Grève des médecins : ces praticiens disparus qu’on pourrait faire revenir<!-- --> | Atlantico.fr
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Des milliers de médecins et biologistes à travers le pays ont fermé leurs cabinets les 1er et 2 décembre 2022, notamment pour demander une hausse des prix des consultations.
Des milliers de médecins et biologistes à travers le pays ont fermé leurs cabinets les 1er et 2 décembre 2022, notamment pour demander une hausse des prix des consultations.
©EMMANUEL DUNAND / AFP

Attractivité de la profession

Des milliers de médecins et de biologistes ont fermé leurs cabinets et leurs laboratoires le 1er et le 2 décembre pour notamment réclamer une revalorisation de leurs honoraires. De plus en plus de généralistes se reconvertissent dans l’expertise, les laboratoires ou l’administration.

Jérôme Marty

Jérôme Marty

Président de l'Union française pour une médecine libre, Jérôme Marty, est médecin généraliste et gériatre à Fronton, près de Toulouse.

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Atlantico : Les médecins libéraux, dont vous faites partie, sont actuellement en grève. Pourquoi ?

Jérôme Marty : Je lisais à l’instant un entrefilet de François Braun qui disait : je n’accepterai pas de grèves à Noël et au jour de l’An puisque les urgences sont épuisées. Comme si la médecine de ville n’était pas éreintée. Elle voit 80% des patients de France, travaille presque 7 jours sur 7 et assure des gardes sur 95% du territoire. Il y a une fracture entre un monde politico-médiatique qui ne parle que de l’hôpital et jamais de la médecine de ville comme si elle n’existait pas et c’est assez symbolique de ce que l’on vit. Nous faisons grève car nous n’en pouvons plus de ne pas pouvoir soigner correctement les gens au point d’être devenus « maltraitants » par des politiques sanitaires qui ont fait complètement oublié la médecine de ville depuis une vingtaine d’années. L’essentiel des réformes concerne le service hospitalier -bien que ça ne soit pas suffisant à certains égards- mais jamais ou rarement la médecine de ville. 

Sans médecine de ville il n’y a pas de médecine tout court. Les hôpitaux ne peuvent pas vivre sans nous. Lorsque la médecine de ville va mal l’hôpital aussi alors que l’inverse n’est pas toujours vrai. Tous les patients qui arrivent et sortent de l’hôpital passent par la médecine de ville. 

Toutes les politiques depuis 15 ans prônent le virage ambulatoire qui consiste à des durées d’hospitalisation moins longues et qui mène le patient à être accompagné par la suite par une médecine de ville structurée. Or elle ne l’est plus car elle n’en a pas les moyens. Nous voulons donc rejoindre la moyenne européenne tarifaire qui est à 50€ pour faire de la médecine de qualité. Mais aussi pour que les jeunes viennent s’installer en plus grand nombre et plus rapidement. À cela on nous répond que jusqu’à 10.000 assistants seront subventionnés alors que nous sommes actuellement environ 130.000 généralistes. On évoque aussi de demander des actes de soin à des non-médecins. Ce qui consisterait à faire du bricolage car il n’y a pas un seul cabinet d’infirmières en France qui ne croule pas sous les demandes de soins. Les infirmières libérales commencent généralement leur journée à 6h30 et finissent à 22h.

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La seule chose qui pourrait permettre de sortir de cela serait de donner aux médecins les moyens de monter leur entreprise médicale. Nous sommes des entrepreneurs, bien qu’on soit rattaché à l’Assurance maladie si nous avons fait le choix d’être en libéral c’est parce qu’on a cet esprit entrepreneurial qui fait que l’on ne veut pas subir le même sort que les agriculteurs peu à peu étouffés à force de subventions. On veut aussi pouvoir prendre plus de temps avec les patients alors que le gouvernement veut nous pousser à prendre plus de monde. 

Ce passage à une consultation à 50 € fait beaucoup réagir. Est-ce que c’est vraiment de l’argent dont vous avez besoin ? Le problème n’est-il pas le manque de médecins ?

Si on veut plus de monde il faut déjà que le personnel soit bien payé. Nous souhaitons arriver à avoir 25€ net. Actuellement après une consultation il nous reste entre 9 et 11€. Nos tarifs ne sont pas indexés sur le coût de la vie. Avec une inflation annoncée à 7-8% on va gagner moins que l’année passée même avec la revalorisation de 2,8%. On ne peut pas y arriver. Et avec le cout de l’énergie les établissements publics risque de fermer bientôt. Par exemple moi je paye actuellement 14.000 €, en mars je vais payer 76.000€. Et là ou je payais 7.000 en heure creuse je vais payer 36.000€. Je passe d’une facture de 31 ou 32 mille euros annuels à 200.000. Les contrats de gros établissement vont passer de 400.000 euros à 1.800.000€. Ces établissements vont reporter ces pertes sur les blocs opératoires par exemple.

Ce pays pense pouvoir avoir une médecine de qualité sans payer à sa juste valeur le personnel soignant. Les rémunérations représentent 11% de l’Assurance Maladie. Alors que cela serait l’investissement le plus rentable pour le gouvernement. Lorsque 100€ sont investis dans le soin, on considère qu’il en ressort 150. On regarde uniquement les dépenses que représentent la médecine mais jamais les bénéfices.

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Il ne faut pas se fourvoyer, nous ne demandons pas de gagner plus. Le but n’est pas d’acheter une Porsche mais une prise en charge des patients dans de meilleures conditions.

Le système s’effondre actuellement et il est un peu compliqué de demander aux soignants de ne pas faire grève. 

Il suffirait donc de rendre le métier plus attractif ?

Sur un cursus de 100 généralistes, 40% vont abandonner ou vont passer dans le non-soin, dans l’expertise, les laboratoires ou l’administration. Ils y vont car ils ne trouvent plus d’appétence envers le métier. Le rendre plus attractif diminuerait cette frange-là. Nous pouvons déjà faire revenir beaucoup de monde et rapidement. Ça ne se fera pas en un jour, mais en 5 ans on peut résoudre beaucoup de choses. Si parallèlement les politiques ont un peu de courage et résolvent le problème des rendez-vous non-honorés ont résout une autre partie. Il y a 20 à 28 millions de rendez-vous non honorés chaque année en France. C’est l’équivalent de 4000 médecins sortis du soin tous les jours. Et pour lutter contre cela il faut taxer. Lorsque je discute avec les confrères et les consœurs, ils me disent que ce phénomène touche 4 à 5 consultations tous les jours. Tout le monde cherche des médecins et certains s’arrogent le droit de leur voler ce rendez-vous. C'est inadmissible.

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