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Gilets jaunes : l’inexplicable (et énorme) échec des Républicains
©Thierry Zoccolan / AFP

Big Fail

Si la récupération du mouvement des Gilets jaunes était mission impossible pour n’importe quel parti, Les Républicains auraient dû savoir utiliser leur position de premier opposant institutionnel pour a minima capter l’attention des 60% des Français qui ont pu en être des sympathisants. Comment expliquer qu’ils aient été incapables de le faire ?

Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

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Christophe Boutin

Christophe Boutin est un politologue français et professeur de droit public à l’université de Caen-Normandie, il a notamment publié Les grand discours du XXe siècle (Flammarion 2009) et co-dirigé Le dictionnaire du conservatisme (Cerf 2017), le Le dictionnaire des populismes (Cerf 2019) et Le dictionnaire du progressisme (Seuil 2022). Christophe Boutin est membre de la Fondation du Pont-Neuf. 

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Atlantico : Près de deux mois après l'émergence du mouvement, 58% des Français soutiennent encore les Gilets jaunes, selon la dernière balise d'opinion Ifop de ce 17 janvier. Alors que cette crise française a été comparée à la situation qui avait conduit au Brexit, porté par la droite britannique, ou à l'élection de Donald Trump, ne pourrait-on pas voir ce soutien apporté par 58% de Français comme un large échec de la droite française, dans son incapacité - à l'opposé de ses homologues anglo-saxonnes- à représenter les attentes de cette majorité de Français ? 

Christophe Boutin : Alors que le Président de la République entame, après l’itinérance mémorielle et commémorative de novembre - lors de laquelle il aurait été bien avisé d’ailleurs de prêter une attention plus grande aux critiques qui s’exprimaient -, une itinérance pédagogique qui lui fait traverser sous la bise hivernale les rues désertées de petites villes de province cernées par la police, et qu’il tente d’y répondre aux questions de ces maires qu’il appelle au secours de son Grand débat national ; alors que le mouvement des Gilets jaunes, que certains prévoyaient moribond après les fêtes, fait chaque samedi la preuve de sa vitalité ; alors que les Français, après deux mois de troubles parfois violents, sont encore 58% à soutenir le mouvement, et 27% seulement à s’y opposer – 15% étant indifférents ; alors que les violences extrêmes commises à l’encontre des manifestants, sans qu’elles soient toujours justifiées, estropiant et mutilant à vie certains d’entre eux, commencent à interroger en France et à l’étranger ; alors que les partis d’opposition au gouvernement d’Édouard Philippe et aux réformes d’Emmanuel Macron situés aux extrêmes, le RN ou LFI, ont pris fait et cause pour les Gilets jaunes ; bref, alors que nous vivons en ce début d’année 2019 une situation inédite sous la Cinquième république, effectivement, personne n’est aujourd’hui en mesure de dire précisément ce qu’en pense le parti des Républicains, qui se réclame pourtant de l’héritage du fondateur du régime.

Ce parti qui, par le nombre de ses parlementaires à la Chambre basse, par sa majorité au Sénat, par sa présidence de régions, de départements, de communes et d’intercommunalités devrait être par définition le fer de lance de l’opposition, et comme tel se servir, y compris en tentant de les récupérer, de tous les mouvements de protestation dirigés contre Macron et LaREM, semble en état de choc et reste sidéré devant l’agitation des ronds-points ou les violences des avenues. Pourquoi ?

Le premier élément de réponse que l’on peut apporter est que le parti tient sans doute compte des attentes de son électorat. Or si 58% des Français soutiennent on l’a dit le mouvement des Gilets jaunes, les choses sont bien différentes selon les partis : soutien à 84% chez LFI, à 83% au RN, à 63% au PS, et en face soutien à… 18% chez LaREM, mais soutien à seulement 47% chez LR, seul parti d’opposition donc à ne pas soutenir le mouvement à plus de 50%. À LR les choses sont d’ailleurs presque exactement partagées, avec 47% de soutien, 43% de rejet et 10% d’indifférents. De la même manière, 56% des électeurs de LR déclarent qu’ils ne « sont pas Gilets jaunes » (78% chez LaREM, 15% chez LFI ou au RN).

Pourquoi alors ce recul de l’électorat LR face au mouvement des Gilets jaunes ? Par réflexe frileux, par peur d’un électorat âgé devant les troubles des rues et ces violences dont ils rendent les émeutiers responsables ? On ne peut nier que cela existe. Depuis toujours une certaine droite fait primer l’ordre, quel qu’il soit, sur le désordre, quelle que puisse être la légitimité de ce dernier : c’est ce fameux « parti de l’ordre » qui s’exprime régulièrement, celui qui a validé le coup d’État de Brumaire, celui de 1852, ou a soutenu les Versaillais de Thiers. Peu importent alors les motifs de ceux qui sèment le désordre, comme le fait que ceux qui rétablissent l’ordre puissent être en fait les ennemis politiques de cette droite, pourvu que règne un ordre public légal, même illégitime. 

Mais il serait sans doute beaucoup trop rapide de se limiter à cette explication. La réalité est aussi que la politique menée par Emmanuel Macron est beaucoup plus proche des attentes d’une partie des électeurs, et plus encore des élus LR, que la politique que souhaiteraient voir menée les Gilets jaunes. Emmanuel Macron – et c’est d’ailleurs ce que lui reproche une partie de son électorat venue de la gauche -, met en effet en œuvre une politique d’internationalisme financier mal baptisée « ultra-libérale », de dérive vers une pseudo-souveraineté supranationale et d’effacement de l’identité nationale, qui, pour être plus brutalement affirmée, est globalement celle qui perdure depuis des dizaines d’années au gré d’alternances entre la gauche et cette droite que représente aujourd’hui LR. Et l’on comprend alors que si LR s’est doté d’un « shadow cabinet », les contre-propositions de ce dernier à la politique de laREM ne peuvent que rester plus fantomatiques encore.

Emmanuel Macron fait en effet aujourd’hui certaines des réformes que cette « droite », que l’on n’appellera plus ainsi que par pure convention, aurait rêvées de faire, ou, au moins, celles dont elle sait qu’elle aurait été obligée de les faire. Obligée parce que le démantèlement de notre industrie, l’ouverture de nos frontières aux migrants, l’obligation de vendre nos services publics ou de les « ouvrir à la concurrence », la destruction de notre système social, ne sont que des applications, des transcriptions, de décisions de l’Union européenne auxquelles cette droite ne s’opposerait pas. Elle serait peut être allée moins vite que Macron, par peur de causer le soulèvement que nous connaissons, mais elle aurait tout validé, certains de ses membres par lâcheté, d’autres par foi dans le même credo que celui du Président.

Face à ce que l’on appelle « droite » mais qui ne l’est plus, si tant est qu’elle l’ait jamais été, et n’est en fait qu’une moitié de ce « progressisme » binaire dont les alternances, faisant croire au mouvement, permettaient que « tout change pour que rien ne change », pour reprendre la formule du Prince de Salinas, le mouvement des Gilets jaunes souhaite, lui, de vrais changements : préservation de notre modèle social, de nos services publics, de notre identité, de nos frontières, et pour cela, si besoin est, remise en cause de l’appartenance à l’Union européenne. Si d’ailleurs, contrairement au silence de LR, le relatif silence du RN n’empêche pas Marine Le Pen de bénéficier de cette crise, et non Laurent Wauquiez, c’est parce que l’on sait que les choix du RN sont peu ou prou les mêmes, ceux d’une majorité de Français las des atermoiements, des palinodies et des trahisons d’une grande partie des dirigeants de LR.

Edouard Husson : La situation française est particulière dans la mesure où vous avez une répartition politique des votes, au sein de la droite et de la gauche, qui correspond à un fort clivage social. Il n’en a pas toujours été ainsi: de Gaulle rassemblait une droite populaire et une droite établie. Mitterrand avait réussi l’union de la gauche et il la conserva de 1978 à 1983. Aujourd’hui, vous avez largement deux droites et deux gauches, qui ne se parlent pas socialement: la gauche macroniste contre la gauche mélenchonienne; et la droite de Laurent Wauquiez contre celle de Marine Le Pen. En France, depuis la Révolution, la propension de la droite à regarder vers la gauche est, malheureusement pour la stabilité institutionnelle, très forte. Au fond Wauquiez n’arrive pas à rassembler la droite parce qu’audelà de quelques déclarations fracassantes, il est fasciné par le macronisme. Et Marine Le Pen reste persuadée qu’une alliance politique est possible avec une partie de l’électorat de Jean-Luc Mélenchon. En fait, dans les deux cas, c’est la solidarité de classe qui s’exprime: le rêve soit d’une grande alliance des populistes, soit d’une grande force centrale. Ce que Marine Le Pen ne voit pas, c’est qu’on ne gouverne pas sans le ralliement d’une partie de la haute fonction publique et des élites économiques. Ce que Laurent Wauquiez n’a pas le courage d’assumer, c’est la rupture avec le confort de l’establishment qu’impliquerait pour Les Républicains la reconstruction d’une grande force de droite. En même temps, on comprend bien ce qui est en jeu. Il faut avoir la force de caractère de Donald Trump pour assumer, quand on appartient à l’establishment, de prendre en main les intérêts des catégories populaires. Et regardez comme il est piloné, depuis deux ans, sans interruption, par l’équivalent américain du macronisme. Regardez aussi comment le parti conservateur britannique a du mal à pousser jusqu’au bout la décision courageuse d’assumer le Brexit. 

Alors que Les Républicains sont, par le nombre de leurs élus, par leurs structures et leur historique, le premier parti d'opposition institutionnel en France, comment expliquer cette défaillance ? Quelles les causes internes à cette situation ?

Christophe Boutin : Le parti paye trois choses : sa structure partisane et idéologique, certainement la première cause, l’absence de leadership, qui en est partiellement au moins la conséquence, mais aussi son absence de compréhension du phénomène de 2017.

Sa structure d’abord. On vient de le dire, il n’y a à LR que 47% de soutien des revendications des Gilets jaunes, dont beaucoup auraient pu faire partie du programme du gaullisme social, et 43% de rejet. Parce que, dans l’euphorie du « bipartisme à la française », quand il fallait, disaient les stratèges géniaux, avoir la formation la plus large possible pour tourner en tête au premier tour des élections et creuser l’écart ensuite, on a marié la carpe et le lapin, le partisan des services publics et celui de la dérégulation à visage humain, le souverainiste nationaliste et l’internationaliste eurolâtre, l’électeur enraciné et l’élu des réseaux, bref le RPR et l’UDF dans cet UMP qui deviendra LR. Et que l’UDF a tout gagné ou presque dans cette fusion-acquisition : depuis 2002 la politique des élus sans troupes de l’ex UDF a été menée avec les votes des électeurs-godillots RPR, certes déjà roulés dans la farine par un Chirac dont le radicalisme profond n’avait que peu à voir avec le gaullisme et qui s’était rallié à la supranationalité de l’Union européenne.

Malgré les départs depuis 2017 de ceux qui ont, soit directement rallié Macron, soit se sont mis en marge, cette curiosité politique et intellectuelle perdure et empêche le parti de définir sa doctrine, comme on le voit de manière caricaturale au sujet de l’Union européenne. Elle l’empêche aussi, et c’est un point pourtant capital, de se trouver un chef. L’échec de « l’homme à la parka rouge » face au mouvement des Gilets jaunes est patent : complètement atone, Laurent Wauquiez est jugé, dans les sondages, avoir plus mal géré la crise que… Christophe Castaner !! Mais aurait-il voulu parler en faveur des projets des Gilets jaunes qu’il ne l’aurait pas pu : encore une fois, une partie non négligeable de ses élus se félicite des réformes macroniennes, sont hostiles aux revendications du mouvement, et, y compris pour des chevaux de retour totalement démonétisés, sont utilisés par nombre de médias pour fragiliser un peu plus le parti en relayant leurs piques et pointes sur sa « droitisation » - quand ce n’est pas sa « lepénisation » - qui n’est qu’un fantasme, sauf à admettre que les termes de nation et de souveraineté devraient réservés aux discours du RN.

Mais le troisième élément est l’absence de compréhension de ce qui s’est passé en 2017. Pour nos braves élus LR, en 2017, on aurait sanctionné l’immobilisme de François Hollande et son incapacité à réformer en permettant à un homme nouveau, et à un parti nouveau, de s’emparer du pouvoir. Et si la disparition du PS ne les traumatise guère, ils regrettent le dommage collatéral qui a alors écarté certains d’entre eux de leurs sièges de parlementaires. Mais là s’arrête toute leur analyse. Et pour ce qui est de la suite, ils croient dur comme fer qu’étant de « vrais hommes politiques », rompus aux affaires publiques, lorsque le bon peuple va se rendre compte que les élus LaREM ne tiennent pas la route, il va naturellement aller les rechercher. En fait, ayant moins subi que le PS l’effet du « dégagisme » de 2017, ils pensent que ce n’est qu’un mauvais moment à passer et que tout repartira bientôt comme avant. Ils semblent infichus de comprendre qu’ils sont bel et bien englobés dans ce mépris ou, au moins, cette méfiance que portent leurs concitoyens à l’ensemble de la classe politique. Et que leur autisme devant les angoisses des Français, et notamment des Français de droite, leur incapacité à traiter et même seulement à évoquer les sujets de l’immigration, de l’insécurité et de l’identité, rendent bien incertain leur rappel.

Edouard Husson : De Gaulle a réussi cet exploit de rassembler la droite française, ce qui n’était jamais arrivé depuis la Révolution. Georges Pompidou, son successeur, a posé les bases d’un conservatisme français. J’emploie le mot conservateur dans son acception positive, anglo-saxonne. Les choses se sont gâtées avec Giscard. VGE est un homme de droite qui ne s’est jamais assumé; et un pur cérébral, qui a toujours jalousé inconsciemment l’intelligence du concret qu’avait le Général de Gaulle. Giscard a pensé que l’on pouvait faire une politique de gauche après avoir été élu par la droite: il a méprisé la raison d’être de la droite. Si elle ne défend plus la famille, si elle pense que la nation est dépassée et si elle accable l’entreprise de charges, la droite scie la branche sur laquelle elle est assise. Or c’est ce qu’a fait Giscard, en se réclamant d’une société libérale avancée. Il est intéressant de voir ce qui lui a succédé: François Mitterrand, un renégat de la droite qui avait assumé ses choix au point de devenir le chef de la gauche; et Jean-Marie Le Pen, un homme sincèrement choqué par la trahison de la droite mais pas assez travailleur pour faire penser qu’il pourrait gouverner, et qui a fini par se complaire dans les provocations, au point d’en devenir quelquefois scandaleux. Au lieu d’en revenir au conservatisme de son mentor Pompidou, Jacques Chirac a préféré cohabiter avec François Mitterrand ou Lionel Jospin et il a, les années passant, jeté par-dessus bord tout ce qui pouvait encore le rattacher à la droite: piétinant un peu plus que ses prédécesseurs la défense de la famille; effectuant le transfert de souveraineté à l’UE; et entretenant la pression fiscale qui étouffe une partie des forces créatives de notre pays. Nicolas Sarkozy avait, lui, compris qu’il fallait que la droite redevienne la droite mais il n’a pas osé utiliser la crise pour tuer cette vache sacrée qu’est « le modèle allemand » - tout à fait éloigné de la réalité socio-economique allemande mais sorte de surmoi des élites françaises. Remarquons comme le mal de la droite est profond: François Fillon, moins habile que Nicolas Sarkozy, n’a même pas pu faire décoller sa campagne présidentielle, poignardé par son propre parti, qui a ainsi laissé la voie libre à ce néogiscardien qu’est Emmanuel Macron. 

Un revirement est-il réalisable ? Quelles en sont les conditions ?  

Christophe Boutin : On mesure ce qu’un revirement supposerait : clarifier le fonctionnement de LR, son idéologie, son programme, trancher dans le vif, éventuellement pour faire deux partis. De toute manière, soyons clair : le bipartisme à la française a – au moins temporairement - vécu. Et avec les réformes envisagées, la réduction du nombre d’élus – et donc le redécoupage des circonscriptions - et l’introduction de la proportionnelle, avec aussi l’évolution des partis, on peut se demander si nous verrons aux prochaines législatives un parti avoir à lui seul la majorité absolue à la chambre des députés, ou s’il ne faudra pas une coalition pour gouverner. Que ferait alors LR ? Qu’il fasse une coalition avec LaREM et ce sera l’hémorragie définitive de ses électeurs souverainistes vers DLF et le RN ; qu’il fasse une coalition avec DLF et le RN, et ce sera une partie de ses élus qui claquera la porte. Objectivement, que ce soit maintenant ou aux prochaines présidentielles, on voit mal comment ce canard sans tête continuera de courir.

Reste que la politique n’est pas qu’idéologie, mais aussi jeu de pouvoirs, de soutiens, de réseaux. Pour l’instant, LR, en partie à cause de son incompréhension de 2017, en partie parce que cela lui évite une crise interne, fait le dos rond et attend. Le parti se dit qu’après l’échec prévisible de sa liste aux élections européennes de 2019, les élections locales de 2020 seront sa chance de se reconstruire : grâce à des réseaux bâtis pendant des décennies sinon des siècles, dont ne disposent ni LFI, ni le RN, ni LaREM, grâce au mode de scrutin, notamment aux municipales, et donc alors grâce au maintien de cette alliance contre-nature, il pourrait y avoir en 2020 des postes à retrouver ou à distribuer, et, de là, une base de départ pour reconquérir le national. Mais cela suppose que la vague de « dégagisme » ne touche pas les élus locaux, mystérieusement préservés par cette fameuse « proximité » qu’ils ont pourtant de moins en moins, et qu’une coalition nouvelle, elle réellement à droite, ne vienne pas briser ces belles espérances.

Edouard Husson : L’incapacité de Marine Le Pen à atteindre 40% au second tour de l’élection présidentielle de 2017 aurait dû la faire réfléchir sur l’absurdité qu’il y avait à poursuivre les faveurs de l’électorat de Mélenchon alors qu’elle aurait dû tout faire pour attirer à elle l’électorat de François Fillon. L’électorat mélenchonien est de gauche; et s’il y a une leçon à retenir de deux siècles d’histoire de France, c’est que la gauche ne vote jamais pour la droite. Le cas de l’élection de Chirac en 2002 n’infirme pas la règle: Chirac n’est pas un homme de droite; d’ailleurs, s’il l’avait été, jamais Jean-Marie Le Pen ne se serait retrouvé au second tour cette année-là. Pourtant, Marine Le Pen semble revenir à ses errement mélenchonistes, si l’on en croit un entretien récent accordé à Valeurs Actuelles. Au lieu de se dire que ce qui lui est arrivé de meilleur en 2017 a été l’alliance proposée par Nicolas Dupont-Aignan en vue du deuxième tour - ce n’était pas rien le ralliement d’un authentique gaulliste ! - elle continue à se complaire dans le populisme. Et puis, après avoir fait campagne sur l’éclatement de l’euro, elle se rallie à son maintien - au moment même où l’éclatement de la monnaie unique devient plus que probable. Marine Le Pen serait plus crédible si elle montrait qu’elle a une vision du système monétaire international, de la régulation des relations commerciales et de l’avenir de l’entreprise. Quant à la « droite d’en haut », elle semble incapable d’analyser les raisons de son déclin. Ses dirigeants ne veulent pas assumer un dialogue avec les Gilets Jaunes. Heureusement, ce dialogue a lieu sur le terrain, grâce au réseau dense des élus locaux; espérons qu’il trouvera un jour un véritable relais dans l’Etat-Major des Républicains. Et puis, il y a un autre motif d’espoir: une partie des jeunes militants de LR, sous l’impulsion d’Erik Tegner, a décidé d’entamer un dialogue entre les droites, sur le terrain. Le travail à fournir sera gigantesque. Il s’agit de poser les bases d’une alliance entre la droite conservatrice, la droite entrepreneuriale et la droite populaire. Il faudra être aussi crédible quand on aborde le défi de l’industrie 4.0 que lorsqu’on évoque la fidélité au passé français. Il sera nécessaire de mettre en place la démocratie locale qui est le prolongement naturel de la conquête de la souveraineté. Il s’agira de parler du caractère fondamental de la famille comme cellule fondatrice de toute société tout en faisant preuve de la plus grande compassion envers tous les blessés de l’individualisme absolu. Le défi sera aussi de reconstituer le tissu des classes moyennes tout en baissant les impôts. Tout cela en surmontant le traditionnel « combat des chefs » du village gaulois. 

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