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Sauver la Grèce, 
l'impossible défi de l'Europe
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Le malheur est dans le prêt

Les discussions entre la Grèce et ses créanciers sur un plan d'échange de dette reprennent ce mercredi. Les banques avaient suspendu vendredi leurs discussions avec Athènes sur la restructuration de la dette du pays, menaçant le pays d'un défaut de paiement. Mais derrière l'effondrement grec, c'est celui d'une partie du système financier mondial qui menace.

Olivier Berruyer

Olivier Berruyer

Olivier Berruyer est actuaire, profession de référence en termes de gestion du risque dans la finance et l'assurance. Il est l'auteur de Stop ! Tirons les leçons de la crise, paru aux éditions Yves Michel, et animateur du blog www.les-crises.fr

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Le vendredi 13 janvier 2012 restera probablement dans les mémoires comme un jour d’accélération de la Crise. Mais peut-être pas tant en raison des dégradations des notations des États membres de la zone euro, qu’en raison de la suspension des négociations entre la Grèce et ses banques créancières.

Rappelons la situation : au 1er juillet 2011, la dette grecque se montait à 160 % de son PIB, soit 360 milliards d'euros, dont 110 milliards possédés par des structures internationales (BCE, FMI, …) qui sont intervenues depuis le début de la crise, environ 100 milliards au titre d’institutions publiques, et 150 milliards au titre d’investisseurs institutionnels privés.

Le sommet européen du 21 juillet 2011 a décidé de mettre à contribution le secteur privé, de façon volontaire, afin de soulager la dette grecque. Il a été proposé que les banques acceptent volontairement une décote de 21 % du montant de leur créance. « Enfin », pourrait-on dire, car les montants dus par la Grèce sont évidemment non remboursables. Comme pour tout surendettement, il faut bien en passer par une restructuration, sous peine de gonfler le montant des pertes futures si on continue d’injecter de l’argent pour « gagner du temps ».

Devant la poursuite des difficultés de la Grèce, le sommet du 27 octobre 2011 a augmenté le montant des « pertes volontaires » à 50 %. Précisons bien que ce montant est issu d’un accord entre les gouvernements et l’Institute of International Finance (Association des grandes banques et institutions financières mondiales), qui représente les banques. Mais ce dernier n’est qu’une sorte de syndicat, qui n’a pas réellement pouvoir d’imposer des décisions à tous ses mandants.

On arrive ainsi à une décote maximale de 50 % des 150 milliards d'euros, soit 75 milliards, soit environ 20 % de la dette grecque. En fait, tous les investisseurs privés ne sont pas concernés par la décote volontaire, et tous ne l’accepteront évidemment pas. Si 75 % acceptaient, la décote totale serait de 55 milliards soit 15 % du total de la dette grecque. Toutefois, ces pertes ne pourraient qu’occasionner d’énormes besoins de recapitalisation des banques et assureurs grecs – raison pour laquelle l’accord indique que “le secteur public est disposé (sic.) à fournir [...] jusqu’à 100 milliards” de prêts nouveaux pour aider la Grèce.

En synthèse, l’accord ne règle presque rien, et, au final, il risque même d’endetter encore plus la Grèce – on creuse un trou pour en boucher un autre…

La Grèce et l’IIF ont alors entamé des négociations pour mettre en œuvre l’accord. Cependant, l’économie grecque est en train de s’effondrer, ployant sous d’insupportables mesures de rigueur qui se révèlent totalement contre-productives : le déficit 2011 est au final largement supérieur à celui de 2010. La Grèce a alors demandé aux banques d’accroître la restructuration jusqu’à 75 %, les grandes banques refusant d’aller au-delà de 60 %. Les négociations ont été suspendues à ce stade.

Le problème est qu’en cas de perte volontaire, les CDS (Credit Default Swap ou assurance contre le défaut de paiement) ne sont pas activés, ils ne servent donc à rien en l’espèce. Or, plusieurs Hedge Funds (fonds d'investissement) possédant des CDS grecs ont senti l’aubaine, et ils ont racheté ces derniers mois d’importantes quantités de dette publique grecque à un prix faible ; et ils sont bien décidés à ne pas accepter de décote volontaire. Et là, 2 possibilités : soit la Grèce s’en sort, aidée par les créanciers privés qui acceptent la décote, ainsi que par de nouvelles aides publiques européennes, et les Hedge Funds seront alors remboursés en totalité. Ou bien la Grèce fait réellement défaut, et dans ce cas, les Hedge Funds seront remboursés par les émetteurs de CDS. 

Ainsi, le nombre de créanciers ayant intérêt au défaut grec augmente, menaçant l’ensemble. Il est bien entendu possible que sous la pression, un accord de dernière minute soit trouvé, mais il ne fera que reculer la date du défaut, celui-ci étant inéluctable, la Grèce ne pouvant rembourser de telles sommes.

Or le défaut grec, à court ou à moyen terme, porte en lui de nombreux dangers : impact majeur sur la BCE, le FMI et les structures publiques prêteuses, déstabilisation des bilans bancaires, faillite d’émetteurs de CDS (ces assurances échappant de façon scandaleuse à toute régulation prudentielle), tensions majeures sur le marché obligataire et donc sur les capacités de financement des États et des banques…

Le tout à cause de 360 milliards d'euros de dette publique.

Rappelons certains chiffres :

  • dette espagnole + italienne : 2 300 milliards d'euros ;
  • dette française + allemande : 3 700 milliards d'euros ;
  • dette américaine : 12 000 milliards d'euros.

Nous allons bientôt nous rendre compte que, vieille leçon de l’histoire, le malheur est dans le prêt…

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