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Grèves et manifestations : le gouvernement est-il vraiment menacé d’une explosion sociale ?
©Reuters

Il n’y a pas que le terrorisme

La fonction publique, les taxis et les contrôleurs aériens ont appelé à faire grève mardi 26 janvier dans toute la France. Cette mobilisation, qui s'annonce importante (50% des vols touchés, fonctionnement de plusieurs hôpitaux, écoles et collèges touchés, aéroports parisiens bloqués à partir de 6h du matin), s'inscrit dans un contexte politique.

Hubert Landier

Hubert Landier

Hubert Landier est expert indépendant, vice-président de l’Institut international de l’audit social et professeur émérite à l’Académie du travail et de relations sociales (Moscou).

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Atlantico : quelle est la réalité des tensions sociales en France ?

Hubert Landier : Le climat social reste correct là où les changement sont anticipés et leurs modalités négociées. Il est par contre très dégradé là où les traditions de négociation n’existent que très superficiellement ou lorsque se manifestent des comportement corporatistes ancrés dans la préservation coûte que coûte des avantages acquis. C’est le cas dans les professions que vous citez.

Il faut ajouter que les mouvements de grève n’ont pas lieu dans les professions les plus défavorisées mais là où les syndicats sont à la fois très forts et très conservateurs, leur influence étant fondée sur leur capacité de nuisance et la possibilité pour eux de se faire largement entendre, comme c’est le cas dans les transports. Ce n’est plus une question d’équité mais une question de rapports de forces.

>>>> A lire aussi : Fonctionnaires en grève : mais au fait depuis 2008, qui du secteur public ou du secteur privé a été le plus affecté par la crise ?

Plusieurs syndicats ne se sont pas déplacés à la conférence sociale de la rentrée 2015. En quoi le dialogue social pratiqué par le gouvernement est-il défaillant ?

Le dialogue social pratiqué par le gouvernement, en fait, n’est que la partie émergée de l’iceberg. L’essentiel se déroule au niveau des entreprises et, subsidiairement, à celui des branches professionnelles. Il ne faut pas exagérer l’importance du tamtam au niveau national et des effets de posture des uns et des autres. Ce qui se passe sur le terrain n’a pas beaucoup de relations avec l’agenda politique et les effets d’annonce du gouvernement, quel qu’il soit. Et ce que l’on pourrait demander à celui-ci, c’est de laisser négocier ceux et celles qui savent négocier et qui négocient sur des choses concrètes, sans qu’il cherche en permanence à s’immiscer dans leurs relations.

Il n’est pas anormal que les gens de métier se fassent entendre sur l’évolution des conditions sans lesquelles il l’exercent ; ce qui est dommageable, en revanche, c’est quand ils s’expriment en ne prenant en considération que leurs seuls intérêts, en ignorant ceux de leurs clients ou des usagers. Il s’agit de trouver une juste mesure entre intérêts professionnels, intérêt des usagers et des consommateurs, et intérêts de la collectivité nationale ; or, le point d’équilibre équitable n’est jamais facile à trouver, surtout en période de récession économique.

Par ailleurs les syndicats de salariés ont perdu leur légitimité. Est-ce que cela peut augmenter cet effet de tension qui couverait, faute de pouvoir être exprimée ?

Les sondages montrent que les syndicats de salariés ont en effet perdu de leur crédibilité ; toutefois, ce sont tous les corps constitués, qu’il s’agisse des partis politiques, des organisations patronales ou des églises, qui ont perdu de leur crédibilité…

En tout cas, cette perte de crédibilité des syndicats, donc de l’action collective, débouche sur une progression des frustrations qui restent inexprimées, sur un développement du stress, des risques psychosociaux et des manifestations de désengagement. Cela n’est certainement pas un progrès parce que les problèmes demeurent, faute d’avoir été franchement abordés entre directions d’entreprises et représentants du personnel. Et lorsque les possibilités d’expression collectives sont encore restreintes par suite de l’état d’urgence, cela ne facilite vraiment pas les choses. Et il peut en résulter des frustrations qui ne s’exprimeront que plus tard, et peut-être d’une façon brutale. Souvenons-nous de la manifestation des bonnets rouges en Bretagne il y a deux ans. La tendance, c’est que les tensions s’expriment en dehors des organisations représentatives et ce n’est pas sain. C’est comme ça que commencent les crises sociales. 

Mis à part ces secteurs (enseignement, contrôleurs aériens, personnel hospitalier), d'autres pourraient-ils commencer à se faire entendre ? Dans lesquels trouve-t-on le plus fort degré de mécontentement ?

Dans une période où la situation économique et les mutations technologiques bousculent les certitudes et les rentes de situation, c’est dans les secteurs qui étaient jusqu’à présent les plus abrités face au changement et où les gens y sont donc le moins préparés que l’on risque de rencontrer le plus de difficultés…

C’est aussi le cas de secteurs d’activité où les gens bénéficiaient d’un relatif confort lorsque la rente de situation sur laquelle ils surfaient retombe, souvent parce qu’elle n’est plus justifiée et qu’elle peut être contournée par la technique, voire remise en cause par une modification de la législation parce qu’elle porte préjudice à l’intérêt général. 

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