Guerre en Ukraine : après 500 jours de guerre, la bataille de l’opinion a été très largement perdue par Poutine en Europe comme dans le reste du monde<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Défense
Des manifestantes mobilisées contre l'offensive menée par Vladimir Poutine en Ukraine.
Des manifestantes mobilisées contre l'offensive menée par Vladimir Poutine en Ukraine.
©TOLGA AKMEN / AFP

Opération militaire spéciale

A l'occasion du 500ème jour de guerre, l'Ifop et la fondation Jean Jaurès ont réalisé une enquête sur le regard des Européens sur la crise en Ukraine.

Michael Lambert

Michael Lambert

Michael Eric Lambert est analyste renseignement pour l’agence Pinkerton à Dublin et titulaire d’un doctorat en Histoire des relations internationales à Sorbonne Université en partenariat avec l’INSEAD.

Voir la bio »
Atlantico : A l'occasion du 500ème jour de la guerre en Ukraine et de l'ouverture du sommet de l'OTAN à Vilnius, l'IFOP et la Fondation Jean Jaurès ont réalisé une enquête multi-pays sur la perception de la crise ukrainienne par les Européens. Que peut-on tirer de cette étude ?

Michael Lambert : Les résultats de l'enquête, qui porte sur les opinions des principaux pays d'Europe occidentale sur la guerre en Ukraine, montrent sans surprise que la majorité d'entre eux ont une image médiocre de la Russie et une bonne perception de l'Ukraine. De surcroît, la majorité est favorable à l'intégration de l'Ukraine dans l'Union européenne et à l'envoi d'équipements militaires pour soutenir Kiev.

Cette étude révèle également que les tendances politiques influencent l'image de la Russie : par exemple, les groupes d'extrême droite en Europe sont plus favorables au Kremlin que ne le sont les libéraux. Les citadins sont par ailleurs plus russophobes que les ruraux. Le revenu influe lui aussi, avec une image bien plus positive de l'Ukraine en fonction du niveau de vie, ce qui semble cohérent avec la corrélation entre le niveau de vie et le lieu d'habitation (les citadins sont souvent plus aisés que les ruraux) et la tendance politique, les personnes ayant des revenus plus élevés étant souvent plus libérales et moins enclines à l'euroscepticisme et à voter pour des partis d'extrême-droite.

En résumé, l'Europe occidentale est fragmentée en fonction du milieu social, mais globalement favorable à l'Ukraine, ce qui montre la faiblesse du soft power russe en occident. 
Comme le souligne une nouvelle enquête du Pew Research Center, la Russie et son président, Vladimir Poutine, continuent d'être perçus négativement par les populations du monde entier. En moyenne, 82 % des adultes de 24 pays ont une opinion défavorable de la Russie. A quel point la bataille de l’opinion a-t-elle été perdue par Poutine en Europe, mais aussi pour partie dans le reste du monde ?  
La réalité est bien plus complexe. La Russie a perdu de son influence dans les pays occidentaux, en particulier au sein de l'Union européenne (à l'exception de la Bulgarie et de la Hongrie), mais Moscou jouit néanmoins d'une image positive dans de nombreux pays du continent, tels que la Serbie et le Monténégro.

En Afrique, a contrario, la Russie est nettement plus influente, avec une image favorable qui se renforce au Mali, en Afrique du Sud, au Mozambique, en Érythrée ou encore en Centrafrique.

Il en va de même en Amérique latine, où Cuba, le Venezuela et la Russie se rapprochent, sans compter les nombreux pays qui refusent de s'aligner, notamment le Brésil.

En Asie, c'est surtout la Corée du Nord qui se range derrière la Russie, faute d'opinion divergente à Pyongyang. La Chine et l'Inde ont également des opinions très diverses, mais elles sont loin d'être négatives à l'égard de Moscou.

En résumé, nous assistons à une polarisation mondiale, comme du temps de l'Union soviétique, avec des pro-occidentaux et des pro-russes. D'une manière générale, les Occidentaux, c'est-à-dire 1 habitant de la planète sur 8 (12,5 %), sont défavorables à la Russie, mais la majorité du globe est largement passive.

La question du soft power russe demeure donc, malgré l'invasion et les conséquences tragiques de la guerre.
On a souvent dit que Poutine minait l'Occident dans le reste du monde. Le fait que l'Argentine, le Brésil et, dans une moindre mesure, le Nigeria et le Kenya voient leur opinion de la Russie et de Poutine se dégrader n'est-il pas la preuve de cet échec ?

Il est difficile de justifier l'invasion d'un pays, et les partisans de la Russie ne sont mus que par des intérêts économiques ou des positions anti-occidentales bien ancrées. À cet égard, les pays les plus favorables sont naturellement la Corée du Nord, l'Iran et le Venezuela, où l'antiaméricanisme abonde.

Quant aux autres, ils ne sont sensibles à la Russie que par intérêt économique ou alimentaire, ou encore parce qu'il s'agit d'États en crise, comme l'Afrique centrale ou l'Afrique du Sud, où la situation énergétique est préoccupante et soulève des questions sur son avenir. La corrélation entre la défaillance des institutions gouvernementales, la faiblesse économique et les tendances pro-russes des pays est directe.
Comment expliquer le soutien massif (et croissant) à la Russie en Indonésie et en Inde ?

La question indonésienne est complexe et semble mêler désapprobation de la politique internationale des États-Unis et communication pro-russe dans les médias.

Le soutien de l'Inde est plus facile à interpréter, puisqu'il s'agit d'obtenir le soutien de la Russie pour la sécurité alimentaire du pays, qui repose sur les importations de céréales russes. En définitive, l'Inde - et on pourrait ajouter l'Egypte, parmi beaucoup d'autres en Asie et au Moyen-Orient - ne peut se passer de la Russie de peur de voir surgir des famines.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !