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La Grèce échappe à la tutelle budgétaire, pas au défaut de paiement
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Ce qui compte, ce n'est pas la chute...

Entre le pays et ses créanciers, l'heure est encore aux discussions. Pour quelle issue ?

Olivier Berruyer

Olivier Berruyer

Olivier Berruyer est actuaire, profession de référence en termes de gestion du risque dans la finance et l'assurance. Il est l'auteur de Stop ! Tirons les leçons de la crise, paru aux éditions Yves Michel, et animateur du blog www.les-crises.fr

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«L'Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d'égalité, de l'État de droit, […] L'Union a pour but de promouvoir la paix, ses valeurs et le bien-être de ses peuples. […]  L'Union respecte l'égalité des États membres devant les traités ainsi que leur identité nationale, inhérente à leurs structures fondamentales politiques et constitutionnelles […] Elle respecte les fonctions essentielles de l'État […] » [Extraits des articles 2 à 4 du Traité sur l’Union européenne] ».

La semaine dernière, dans un document de travail émanant du ministère des Finances allemand, qui a été remis aux hauts fonctionnaires des pays membres de la zone euro, l’Allemagne a souhaité que soit mis en place un super Commissaire européen, doté d'un droit de veto sur les dépenses de la Grèce. Elle propose que le deuxième plan d'aide à ce pays ne soit pas versé tant qu’elle n'aurait pas accepté deux engagements très stricts.

Premier engagement : honorer le service de sa dette avant toute dépense, ce qui éloignerait considérablement le risque de défaut. « Cet engagement doit être inscrit dans la loi par le parlement grec », propose la note allemande. Deuxième engagement : « au vu de l'application décevante du plan jusqu'à présent, la Grèce doit accepter d'abandonner une partie de sa souveraineté budgétaire pour un certain temps ».

Comment ne pas être stupéfait devant de telles demandes ? Comment ne pas comprendre que cela heurte terriblement les peuples dans ce qu’ils ont de plus cher – leur souveraineté. En particulier dans un pays qui a connu l’occupation ottomane durant des siècles, et le joug de la dictature il y a moins de 40 ans… Comment ne pas voir que cette demande, que ces demandes depuis 2 ans, entrainent une montée de la haine entre européens, compromettant tout projet européen ?

Le ministre des finances grec, Evangélos Vénizélos a d’ailleurs clairement répondu : "Quiconque pose à un peuple un dilemme entre l'aide financière et la dignité nationale ignore des enseignements historiques fondamentaux."

Et tout ça pour quoi ? Pour obtenir le remboursement de dettes démesurées, totalement non remboursables. Certes, le sommet européen de lundi a pour l'instant repoussé l'option d'une Grèce mise sous tutelle, mais pour combien de temps, les difficultés empirant ?

Bien sûr qu’il y a des problèmes en Grèce, que la fraude a sévi longtemps, surtout dans les couches les plus aisées de la population. Mais cela n’était un secret pour personne, et cela n’a nullement empêché des prêteurs internationaux de déverser des dizaines de milliards sur le pays. On accable bien facilement l’emprunteur, mais rarement le prêteur – l’endettement public étant pourtant une danse qui se pratique à deux…

Au demeurant, il est inutile de détailler les incroyables coupes budgétaires et hausses massives d’impôts qui ont eu lieu depuis 2 ans. Pourtant, cette austérité, menée à la tronçonneuse, n’a produit aucun résultat car elle a conduit ce pays dans la Dépression économique : le déficit 2011 est ainsi bien supérieur à celui de 2010.

Ce peuple, après avoir vivement protesté, avoir réclamé et failli obtenir un référendum, a semble-t-il baissé les bras fin 2011. Ainsi, la Dépression va s’approfondir. Depuis quelques semaines, on redécouvre ainsi une loi multiséculaire : passé un certain niveau de dette, les cartes sont dans la main de l’État endetté et non plus dans celle des créanciers. La Grèce, en éclaireur, montre ainsi le probable chemin de la sortie de la Crise des Dettes Publiques : la restructuration généralisée des dettes, comme cela est arrive plus de 70 fois dans le monde depuis 35 ans.

Après un an de déclarations sur le thème de « La Grèce remboursera tout », on est passé en juillet à « les prêteurs privés vont perdre 21 % », puis en octobre à « - 50 % » et nous en sommes à « - 70 % ». Bien évidemment la Grèce fait défaut, reste à savoir, de façon cosmétique, s’il s’agit d’un défaut négocié ou non négocié. Dans tous les cas, les investisseurs privés vont perdre 70 % de leurs fonds – ce qui n’est que la sanction de leur irresponsabilité, mais c’est également la survenance d’un risque pour lequel ils ont été grassement rémunérés via le taux d’intérêt.

La question ultime concerne les prêteurs publics (BCE, FMI, Banques centrales…). Il semble probable qu’un accord finisse par être trouvé, leur épargnant des pertes dans un premier temps, mais la restructuration de leur part est également inéluctable. Or, en mai 2010, pratiquement 100 % de la dette grecque était privée, alors qu’elle est désormais publique à 50 % - la moitié des investisseurs privés ont ainsi étant remboursés sur fonds publics dans l’intervalle.

On posera alors bientôt cette question aux investisseurs publics, et donc à nos dirigeants : « Mais que diable sont-ils allés faire dans cette galère » ?

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