la route, toute la sainte journée

En juillet 2015, le nombre de morts sur la route est en forte augmentation. On compte près de 30 morts de plus par jour face au bilan de juillet 2014, soit 19.2% d'augmentation. Un record macabre, dû, entre autres, au manque d'effectifs pour contrôler les automobilistes et à la vétusté des infrastructures routières.

Philippe Vénère

Philippe Vénère

Philippe Vénère a été policier pendant 40 ans. Ce grand spécialiste français du doit des automobilistes a été notamment commissaire divisionnaire et officier du ministère public du tribunal de police de Paris de 1992 à 1996. Il a également enseigné à Paris 8 où il a effectué plusieurs travaux de recherche sur la délinquance des mineurs.

Il a publié Manuel de résistance contre l'impôt policier (J'ai lu / mars 2011) et Les flics sont-ils devenus incompétents ? (Max Milo / septembre 2011)

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Atlantico : Durant le mois de Juillet 2015, le nombre de morts sur les routes a grimpé de 19,2% par rapport à l’an passé. En janvier, Bernard Cazeneuve, le ministre de l'Intérieur, proposait 26 solutions pour limiter la mortalité sur la route. Celles-ci sont-elles efficaces ? Quelles sont les premières mesures à prendre ?

Philippe Vénère : La hausse du chiffre de la mortalité routière du mois de juillet 2015 est assez inquiétante en elle-même, car elle révèle les limites de la règlementation en vigueur, notamment en ce qui concerne la verbalisation par les radars automatiques.  Bernard Cazeneuve a proposé 26 mesures destinées à améliorer la sécurité routière dont il est difficile de dire qu’elles sont efficaces, car beaucoup d’entre elles sont des objectifs à long terme (dispositifs d’enregistrement dans les véhicules en cas d’accident, meilleure formation au permis de conduire, étude statistique approfondie de tous les accidents, etc.). L’interdiction des oreillettes ou des casques au volant peut avoir un effet positif, tout comme l’abaissement du taux d’alcoolémie à 0,20 g/l pour les jeunes conducteurs, ou encore une signalisation renforcée pour attirer l’attention du conducteur.

En termes de mortalité sur la route, comment se place la France  vis-à-vis de ses voisins Européens ? S’en sortent-ils mieux que nous ? Comment l’expliquer ?

En ce qui concerne les mesures à prendre en priorité, j’ai toujours indiqué que les moyens de contrôle du réseau routier par les forces de l’ordre avaient un effet sensible sur le respect du Code de la route par les conducteurs. En effet, la plupart des infractions routières graves  ne peuvent être relevées par les radars automatiques et nécessitent la mise en œuvre de personnels, sans que ces derniers ne soient soumis à un impératif de rendement, comme c’est le cas en ce moment, mais que la verbalisation soit effectuée de manière plus sélective, voire plus sévère, lorsqu’ils se rendent compte du danger présenté par un conducteur.

Il est nécessaire d’autre part de se doter de moyens d’analyse performants des causes de tous les accidents corporels. Si l’on veut agir efficacement, encore faut-il, avoir un visuel précis de l’accidentologie donnant lieu à une réglementation plus adaptée pour répondre à ces causes. Il est inutile de vouloir tout sanctionner, sans discernement, au motif d’une meilleure sécurité routière. Car c’est bien d’un manque de discernement qu’il est question pour aborder une meilleure politique routière.

Sur qui pourrions-nous prendre exemple pour faire reculer la mortalité ?

La France ne se place pas dans le peloton de tête européen en ce qui concerne la sécurité routière. Elle se situe dans le milieu du tableau. Il y a pire, mais il  y a surtout mieux. Sans pour dans ces lignes faire l’inventaire des mesures prises par les "meilleurs élèves", on peut s’inspirer de celles prises par la Suède, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, l’Allemagne, entre autres pour analyser leurs résultats, et les transposer, autant que faire se peut, aux conditions propres à la France. Ainsi la Suède a  adopté le principe de barrières séparatives de chaussées pour les routes à deux voies, la surpression des obstacles fixes au bord des routes, la formation au secourisme de tous les professionnels de la route,  mais surtout, elle implique dans la responsabilité des accidents, tous les acteurs et non les seuls conducteurs (constructeurs automobiles, gestionnaires du réseau routier, etc.).  Et, puis les Suédois font preuve d’un civisme exemplaire, alors qu’en France…

Par ailleurs, il est utile de suivre les travaux de la communauté européenne, sur les équipements de sécurité pour les véhicules automobiles. Là encore, la Suède a toujours été en pointe pour les équipements de sécurité (ceinture de sécurité, sièges auto enfants, ronds-points,  dispositifs de ralentissement  en cas de distance insuffisante entre deux véhicules, etc.).

Selon maître Jéhanne Collard, avocate spécialisée dans la défense des accidentés de la route, le gouvernement fait semblant de prendre en charge le sujet de la mortalité automobile. Cette analyse vous semble-t-elle pertinente ? Pourquoi ?

Maître Jehanne Collard estime que le gouvernement ne fait pas assez d’efforts et elle prône surtout la baisse de la vitesse sur le réseau routier.Mais ce n’est pas la panacée, comme je l’ai déjà indiqué, car ce n’est pas la première cause de mortalité routière. Je la rejoins cependant sur  le fait que le gouvernement (et ses prédécesseurs) ne se soit pas doté de tous les indicateurs accidentogènes à la base de cette mortalité.  Il y a une véritable carence.

Or, pour beaucoup d’automobilistes, les radars ne sont que des "pompes à fric" et on ne peut leur donner tort. Il est vrai que la sécurité  ne doit pas passer par la case rentabilité. Il doit plus être question de sélection des zones dangereuses pour y implanter des dispositifs de contrôles automatiques, mais aussi d’investissements importants dans les infrastructures routières, dans les moyens de formation approfondie des jeunes conducteurs et multiplier les actions de sensibilisation des conducteurs automobiles, car une réglementation aussi sévère soit-elle passe avant tout par le respect des règles et pourrait-on ajouter, par un code déontologie.

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