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La Grèce face au chaos : 
le pays est désormais ingouvernable
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Divorce à la grecque

La Grèce aura sans doute bien du mal à constituer un gouvernement cette semaine, après le cinglant désaveu (32 % des voix) infligé par les électeurs aux deux partis qui avaient accepté les politiques d'austérité dictées par les bailleurs de fonds du pays.

Joëlle Dalègre

Joëlle Dalègre

Joëlle Dalègre est maître de conférences à l'INALCO, spécilisée en civilisation de la Grèce. Elle est notamment l'auteur de La Grèce inconnue d'aujourd'hui, de l'autre côté du miroir, l'Harmattan 2011, 252p. En collaboration avec 4 doctorants ou docteurs de la section grecque de l'INALCO.

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Le peuple grec appelé ce dimanche à élire une nouvelle Assemblée était partagé entre deux possibilités : voter pour les deux partis historiques qu'il juge responsables des catastrophes actuelles, ou laisser libre à sa fureur et à sa vengeance en votant pour l'un des 30 autres partis qui présentaient des candidats.

D'un côté, l'acceptation des plans de « sauvetage », le maintien de la Grèce dans l'Euro et l'Union, de l'autre la renégociation (?) ou le refus -et le chaos lui dit-on-. Si les mémorandums (1) comprennent des réformes de structures dont tout le monde reconnaît la nécessité, le désespoir et la colère face aux mesures d'austérité et à l'humiliation infligée par le manque de tact des dirigeants européens font également l'unanimité. Dans la semaine précédant les élections, les dirigeants des deux partis n'ont cessé d'invoquer l'absolue nécessité d'une majorité en leur faveur et du maintien dans les structures européennes, sous peine de chaos économique.

Qu'en est-il ? Une abstention record (35% contre 29% en 2009) et des résultats où triomphe la colère : effondrement du bipartisme (35% des voix aux 2 partis, 77% en 2009 ), écroulement du PASOK (13,2% des voix et 41 sièges contre 43,9% et 160 sièges en 2009) qui paye le prix de la gestion de Georges Papandréou, montée du virulent rassemblement des gauches mené par le jeune Alexis Tsipras, le SYRIZA (16,7% des voix et 52 sièges, 2e parti, contre 4,6% des voix et 13 sièges en 2009), et entrée d'une extrême-droite nouvelle au parfum de nazisme, Aube Dorée (7% des voix et 21 sièges) qui se distingue par une xénophobie affirmée face aux 800 000 illégaux qui errent à travers la Grèce. La ND est arrivée en tête dans tous les départements, hormis Samos qui resta fidèle à sa tradition de vote communiste et la Crète (le Rhodope et les îles Ioniennes) à son vote PASOK et... phénomène unique, le SYRIZA arrive en tête dans tous les départements de l'agglomération athénienne au sens large et en Achaïe.

Comment gouverner ? 7 partis sont représentés à l'Assemblée, dont trois sont nés dans l'année écoulée, les Grecs indépendants (des anti-memorandum transfuges de la ND, 33 sièges), Aube Dorée et la Gauche Démocratique (transfuges anti-memorandum du PASOK, 19 sièges). Sur Les anti-memorandum sont majoritaires mais il n'y a pas d'alliance possible entre les « refus » de gauche et les « refus » de droite, le parti communiste qui conserve sa force (8,5% des voix, 26 sièges) a déjà annoncé qu'il ne voulait pas s'unir au SYRIZA, personne ne veut s'allier à l'Aube dorée... La ND, grâce à la prime de 50 sièges au premier a obtenu 108 sièges/300,mais les deux seuls partis pro-memorandum ne totalisent que 149 sièges, donc aucune majorité.

La Constitution grecque précise que le Président de la République doit successivement demander aux chefs des trois premiers partis de former un gouvernement majoritaire. En cas d'échec, au bout de 3 jours, il doit convoquer de nouvelles élections. Dans ce cas, la Grèce serait sans gouvernement et la troïka pourrait suspendre le plan d’aide. Antonis Samaras se dit prêt à gouverner avec tous ceux qui sont prêts à accepter l'idée d'un memorandum possiblement rénové. Les ambitions personnelles, la division profonde entre la droite et la gauche qui remonte aux plaies mal cicatrisées de la guerre civile, le rejet violent par les électeurs des « magouilles » politiciennes vont rendre toute entente pro-comme anti-memorandum difficile mais la peur de la sortie de l'Europe pousse les intransigeants à négocier...

(1) Le mémorandum, signé en mai 2010 et approuvé un an plus tard, a engagé la Grèce dans une série de réformes censées dynamiser sa compétitivité – privatisations, baisse des salaires dans la fonction publique, dérégulation de professions, etc. –, auxquelles ont répondu grèves et manifestations. Cette politique de rigueur était une condition à l'accord d'un prêt par la troïka – le FMI, la Commission européenne, et la Banque centrale européenne – de 110 milliards d'euros.

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