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Gilets jaunes : comment la vague de colère et le malaise des citoyens ont inondé les ronds-points le 17 novembre 2018
©SEBASTIEN BOZON / AFP

Bonnes feuilles

Sylvain Boulouque publie "Mensonges en gilet jaune : Quand les réseaux sociaux et les bobards d'État font l'histoire" (Serge Safran éditeur). Sylvain Boulouque s’est intéressé à l’événement comme un cas de figure de la rumeur au XXIe siècle. Extrait 1/2.

Sylvain Boulouque

Sylvain Boulouque

Sylvain Boulouque est historien, spécialiste du communisme, de l'anarchisme, du syndicalisme et de l'extrême gauche. Il est l'auteur de Mensonges en gilet jaune : Quand les réseaux sociaux et les bobards d'État font l'histoire (Serge Safran éditeur) ou bien encore de La gauche radicale : liens, lieux et luttes (2012-2017), à la Fondapol (Fondation pour l'innovation politique). 

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Le 17 novembre 2018 demeure pour chacun une vraie surprise et génère une guerre de communication, et même une commotion de communication. Une vraie bataille de « chiffonniers » s’est engagée. On attribue à Jacques Duclos, le dirigeant communiste des années 1930 aux années 1960, une distinction entre les chiffres arithmétiques et les chiffres politiques, qui semble encore fonctionner un demi-siècle après. Le ministère de l’Intérieur a engagé la bataille. Il a procédé un calcul simple. Il y a environ 2 000 points de fixation sur lequel il pouvait y avoir jusqu’à environ 150 personnes ce qui donne l’impression qu’il y a donc environ 283 000 manifestants, ce qui pour les manifestants semble impossible. Le taux de renouvellement des personnes présentes aux ronds-points n’a pas été pris en compte, et traditionnellement l’Intérieur minimise les chiffres. L’ampleur des blocages sur les ronds-points est extrêmement variable.

Les ronds-points et les rues sont mitraillés par le moindre téléphone et caméra portables et atterrissent sur les comptes des réseaux sociaux qui documentent aussi bien qu’ils nourrissent en propagandes, légendes urbaines et vérités floutées et permettent de dire tout et son contraire.

Par exemple, la rocade de l’autoroute d’Amiens est totalement bloquée par une cinquantaine de personnes, mais donne l’impression d’une foule plus massive et plus dense. 

Dès lors, les deux camps se regardent en chiens de faïence s’accusant tous deux à juste titre de mensonge. Les Gilets jaunes ne sont certainement pas un million comme ils l’annoncent de façon péremptoire, mais ils sont beaucoup plus nombreux que les estimations de l’Intérieur. Une des ambiguïtés fondatrices vient de là. À Dijon, l’écart entre les chiffres de la préfecture et des manifestants oscillent de 4 000 à 7 000. À l’exception notable de Russia Today France qui reprend sans barguigner les chiffres des Gilets jaunes, les recoupements des journalistes qui fait récent, calculent de façon indépendante les foules, les estiment à environ 5 000. 

Il y a la foule, mais il y a aussi le sens qu’elle se donne. 

Dans l’Ouest par exemple, les Gilets jaunes évoquent la question du pouvoir d’achat et des impôts alors que dans d’autres régions, la mobilisation porte exclusivement sur les taxes. Des affrontements éclatent dès la première manifestation, minimes par rapport à la suite, mais Quimper, l’un des centres de la mobilisation, connaît de violentes échauffourées. De même à Dijon, les tensions sont fortes entre manifestants qui estiment qu’ils ont le droit de manifester, tout en méconnaissant les codes et les règles de la manifestation. La violence est déjà latente sans être explosive. Les palettes qui brûlent et les braseros des ronds-points où l’on se réchauffe volontiers, servent de point de fixation. Les hommes politiques d’envergure nationale soutiennent le mouvement sans y participer directement. Par contre, les militants de leur parti entourent les Gilets jaunes s’ils n’en sont pas eux-mêmes très souvent, que ce soit LR, RN, les Patriotes, ou la France insoumise. Or à ce jeu, le parti de Marine Le Pen est extrêmement actif. Exemple parmi d’autres : à Grenoble, les responsables départementaux du Rassemblement national de l’Isère bloquent la circulation avec des barrages, par ailleurs peu fournis. Il en est de même à Grenoble, Vienne ou Bourgoin-Jallieu. Dans le Vaucluse, barrage du Pontetest tenu par des militants RN de même que dans de nombreux point du Var et des Alpes-Maritimes. 

Dans l’Aube, les animateurs des Gilets jaunes sont dans leur immense majorité des militants politiques, les quatre cinquièmes appartiennent à la droite de la droite (RN, DLF, parti chrétien démocrate) et pour un sur cinq à la France insoumise, quelques-uns sont des anciens des groupes Colère 10. Pour la majeure partie d’entre eux, ils représentent l’électorat traditionnel de droite (petits patrons, artisans, conseils juridiques…). Leurs représentants participent au Mouvement du 14 juillet, et abusent des réseaux sociaux.

Extrait du livre de Sylvain Boulouque, "Mensonges en gilet jaune : Quand les réseaux sociaux et les bobards d'État font l'Histoire", publié chez Serge Safran éditeur, dans la collection Boucan Essai

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