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Grève générale en Guyane : pourquoi le gouvernement ne comprend pas la nature réelle du problème
©Flickr

Outre-Mer

En pleine campagne présidentielle, la Guyane est traversée par une vague de mouvements sociaux depuis ce weekend et se heurte à l'incompréhension des services de l'Etat et du gouvernement.

Atlantico : Alors que la campagne présidentielle bat son plein, plusieurs mouvements sociaux ont éclaté en Guyane depuis ce weekend. Parmi les revendications figure notamment une meilleure protection contre la délinquance, et des solutions pour lutter contre le chômage. Selon l'Insee (voir ici), le territoire présente plusieurs spécificités démographiques avec un taux de croissance annuel de la population de +2,4% par an, soit le plus élevé de France. Quelle est la part d'immigration dans ces arrivées ?

Laurent Chalard : La Guyane est le département qui a connu la plus forte croissance démographique de France, avec Mayotte, depuis 1946. Sa population a quasiment été multipliée par dix selon les données officielles, passant de 25 500 habitants en 1946 à 252 338 habitants au 1° janvier 2014 selon les enquêtes de recensement de l’Insee, auxquels doivent s’ajouter quelques milliers de clandestins non recensés. Cela rappelle plus les taux de croissances des pays du Tiers-Monde que de la France métropolitaine, qui a connu une augmentation de sa population de seulement 58 % entre 1946 et 2014.

Cette explosion démographique est le produit de la combinaison de deux facteurs, un très fort excédent naturel et un solde migratoire largement positif sur la majorité de la période.

En effet, l’excédent naturel est constamment positif depuis 1949. Le taux de mortalité a sensiblement baissé grâce à l’apport des innovations médicales de France métropolitaine alors que la natalité a fortement augmenté, du fait d’une fécondité traditionnelle élevée, qui s’est maintenue sur l’ensemble de la période. Cependant, la forte natalité est loin d’être uniquement endogène. Elle a été accentuée par l’immigration de jeunes en âge d’avoir des enfants des pays voisins, d’où peu de personnes âgées et un taux de mortalité considérablement abaissé. Les personnes en âge de décéder sont peu nombreuses car héritées des générations nées dans les années 1950.

Concernant le solde migratoire, il est devenu excédentaire depuis la mise en place du centre spatial de Kourou dans les années 1960, qui a conduit à une forte augmentation du niveau de vie, qui, s’il demeure inférieur à celui de la France Métropolitaine, est très supérieur à celui des pays voisins. Outre les migrants européens originaires de France métropolitaines venus travailler, en règle générale temporairement, au complexe spatial de Kourou, ainsi que des fonctionnaires, la Guyane a accueilli à partir des années 1970 des haïtiens, puis, dans les décennies suivantes, des surinamiens et des brésiliens. Entre 1990 et 2009, l’excédent migratoire a contribué à hauteur d’environ 30 % à la croissance démographique totale de la Guyane française, soit + 30 000 habitants. Cette immigration internationale conduit à la constitution d’une population de nationalité étrangère d’à peu près du même ordre (près de 35 % de la population totale en 2014), soit un pourcentage très supérieur au niveau national (6,4 % en 2014), ce qui laisse penser que la population d’origine étrangère est peut-être en passe de devenir majoritaire sur l’ensemble du territoire guyanais. Il est à noter que cet excédent migratoire aurait officiellement pris fin ces dernières années, mais il est difficile de savoir si cette rupture apparente est liée à une réalité statistique ou à une détérioration des données du recensement rénové, comme en France métropolitaine, la réalité du terrain laissant penser que l’immigration se poursuit à un niveau élevé.

En quoi ces arrivées -qui ne répondent pas à un besoin économique mais sont motivées par une meilleure qualité de vie- a-t-il pu participer à l'état de tension sociale des guyanais, tant en termes de pression sur le travail que d'insécurité ?

En règle générale, les territoires les plus attractifs pour les immigrés sont des territoires riches fortement créateurs d’emploi, avec des besoins en main d’oeuvre peu qualifiée importants. Or, concernant la Guyane, ce n’est pas vraiment le cas, dans le sens qu’en-dehors du complexe spatial de Kourou, il n’y a pas eu réellement de développement économique, le niveau de vie relativement élevé étant maintenu artificiellement comme dans la plupart des pays d’outre-mer par les processus de redistribution d’argent depuis la France Métropolitaine. En conséquence, il se créé une concurrence sur le marché de l’emploi entre les « autochtones » et les nouveaux arrivants. Le chômage est massif, les équipements sont sous-dimensionnés et l’insécurité se développe. Par ailleurs, la seule autre activité économique notable de ce département est l’orpaillage, milieu, qui se caractérise par une certaine anarchie, source d’une criminalité très importante. 

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