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La politique monétaire accommodante de la Fed profitait à l'économie mondiale selon Ben Bernanke, le président de la Banque centrale américaine.
La politique monétaire accommodante de la Fed profitait à l'économie mondiale selon Ben Bernanke, le président de la Banque centrale américaine.
©Reuters

Complètement fou ?

Ben Bernanke, le président de la Banque centrale américaine, estime officiellement que la politique monétaire accommodante de la Fed profitait à l'économie mondiale et rejette l'idée de dévaluation compétitive.

Alexandra Estiot

Alexandra Estiot

Alexandra Estiot est économiste, spécialiste des Etats-Unis chez BNP Paribas.

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Atlantico : Ben Bernanke, le président de la Banque centrale américaine, a estimé dans un discours que la politique monétaire de la Fed, en améliorant la situation économique américaine, profitait à l'ensemble de l'économie mondiale. Est-ce vraiment le cas ?

Alexandra Estiot : L'amélioration de la situation conjoncturelle macroéconomique américaine et l'absence de risques sur le système financier mondial sont deux éléments très positifs pour l'économie américaine. Le rôle de la Fed est à la fois d'éviter tout risque systémique et d'assurer la stabilité du système financier américain, deux éléments qui inéluctablement impactent la conjoncture mondiale. N'oublions pas que les Etats-Unis restent la première économie mondiale et que toute amélioration de son économie enlève un poids au reste du monde, surtout en cette période.

Cependant, il faut nuancer les propos de Ben Bernanke sur les effets de la croissance américaine sur le reste du monde. L'intensité de la croissance américaine en importation est moindre que par le passé ce qui signifie qu'à croissance égale, les Etats-Unis importeront moins qu'avant. Les gains pour le reste du monde seront moins importants. Il s'agit cependant d'une bonne nouvelle qui traduit un certain rééquilibre puisque les déficits extérieurs persistants de l'économie américain représentaient un déséquilibre entre épargne et investissement - les ménages investissaient plus qu'ils ne pouvaient se le permettre - qui avaient été en partie à l'origine de la crise de 2008-2009. Les effets bénéfiques d'un retour de la croissance américaine seront donc plus faibles que par le passé mais amorce une plus grande stabilité.

Contrairement à ce que prétend Ben Bernanke, pouvons-nous parler de dévaluation compétitive, comme l'estiment certains pays émergents, par l'affaiblissement du dollar qui résulte de se politique monétaire accommodante ? 

Le niveau du dollar par rapport aux autres devises internationales n'est pas un objectif de la Fed. Tout comme en zone euro, il n'y a pas de politique de change active de la part des Etats-Unis. La dépréciation du dollar n'est qu'une conséquence d'un différentiel de taux d'intérêt. Il s'agit d'un effet secondaire de la politique monétaire accommodante mais en rien d'un effet recherché.

D'ailleurs, les gains issus d'un dollar faible ne sont pas aussi important qu'on pourrait le croire pour les Etats-Unis dans la mesure où il s'agit d'une économie relativement fermée. Les importations représentent moins de 15% de la demande totale. On ne peut donc relancer l'économie américaine via les importations contrairement à une idée reçue.

En revanche, cela a des effets potentiels se traduisant par un moindre attrait des actifs américains et donc de plus faibles entrées de capitaux d'autant que la dépréciation d'une monnaie peut avoir des effets sur l'inflation. Et l'Europe n'est pas particulièrement la première victime de cette politique puisque l'euro reste relativement à son équilibre si l'on regarde les taux de change effectifs.

Faut-il croire le président de la Fed lorsqu'il précise, dans un discours prononcé à la London School of Economics, que presque la totalité des pays du G7 mènent une politique similaire à la sienne ?

Il faut reconnaître que les taux directeurs des banques centrales des pays occidentaux sont presque tous proche de zéro. La Fed et la BCE. En réalité  la BCE n'a tout simplement pas utilisé les mêmes instruments que la Fed, la Banque d'Angleterre ou la Banque du Japon. Pour assurer la liquidité, l’institution de Francfort n'est pas passée par les achats passifs de titres mais par une distribution de liquidités bancaires à coût très faible. Précisons au passage que les deux programmes de LTRO (Opération de refinancement à long terme, des prêts accordés aux banques afin d'éviter un assèchement du crédit, il s'agit d'une des principales mesures non-conventionnelles adoptées par la BCE, ndlr) ont gonflé le bilan de la BCE plus que celui de la Fed.

Les liquidités ne passent tout simplement pas par les mêmes canaux pour des raisons bien particulières qui tiennent à la structure des économies européenne et américaine. Outre-Atlantique, les entreprises non financières se financent en s'endettant de manière importante sur les marchés obligataires alors qu'en zone euro, la grosse majorité du financement passe par du crédit bancaire. Il faut donc assurer la liquidité au niveau bancaire. La Fed n'a pas été plus active que la BCE. Les outils ont simplement divergé pour répondre à deux contextes macroéconomiques différents même si les finalités sont les mêmes.

Alors que la croissance américaine reste encore fragile, Wall Street a récemment atteint de nouveaux records. La politique de la Fed profite t-elle surtout... aux marchés plus qu'à l'économie réelle ?

La croissance américaine est plus forte qu'elle n'y parait même si la nouvelle voie suivie ne sera pas aussi forte que par le passé du fait des efforts de rigueur budgétaire. L'objectif de la Fed consiste à s'occuper du marché obligataire, donc la dette d'Etat. Résultat, les bons du Trésor sont chers ce qui incite les investisseurs à se tourner vers d'autres produits moins coûteux. C'est une façon de réorienter les flux d'épargne des différents agents vers les secteurs productifs de l'économie comme la dette des entreprises, les actions, et via le système bancaire, le crédit aux entreprises...

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