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Geoffroy Didier : "Préserver des statuts sociaux figés tout comme mener des combats sociétaux d'arrière-garde serait une impasse pour la droite"
©JOEL SAGET / AFP

Interview

Pour le député au Parlement européen et secrétaire général délégué des Républicains, la droite "doit vivre avec son temps, accepter de se remettre en question, anticiper les défis de société de demain."

Geoffroy Didier

Geoffroy Didier

Geoffroy Didier est député au Parlement européen et directeur de la communication de la campagne de Valérie Pécresse.


 

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On a peu entendu Laurent Wauquiez depuis son élection à la tête des Républicains. Sa rentrée politique est prévue dans une dizaine de jours. Entre la nécessité de reconquérir une visibilité du quotidien et le fait de ne pas trop parler pour se poser en opposant à Emmanuel Macron plus qu’à Christophe Castaner qui dirige La République en marche, quelle est selon vous la bonne posture pour Laurent Wauquiez ?

Il y a quelques semaines seulement, certains reprochaient pourtant à Laurent Wauquiez d’être trop présent dans le débat public... Légitimé par les adhérents des Républicains et désormais entouré d’une équipe renouvelée et rajeunie, il va pouvoir fonder une nouvelle droite, offensive sur ses valeurs mais respectueuse de ses adversaires. Dans une démocratie, il serait malsain que les extrémismes de droite et de gauche aient le monopole de l’opposition. Que l’on soit d’accord ou non avec Laurent Wauquiez, chacun devrait soutenir l’énergie qu'il met à vouloir incarner un contre-pouvoir au gouvernement. Nous voulons aujourd'hui être une force de propositions pour devenir demain une alternative. Qui peut nous le reprocher?

Les enquêtes d’opinion montrent que les électeurs de droite accordent de plus en plus leur confiance au gouvernement et Emmanuel Macron donne l’impression de mener la politique que la droite a longtemps défendu, que ce soit en affichant une volonté de fermeté sur l’immigration ou de libéralisation sur l’économie. Comment vous distinguer ? Revendiquer une opposition à la hausse de la CSG et une plus grande fermeté en matière de sécurité peut-il suffire à reconstruire une ligne politique pour LR ? Quelles sont les valeurs derrière la posture ?

Ma philosophie est claire : lorsqu'Emmanuel Macron met en œuvre des réformes qui vont dans le bon sens, je n’hésite pas un instant à le soutenir. Je veux la réussite de la France. Et il va falloir que la droite soit cohérente avec elle-même : elle ne peut pas reprocher au gouvernement de supprimer les contrats aidés ou, même partiellement, l’impôt sur la fortune alors qu'elle l'a elle-même demandé pendant des années sans avoir le courage de le faire. Nous ne sommes pour autant dupes de rien. Un exemple : lorsque le gouvernement affiche une apparente fermeté en matière migratoire, il est en parfait décalage avec la faiblesse de ses actes. Il cache aux Français que dans le budget 2018, la majorité a voté une augmentation de 110 millions d’euros de l'aide médicale d'Etat, c'est-à-dire de soins gratuits pour les clandestins. Il a sous-budgété les centres de rétention administrative et n'a prévu que 15000 reconduites à la frontière des étrangers venus illégalement alors que la droite en réalisait 30000 par an. Le credo macronien « en même temps » est, en fait, un véritable signal de faiblesse pour l’action publique. En matière de sécurité, de défense, de justice comme de maîtrise des flux migratoires ou de lutte contre le communautarisme, Emmanuel Macron ne cessera jamais de cultiver l’ambiguïté. Vis-à-vis de sa majorité, il est condamné à un entre-deux tactique là où nous aurions besoin de fermeté politique. 

Les Républicains ont vu un certain nombre de départ de leurs rangs, y compris après l’arrivée de Laurent Wauquiez, la droite vous paraît-elle désormais en ordre de marche ou encore traumatisée par sa défaite à l’élection qu’on disait imperdable ?

Par égoïsme, quelques-uns font le choix de quitter la famille. Je souhaite, bien au contraire, que chacun puisse faire vivre sa sensibilité, sa différence, sa priorité, mais toujours avec le sens du collectif. Ça s'appelle l'esprit de famille. Valérie Pécresse, par exemple, ne partage pas toutes les propositions défendues par Laurent Wauquiez. Pourtant, elle a fait le choix de rester une membre - éminente - des Républicains et de faire vivre sa sensibilité à l’intérieur plutôt qu'en marge. 

La CDU et le SPD semblent s’être mis d’accord sur un programme de gouvernement pour former une grande coalition. Une bonne nouvelle pour l’Europe selon Angela Merkel et Emmanuel Macron. L’optimisme européen du président vous paraît-il justifié ? Les sondages montrent que les Républicains pourraient connaître une défaite cinglante aux européennes de 2019 en arrivant en 4ème voire eh 5e position. Quel est selon vous le discours politique sur l’Europe que doit tenir le parti ?

J'ai pour intuition qu’une majorité de Français partage nos convictions sur l’Europe. Emmanuel Macron a un projet inquiétant : diluer les souverainetés nationales dans un quasi fédéralisme que nous ne voulons pas. A l’autre extrémité, le Front National est totalement perdu dans une europhobie qu’il n’assume plus, faisant semblant de vouloir finalement conserver l’euro tout en maintenant un programme économique intégralement basé sur la sortie de la France de l'Union européenne. On y comprend plus rien! Au sein des Républicains, nous sommes profondément européens parce que nous savons que l’union fait la force. Nous allons nous doter d’une projet clair, alternatif et positif, en définissant l’Europe comme une terre aux racines et culture judéo-chrétienne, aux frontières extérieures étanches et en excluant ainsi l’adhésion de la Turquie et l'élargissement tous azimuts. Nous voulons davantage d’Europe là où elle peut devenir utile aux peuples, par exemple sur des projets structurants comme le Lyon-Turin, la couverture haut débit Internet de l'ensemble du continent, la recherche pour le vaccin contre l'Alzheimer, de nouveaux remèdes contre le cancer ou évidemment la protection de nos frontières extérieures. Nous voulons, en revanche, moins d’Europe là où nous avons besoin de nous protéger au niveau national, par exemple en retrouvant notre souveraineté migratoire et ce, autant que nécessaire. Je suis convaincu qu’entre le dessein fédéraliste d’Emmanuel Macron et le repli nationaliste de Marine le Pen, notre vision de l’Europe peut susciter une très large adhésion. Sur l'Europe, nous sommes à la fois ambitieux et lucides. Les autres sont des idéologues. 

Les états généraux de la bioéthique doivent s’ouvrir le 18 janvier. Quelle ligne les Républicains doivent-ils adopter sur ces questions selon vous ? Le parti doit-il être le centre de gravité d’un camp conservateur face à un camp progressiste ?

Non. Je ne me sens pas conservateur. Sur le plan sociétal comme sur le plan social, je veux une droite qui donne la priorité à l’émancipation et permette à chacun de vivre sa vie et de progresser dans la société. Préserver des statuts sociaux figés, tout comme mener des combats sociétaux d'arrière-garde seraient une impasse pour la droite. Plutôt que de se réfugier ou de se replier, la droite doit vivre avec son temps, accepter de se remettre en question, anticiper les défis de société de demain. J'appelle la droite à une révolution mentale. 

Si vous deviez résumer l’ADN des LR en 2 phrases, que diriez-vous ? Qu’a vocation à incarner le parti dans le champ politique français ?
Je propose que la droite n'ait qu’une seule boussole : le mérite. Tous ceux qui travaillent, se réalisent ou qui méritent d’être aidés parce qu’ils sont en difficulté doivent rencontrer le soutien de l’État. Ceux qui bafouent les lois, piétinent la République ou profitent du système doivent, eux, être beaucoup plus durement sanctionnés. Pour retrouver les Français, la droite doit porter ce nouveau contrat social: «Aide toi, et l’État t’aidera». 

Qu’attendez vous du gouvernement sur Notre Dame des Landes ?

Qu’on respecte le peuple! En juin 2016, une consultation populaire de plus d’un million d’électeurs a été organisée par l'exécutif. Une majorité d’entre eux se sont exprimés et ont approuvé le projet de transfert de l’aéroport Nantes-Atlantique vers Notre-Dame des Landes. Le strict minimum à attendre d’un gouvernement, c'est qu'il mette en œuvre les décisions de son peuple. 
Les polémiques ont fait rage cette semaine sur le mouvement de lutte contre les violences sexuelles faites aux femmes ? Que vous inspire le point de vue de la tribune signée par Catherine Deneuve qui considère que le balancier serait allé trop loin dans la dénonciation des comportements masculins ? Et que pensez vous du projet de Mme Schiappa prévoyant de pénaliser le harcèlement de rue ?


Cette période de libération de la parole était salutaire, il ne faudrait pas qu’elle devienne malsaine. Les choses sont pourtant claires: dans les relations sexuelles, il n'y a pas de non qui veuille dire oui. 
Laurent Wauquiez a été mis en cause par des journalistes de France 3 Rhône Alpes qui considèrent que des reportages qui lui étaient consacrés ont été censurés en raison de pressions qu’il aurait exercé sur Ia direction de la chaîne. Comprenez-vous qu’il soit intervenu pour se plaindre du traitement qui lui était réservé ?
Je ne connais pas ce cas précis mais j’observe, plus globalement, depuis plusieurs mois un véritable "Wauquiez bashing" qui ne laisse pas dupe grand monde. Emmanuel Macron jouit, lui, d’une parfaite indulgence médiatique qui risque vite de fatiguer nos concitoyens. Il va falloir que certains s’habituent à ce que la droite soit de retour. 

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