Guillaume Peltier : "La question n’est pas tellement de savoir s’il faudra être plus à droite, mais de savoir qui sera le plus courageux”<!-- --> | Atlantico.fr
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Guillaume Peltier, cofondateur de la Droite forte.
Guillaume Peltier, cofondateur de la Droite forte.
©Reuters

Entretien

Nicolas Sarkozy a réuni près entre 4 000 et 5 000 sympathisants lors de son meeting à Paris vendredi 7 novembre. S'il en a profité pour établir un diagnostic de problématiques auxquelles la France est confrontée, des réformes économique en passant par la thématique de l'immigration, il a également voulu bouger les sensibilités traditionnelles pour rassembler une droite plus que jamais fragmentée.

Guillaume Peltier

Guillaume Peltier

Guillaume Peltier est député de Loir-et-Cher et vice-président délégué des Républicains. Il a été professeur d'histoire-géographie, chef d'entreprise et porte-parole de Nicolas Sarkozy.

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Atlantico : Au lendemain de l'émission de François Hollande En direct avec les Français, Nicolas Sarkozy a organisé un meeting porte de Versailles à Paris. Réunissant entre 4 000 et 5 000 personnes, ce dernier était notamment attendu pour son programme du renouvellement de l'UMP. En quoi son discours nous a-t-il révélé sa conception de ce que devrait être l'UMP ?

Guillaume Peltier : Nicolas Sarkozy est intervenu sur plusieurs sujets pour parler directement aux Français. Avec hauteur, il a porté une direction, un cap, avec un certain nombre de propositions courageuses et audacieuses. Il a donc évoqué la réforme du statut des fonctionnaires, exprimé sa très forte volonté de réduire la dette, sans oublier de parler des problèmes liés à l’immigration à travers la refonte du traité de Schengen qu'il estime nécessaire, - et il a raison ! – pour résoudre ce problème. Il a montré sa volonté de lutter contre l’assistanat et le communautarisme, deux maux qui rongent la société française. Il a placé la France et la République, nos trésors si précieux, au-dessus de tout.

C’est dans cet état d’esprit qu’il a choisi cette date et ce lieu pour s’adresser aux 300 000 adhérents de l’UMP. Son objectif était également de tracer les perspectives de notre nouvelle formation politique qui verra le jour dans les semaines et les mois qui viennent, et qu'il souhaite voir à travers un congrès fondateur au printemps prochain. Trois changements principaux me semblent nécessaires, bien qu’elles restent à être évaluées et débattues en interne : premièrement, changer le nom de notre formation, car la dimension symbolique est importante : nous avons pu le constater en 2002 quand Alain Juppé avait amorcé la transition entre RPR et UMP, ou comme l’avait fait Jacques Chirac en 1976 avec le RPR. L'objectif est donc d'ouvrir une nouvelle ère, celle de la plus grande formation politique de droite au niveau européen avec 500 000 adhérents. 

Un changement de forme, mais également un renouvellement des équipes.  Un vivier important de personnes doit prendre part à de nouvelles responsabilités sur les questions thématiques qui préoccupent les Français. Et un lien doit être établi structurellement avec les fédérations, les élections, les projets pour proposer une opposition constructive à l'action gouvernementale. Egalement, il a exprimé une volonté originale, à savoir faire de la carte d’adhérent une véritable carte d’électeur, afin que la capacité d'influence de tous les adhérents soit la même, alors qu'aujourd'hui ceux qui n'habitent pas à Paris ne sont pas suffisamment entendus. Il faut redonner la parole aux militants comme il faut, plus largement, la redonner au peuple français.

>>> A lire également : Revivez le meeting de Sarkozy à Paris

Comment s’organiseraient ces référendums, souvent proposés à l'UMP mais jamais concrétisés ?

Il y aurait des débats sur des sujets aussi vastes que les questions économiques, sociétales, sociales ; et à l’issue, l’organisation de référendums militants. Chaque nouvel adhérent de cette grande formation politique de la droite républicaine aurait la possibilité non seulement de choisir les personnalités qui les représenteront lors des scrutins locaux et nationaux, mais aussi et surtout de valider les orientations programmatiques. Tout cela est très cohérent : parler aux Français à travers son projet pour la France, parler et écouter les militants à travers cette nouvelle organisation pour permettre à chaque Français de recouvrer la maîtrise de son destin, de son avenir.

Les parlementaires et les élus pourraient ainsi exposer leurs idées dans des débats, sur leurs visions de l’éducation ou encore de la fiscalité, mais les propositions finales seraient tranchées par les militants.

Nous croyons fondamentalement au travail de nos parlementaires et à la démocratie représentative, mais celle-ci doit être complétée de manière indispensable par une démocratie participative sur les grands sujets qui passionnent les Français et engagent leur avenir.

En 2007 et en 2012, on connaissait dans l’entourage de Nicolas Sarkozy un certain nombre d’idéologues qui l'ont soutenus dans l’élaboration de son programme. Qui a pris cette position aujourd’hui, et qu’est-ce que cela peut révéler de son projet politique ?

Sa volonté est justement de casser les vieux codes, les vieux tabous et les vieux totems. Il ne souhaite pas se laisser enfermer dans une vision caricaturée des choses. La question n’est donc pas tellement de savoir s’il faudra être plus ou moins à droite, mais de savoir s’il faudra être plus courageux. Sa volonté est d’incarner le courage des réformes. Pourquoi ? Car avec le recul et la lucidité, nous pouvons déduire que premièrement, nous avons réformé comme jamais notre pays, mais sans l’expliquer suffisamment. Nous avons lors du précédent mandat engagé de nombreuses réformes, comme en témoignent la défiscalisation des heures supplémentaires, le service minimum, l’autonomie des universités, le report à 62 ans du départ à la retraite ou encore le non remplacement d’un fonctionnaire sur deux. Mais il faut également admettre que si nous n’avons pas gagné en 2012, c'est parce que nous n’avons pas été assez loin dans les réformes, ni assez courageux politiquement et collectivement. Et je crois que c’est ce que souhaite porter Nicolas Sarkozy, une nouvelle méthodologie et une volonté réformatrice plus forte, plus courageuse.

Nicolas Sarkozy est régulièrement en baisse dans les différents sondages effectués auprès des sympathisants UMP. Dernièrement, un baromètre BVA-Orange faisait état d'une différence de 10 points entre lui et Alain Juppé. Certains de ses fervents soutiens semblent même faire une croix sur une victoire à 80% comme annoncé à son retour. Quelle lecture faites-vous de ces résultats, et quelles conséquences en tirez-vous ?

Qu’il y ait des variations lorsque l’on rentre dans une campagne est on ne peut plus légitime. La question n’est pas la valeur relative mais la valeur absolue ! Si l’on demande à n’importe quel homme ou femme politique, de droite et de gauche, à une élection nationale ou locale, comment considérer un sondage qui l’annonce très largement victorieux au premier tour, eh bien chacun signe des deux mains. Par-delà le score, ce qui compte, c’est de gagner et de refonder enfin notre parti.

Qu’est-ce qui vous permet alors d’imaginer que cette tendance baissière stagnera, voire s'inversera ?

Deux phénomènes prouvent cette réussite du retour de Nicolas Sarkozy : des milliers de personnes sont venues vendredi soir, nous avons même dû refuser du monde car les salles sont trop petites. 5 000 personnes à Paris, à Nice, à Marseille et ailleurs… Tout cela est à prendre en compte. Et deuxièmement, qu’il y ait de deux tiers à trois quarts des sympathisants qui estiment qu’il est le meilleur et le mieux placé pour être le futur président de l’UMP est déjà considérable. La légère baisse est, encore une fois, légitime puisqu’il est entré en campagne, mais ce qui compte c’est de gagner, et de gagner nettement : c’est ce qui est annoncé.

Qu’Alain Juppé soit populaire dans certains baromètres est une réalité mais il n’est pas encore en campagne pour celle qui vient. Egalement, cette popularité est alimentée en grande partie par des électeurs de gauche, nous le savons. Si l’on doit faire une bonne comparaison, les sondages actuels sur le premier tour de l’élection présidentielle disent que Nicolas Sarkozy ferait entre 26% et 28% des voix, et Alain Juppé de 27 à 29% des voix. On voit bien que les deux sont donnés dans un mouchoir de poche. Dire que l’un a pris le pas sur l’autre pour une campagne qui n’a pas encore commencé est une erreur d'appréciation. Ce sera un autre débat, celle de la primaire, que les électeurs devront trancher, mais pas avant.

On a pu voir que Nicolas Sarkozy multipliait les meetings, de Marseille à Paris, en passant par Nancy par exemple. Comment vit-il personnellement son retour ?

Il envisage son avenir avec beaucoup d’humilité et de volontarisme, souhaitant réunir autour de lui le plus grand nombre de personnalités aux sensibilités complémentaires, et surtout le plus grand nombre de Français qui ne croient plus en la politique. Le grand défi, c’est de réconcilier les Français avec eux-mêmes, avec la France, avec la politique au sens noble du terme. Le grand enjeu, c’est d’incarner enfin le courage et le mérite. Voilà les deux mots-clés de l’avenir de la droite comme de la France.

Son retour est réussi car il ne mélange pas les élections, contrairement à ce qu’on lui a reproché. Il est actuellement dans sa campagne interne, et pas plus loin, pour avoir le mandat de refonder sa famille politique.

Pour autant, il ne se prive pas d’une analyse de la scène politique actuelle, comme on a pu le voir à de multiples reprises. Marine Le Pen est actuellement donnée gagnante au premier tour des élections présidentielles, et ce dans toutes les configurations politiques. Quelle est son attitude par rapport à ces projections ?

Ce que j’apprécie particulièrement chez Nicolas Sarkozy, c’est sa capacité à regarder en face et sans prisme déformant la réalité de la colère profonde du peuple français. Il y a, il est vrai, une vague qui monte et qui s’exprime à travers ce vote. Face à cette réalité, deux attitudes sont possibles. La nier, la caricaturer ou la juger moralement, comme ont choisi de le faire certaines personnalités de droite comme de gauche, mais il y en a une autre, plus pertinente et, à mon sens, plus réaliste et efficace. A juste titre, Nicolas Sarkozy veut parler aux électeurs qui sont tentés par le Front National en leur disant : je ne vous juge pas, je comprends votre exaspération mais je vais y répondre par le courage. Vous êtes inquiets sur la reconstruction européenne ? Comment redonner la parole au peuple en Europe ? Sur les questions d’immigration, comment rétablir les contrôles aux frontières ? Vous êtes inquiet sur les délocalisations ? Comment est-ce qu’on remet au goût du jour le patriotisme économique ? Sur la dette ? Comment rétablir notre souveraineté ? Sur tous les sujets qui concernent les Français, il ne souhaite pas apporter un jugement moral mais une réponse politique.

Comment compte-t-il faire la synthèse entre toutes les droites, alors que les valeurs du centre incarnées par Alain Juppé sont de plus en plus plébiscitée par les électeurs UMP, et celle d’une droite plus radicale ? Ce grand écart des sensibilités politiques est-il vraiment envisageable ?

Là encore, ne commettons pas l’erreur de penser le nouveau monde avec le vieux système. Oui, il existe des Français de droite, du centre et de gauche. Mais il y a, à mon sens, une écrasante majorité de Français qui, par delà les positions partisanes, attendent surtout des résultats, un chef, une autorité, une énergie, et des hommes et des femmes qui seront capable demain d’appliquer les promesses qu’ils font aujourd’hui. Nous avons des talents, tels Alain Juppé, Nicolas Sarkozy, ou encore Bruno Le Maire. C’est le peuple de droite qui aura à trancher en 2016 pour désigner celui qui est le mieux placé pour incarner cette idée. La question centrale est qui est le plus courageux pour porter enfin les réformes radicales que les Français souhaitent voir engagées.

Un livre publié cette semaine rapporte plusieurs commentaires que Nicolas Sarkozy aurait fait sur des personnalités de la vie publique, jusqu'à sa propre famille politique. Comment Nicolas Sarkozy envisage-t-il la fonction de président de l'UMP ?

Je ne porterai aucune analyse ou jugement sur ce type d’ouvrage. Chacun fait son travail, et je ne crois que ce que je vois et ce que j’entends. Dans cette campagne, ce que je vois, c’est un homme qui a été présenté comme un diviseur, et qui, pourtant, est sans doute le plus rassembleur. Qui dans cette campagne a été capable de rassembler des personnalités aussi diverses que Nathalie Kosciusko Morizet, François Baroin, Laurent Wauquiez, ou mes amis de la Droite forte ?… Il démontre en permanence sa capacité à rassembler. Ce recueil, je le qualifierai d’écume des jours. Si cela passionne le microcosme, tant mieux pour eux et tant pis pour la France. Moi, ça ne m’intéresse pas, et je ne crois pas que cela intéresse les Français davantage. Arrêtons le nombrilisme, intéressons nous enfin à la France !

Propos recueillis par Alexis Franco

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