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Gilets jaunes : les états-majors des grandes entreprises imaginent trois scénarios de sortie de crise possibles
©ERIC FEFERBERG / AFP

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Comment sortir de la crise des gilets jaunes, comment sortir du grand débat ? Trois scénarios sont imaginables, dont deux sont totalement inapplicables.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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«Et maintenant, lève-toi et marche !»

La grande et seule question qui se pose dans les états-majors de grandes entreprises françaises est de savoir comment le pouvoir politique va pouvoir reprendre la main et rétablir une situation d’équilibre qui permette de garantir des conditions de créations de richesses pour le plus grand nombre. La majorité des Français ont besoin non seulement d’un retour au calme, mais de perspectives d’évolutions positives à long terme. Savoir où on va. Pourquoi et comment on travaille.  

L’idée que les grandes entreprises travaillent pour une caste de quelques privilégiés qui seraient complètement indifférents au moral social, et que « l’Elite » fonctionne contre le peuple sont des idées qui circulent, sur lesquelles les mouvements extrémistes prospèrent, mais elles sont évidemment complètement incohérentes et absurdes. Que les dirigeants soient particulièrement maladroits dans leur communication et même parfois odieux ou arrogants, c’est évidemment possible. Mais la vérité, c’est que les dirigeants économiques ont besoin de l’adhésion de leurs salariés, de leurs actionnaires et surtout de leurs clients.

Le cœur du réacteur aujourd’hui, c’est le consommateur, c’est lui qui a le droit de vie ou de mort sur un produit, une innovation, un service ou une entreprise. On peut se raconter ce qu’on veut, c’est le client qui fait le succès ou l’échec d’un projet. Mais le salarié, qui apporte sa force de travail et l’actionnaire, qui apporte son épargne, sont tout aussi attentifs au contrat de confiance qui va les lier aux dirigeants. Le consommateur, le salarié et l’actionnaire sont d’ailleurs très souvent une seule et même personne avec des intérêts qui ne sont pas toujours cohérents. Si le consommateur est rationnel, il recherchera la meilleure qualité-prix, ce qui ne correspond pas forcément à ses intérêts de salarié ou d’épargnant.

Ce type de conflit est quotidien et c’est au système politique de les gérer en trouvant une cohérence d’ensemble. Le chef d’entreprise, lui, se débrouille au niveau micro-économique mais il a besoin que ses clients lui soient fidèles, que ses salariés soient confiants et que ses actionnaires adhèrent à son projet global et pas seulement à une promesse de dividendes. Bref, les entreprises intelligentes ont une raison d’être qui va bien au-delà de la maximisation du résultat financier à court terme. Et si une entreprise veut aller loin et longtemps, elle a intérêt à être intelligente. Ses chefs aussi.

Le mouvement des Gilets jaunes n’est rien d’autre que la traduction spectaculaire d’un mécontentement profond lié aux contradictions dans lesquelles sont enfermés les citoyens. Le consommateur ne réussit pas à remplir son caddy avec des produits qui lui conviennent, au prix raisonnable, sa paie de salarié n’est pas suffisante. Quant au retraité, il s’aperçoit que l’épargne qu’il a accumulée au cours de sa vie active n’est pas suffisante.

La poussée de colère est telle qu’il a fallu dans un premier temps calmer le jeu en distribuant un peu de pouvoir d’achat, les 10 milliards annoncés en décembre ont servi d’amortisseurs et permis d’engager un début de dialogue qui est désormais plus ou moins bien canalisé dans cette opération de communication nationale autour du grand débat. Et ces grands débats qui attirent beaucoup de monde font remonter des revendications qui sont toutes légitimes, mais qui apparaissent contradictoires et incohérentes, tout simplement parce qu‘elles traduisent des intérêts souvent contradictoires des citoyens qui sont tantôt consommateurs, tantôt salariés ou retraités, qui sont pour certains très jeunes alors que d’autres sont plus seniors.

Ces grands débats traduisent un besoin formidable d’expression, ils traduisent aussi une méconnaissance profonde de la réalité et des possibilités d‘évolution.

Toute la question est donc de savoir sur quoi, quel projet et quelle organisation, ces débats peuvent déboucher. Comment réorganiser le lien social, et autour de quel projet compte tenu des contraintes ?

Il existe a priori trois scénarios.

Le premier scénario serait d’annoncer la mise à plat de tout le modèle social afin de signer un nouveau pacte ; ça passe par une autre répartition des impôts et des charges de fonctionnement. Mais cette ambition cache en réalité une demande de protection encore plus grande que celle qui existe déjà et qui est fort couteuse. Comment payer plus de protection sociale quand le montant de la dépense publique représente déjà plus de 56% de la richesse créée ? Ça passe par une réfection de l’organisation du paritarisme

Le deuxième scénario serait d’engager une réforme des institutions si on estime que nos institutions ne sont pas à même de prendre en charge la gestion de toutes les contradictions qui bloquent le fonctionnement du système. On peut certes imaginer que des élections générales permettraient de dégager une majorité différente, et parfaitement légitime et assez homogène pour assumer le changement, mais si cette majorité existait, ça se saurait.

Le troisième scénario serait évidemment de reprendre le cap des réformes de modernisation. Si on considère que la colère des Gilets jaunes traduit une demande de vivre mieux de son travail, si on considère que la sécurité de l’emploi permet la protection sociale, il faut forcément mettre en œuvre les mutations qui permettent de répondre à cette demande. D’abord, reconnaitre que nous vivons dans un univers mondialisé et que nous ne pouvons pas y échapper.

Ensuite, se donner les moyens en compétitivité afin de protéger l’indépendance.

Enfin, se doter de contrepouvoirs pour que le système puisse tenir en équilibre. Le reste, c’est de l’administration et du pragmatisme.

Emmanuel Macron a été élu président de la République avec un diagnostic sévère sur l’état de la société française et un programme de réformes ambitieux qui repose sur deux pieds.

Le premier, donner plus de liberté individuelle et de responsabilités, ça passe par moins d’impôts, moins de charges, mais aussi moins d’Etat.

Le deuxième encourager l’intégration européenne parce que dans le monde tel qu’il est, partagé entre des blocs très concurrentiels et très puissants, l’Amérique d’un côté, la Chine de l’autre, la Russie ... les Etats européens ne pèsent pas très lourds.

Maintenant, Emmanuel Macron est très seul pour mener à bien ce projet. Il a d’ailleurs contribué lui-même à cet isolement.  Il n’a guère de concurrents ou d’opposition organisée. L’intelligence va être de s’entourer pour mener le projet de modernité du pays. Il n’a pas le choix. Personne -à l’exception des partis extrémistes- n’a un projet alternatif à proposer. C’est sa force, mais c’est aussi sa faiblesse.

Il a été élu par défaut, mais c’est un peu le lot commun de tous les présidents de la 5ème République, résultat du mode de scrutin à deux tours. Le plus grave, c’est qu‘il n’est guère aimé. Emmanuel Macron coagule beaucoup de haines : trop jeune, trop brillant, trop rapide, trop moderne, trop seul etc... Toutes les qualités qu’on lui trouvait au début se sont retournées contre lui quand il a commencé à réformer.  Maintenant, un président doit-il forcement être aimé pour gouverner, si la gouvernance est juste ?

Dans un de ses livres, Dominique Schnapper sociologue, fille de Raymond Aron qu'on devrait lire et relire par les temps qui courent aujourd’hui, rappelle que Staline était aimé de son peuple. A sa mort, tout le monde était en larme. Alors ? Sans commentaire !

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