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Gilets jaunes : Pourrait-on durablement augmenter les salaires et le pouvoir d’achat ? La réponse est oui, à condition d’accepter des réformes difficiles.
©Sameer Al-Doumy / AFP

Atlantico Business

Si la colère des Gilets jaunes est principalement marquée par la question du pouvoir d’achat, le vrai défi du gouvernement va être de redresser les salaires sans hypothéquer l’avenir de tout un système économique. C’est évidemment possible.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Si le cœur de la colère des Gilets jaunes est de revendiquer une revalorisation des salaires et par conséquent, du pouvoir d’achat, le pouvoir politique va devoir répondre à cette pression autrement que par des mesures ponctuelles comme celles qui ont été prises juste avant les fêtes. Ces mesures prises sont importantes, mais elles n’installent pas un changement durable dans le modèle économique tel qu’il fonctionne maintenant depuis près de 20 ans.

Depuis l’an 2000 et dans tous les pays occidentaux, le malaise des classes moyennes n’a pas cessé de s’accroitre. Les salariés de l’industrie notamment se sentent appauvris par l’évolution de la planète économique : comment mieux vivre dans le monde moderne dès que la fin du mois approche ?

Les faits et les chiffres sont têtus : le pouvoir d’achat des salariés a progressé moins vite que la productivité du travail. Au delà de ce concept théorique, les salariés ont le sentiment de ne pas avoir bénéficié du résultat de leur travail.

Ce sentiment-là s’appuie sur une réalité. Depuis vingt ans, le système capitaliste, porté par la mondialisation et la révolution digitale, a engendré des distorsions dans la répartition des revenus au profit du capital et de l’Etat sous forme d’impôts et de taxes.

Au profit du capital, parce que les besoins d’investissement sont considérables.

Au profit de l'Etat et des collectivités locales, parce que les dépenses publiques et sociales se sont accrues aussi pour répondre aux besoins de redistribution des populations les plus fragilisées (chômeurs, et retraites).

Les salariés pour leur part, n‘ont pas su ou pas pu défendre leurs intérêts dans un contexte miné par la peur du chômage et la concurrence des pays émergents.

Pour simplifier, le pouvoir d’achat s’est plus nourri des baisses de prix fabriquées dans les pays émergents et relayées par la grande distribution que de la richesse crée par le travail. D’où le gonflement des importations de produits de grande consommation. Le développement du crédit a donné les moyens de vivre et d’amortir les difficultés.

Cette situation a touché la plupart des pays occidentaux et a généré des courants populistes en Espagne, en Italie, en Europe centrale et en France aujourd’hui.

Dans ces conditions, l’ambition de redresser durablement le pouvoir d’achat des salariés de l’économie de marché est possible, mais il passe par un certain nombre de réformes globales qui sont politiquement compliquées à appliquer

D’abord, au niveau de l’Etat, des collectivités locales et de l’administration. Ensuite, au niveau des partenaires sociaux, syndicats de salariés et de patrons. Enfin, au niveau des organisations européennes parce que rien ne sera possible sans une nouvelle solidarité européenne.

La 1ère série de réformes sous la responsabilité de l'Etat doit porter sur l’amélioration de l'écosystème des entreprises. L’objectif est de tirer le système de production vers le haut de gamme. Tout faire pour produire ce que les concurrents ne savent pas ou ne peuvent pas fabriquer. L’un des secrets de la performance allemande est d’avoir positionné son industrie sur le haut de gamme, le hors cout. L’industrie automobile allemande n’est pas la première du monde parce que les voitures qu’elle produit sont moins chères, au contraire. L’industrie allemande est la première parce que sa compétitivité hors cout est la meilleure.

Alors cette démarche passe par l’investissement massif, l’innovation permanente et par la formation des personnels vers plus de technicité, plus de génie industriel, plus de sophistication, plus de flexibilité et de mobilité. C’est en France, tout l’objet des lois sur la réforme du travail et de la formation.

Mais ça passe aussi par la nécessité de réformer le fonctionnement de l’Etat parce que, pour réduire la fiscalité et les charges sociales, il faudra nécessairement réduire la dépense publique ou alors augmenter la production en valeur des services publics. Sur ce point, Emmanuel Macron n'a toujours pas ouvert le chantier.

Parallèlement, l’Etat français a aussi les moyens de faire baisser la pression financière sur les entreprises. Les entreprises sont le plus souvent harcelées par des fonds qui investissent à très court terme, alors que leurs investissements et leurs financements devraient être gérés sur le long terme. Si la France avait les moyens de créer ses propres fonds d’investissements, la pression seraient moins lourde. Ça passe là encore par la diminution des dépenses publiques, de façon à alléger les appels de fonds et à libérer des moyens pour l’économie de marché.

La surpuissance du capitalisme financier et de la financiarisation des économies n’est pas seulement de la responsabilité des acteurs de l’industrie financière mais surtout de celle des Etats.

La 2e série de réformes ressort de la responsabilité des partenaires sociaux. Les chefs d’entreprises savent bien qu’ils doivent répondre aux tendances lourdes portées par les clients, les salariés ou les actionnaires. Quand les clients demandent à respecter des critères écologiques, les entreprises commencent à répondre à cette demande, quand les fonds d’investissements revendiquent des investissements respectant les critères de responsabilité sociale et environnementale, ça bouge aussi et quand les partenaires sociaux négocient des accords de compétitivité, ça bouge encore.

Mais le plus important sera évidemment d’élargir les accords de participation et d’intéressement.

La 3e série de réformes n’est jouable qu‘à l’échelon européen. D’abord, au niveau monétaire parce que la valeur de l'euro est évidemment calée sur la puissance de l’économie allemande, elle est donc surévaluée pour les pays membres de l’union monétaire qui ont des modèles différents. Il faut donc revoir le contrat de confiance qui lie les pays de la zone euro. C’est évidemment possible.

Ensuite, il faut sans doute réorganiser le système de protection de façon à protéger ce grand espace du dumping social et fiscal, de protéger l’Europe des flux migratoires non gérés, et de renforcer la solidarité entre les pays membres de la zone euro.

L’Europe a quasi les moyens de vivre en autarcie et de protéger ainsi ses valeurs et son niveau de vie. Un marché de 300 millions de consommateurs, de production de biens de consommation qui permettrait de vivre en auto consommation, des biens industriels et des niveaux de recherche qui mettraient l‘Europe dans le tiercé de tête des grands pays. Capable de faire jeu égal avec la Chine et les Etats-Unis.

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