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Geoffroy Didier : "Arrêtons ce mépris à l'égard des Français en colère, il n'y a pas de sous-électeurs en France"
©JOEL SAGET / AFP

Entretien politique

Geoffroy Didier, directeur de campagne de Laurent Wauquiez pour la présidence des Républicains, explique dans Atlantico sa volonté de "promouvoir une droite qui assume l'histoire de son pays" mais "qui ne se fige pas dans un conservatisme sociétal et social".

Geoffroy Didier

Geoffroy Didier

Geoffroy Didier est député au Parlement européen et directeur de la communication de la campagne de Valérie Pécresse.


 

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Atlantico : Vous étiez le fondateur de la droite forte -et sarkozyste- avec Guillaume Peltier dont vous vous êtes éloigné depuis, vous avez ensuite soutenu Alain Juppé pendant la primaire, vous êtes proche de Valérie Pécresse à la région Île de France, vous avez récemment signé un appel contre la division de la droite en chapelles, contre la tentation de l’homme providentiel et pour une droite orléaniste et girondine et on vous retrouve désormais directeur de campagne de Laurent Wauquiez : qui est donc vraiment Geoffroy Didier ? Votre parcours est-il le reflet de la difficulté de la droite à se définir dans ce monde profondément impacté par la mondialisation et les avancées technologiques ultrarapides ?

Geoffroy Didier : Un parcours est, selon moi, une succession d'expériences qui, avec le temps, démontre tout son sens. J'assume pleinement la complexité de la vie et n'aspire pas à la linéarité. J'estime, au contraire, qu'un responsable politique doit être mobile intellectuellement, savoir s'adapter aux exigences du temps et ne pas avoir peur, si nécessaire, de changer d'avis une fois confronté aux réalités. Une bonne idée en théorie peut s'avérer décevante une fois réalisée. Une bonne initiative à l'instant T peut devenir obsolète quelques années plus tard. Il faut toujours accepter de se laisser bousculer par ses propres certitudes et oser sortir de sa zone de confort idéologique. Je me suis engagé en politique pour Nicolas Sarkozy, lors de son accession au pouvoir entre 2005 et 2007, pour une raison simple: il avait de fortes convictions, mais savait aussi transgresser et ne jamais se laisser enfermer par une idéologie simpliste. Je suis de droite, mais je ne suis pas seulement de droite. Je me suis engagé avant tout pour défendre ce en quoi je crois le plus: le mérite. C'est mon unique boussole. Je veux promouvoir un ordre juste et un sain équilibre entre responsabilité et solidarité. J'ai travaillé et travaille en association étroite avec celles et ceux qui ont fait et font la droite, Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, Valérie Pécresse et Laurent Wauquiez. Les mots qu'ils utilisent sont parfois différents, mais leurs valeurs sont au fond les mêmes. Avec eux, progressivement, je crée mon propre chemin. 

Sur quoi vous êtes vous accordé avec Laurent Wauquiez en le rejoignant ? On voit bien l’intérêt de Laurent Wauquiez à rassembler et à tenter de multiplier les « prises de guerre » comme Virginie Calmels ou vous-même afin de briser l’image sectaire que peignent de lui ses adversaire de droite, notamment chez les Constructifs. Avez vous mis des conditions politiques à votre « ralliement » à un poste aussi engagé?

J'ai accepté la mission de diriger la campagne de Laurent Wauquiez parce que je suis convaincu qu'il est celui qui peut aujourd'hui relever la droite qui est à terre. Dans notre démocratie, il est impossible que le seul contre-pouvoir à Emmanuel Macron soit l'extrémisme, de gauche comme de droite. Pour fonder un nouveau parti de la droite républicaine, Laurent Wauquiez dispose d'atouts: il incarne une génération nouvelle, est doté d'une envie et d'une énergie entraînantes et veut promouvoir une droite qui veille au respect de nos traditions mais soit ouverte au progrès. Je peux bien avoir des différences avec lui, et tant mieux. Le fait qu'il m'ait choisi comme le directeur de sa campagne est précisément une preuve de plus de sa volonté de rassembler. Il m'a garanti la possibilité de pouvoir faire émerger une droite ferme, mais aussi moderne et ouverte. Apprenons à droite à faire vivre et à respecter nos sensibilités et expressions différentes! Pour se rassembler, on n'est pas obligé de se ressembler.

Vous avez récemment déclaré : "On a pris les fonctionnaires pour des chiffres, on a réduit les banlieues à des délinquants, durant la dernière campagne présidentielle la droite a oublié un grand nombre de nos concitoyens. C'est ringard parce que c'est très conservateur." Que cela soit ringard, certainement. Mais en quoi cela est-il conservateur ? La droite n’est-elle pas malade de son incapacité à assumer que son ADN est d’être conservatrice -au sens de considérer que tout n’est pas à jeter dans nos héritages culturels, économiques ou sociaux- là ou la gauche revendique d’être le camp du progrès perpétuel, fût-ce au prix du sacrifice de certains fondamentaux ? Pourquoi cette allergie de la droite française à ses racines idéologiques alors que la quasi totalité des droites étrangères assument d’être conservatrices -ce qui n’a en soi rien à voir avec vouloir vivre comme des Amish ou dans un ordre moral austère ?

Oui, je le dis : la droite est devenue ringarde. Elle s'est réfugiée dans un conservatisme sociétal et a oublié sa vocation sociale. Durant la dernière campagne présidentielle, la droite s'est rabougrie en excluant inutilement de son champ de vision un grand nombre de Français. Comment, par exemple, pensez-vous un instant pouvoir susciter l'adhésion au sein de la fonction publique lorsque la seule proposition que vous faites aux 5,5 millions de fonctionnaires est la suppression de 500 000 postes? Les fonctionnaires méritent une toute autre considération: ils pourraient être rémunérés au mérite, revalorisés dans leurs missions les plus fondamentales, ce qui n'empêcherait en rien de rationaliser leur mode de fonctionnement.

Quant au conservatisme dont vous parlez, comprenons-nous bien: je veux promouvoir une droite qui assume l'histoire de son pays, ses gloires comme ses déboires, qui ne cède jamais à la repentance et qui arrête de considérer qu'elle n'a pas le droit de fêter la victoire d'Austerlitz ni d'assumer notre culture chrétienne. En revanche, je veux une droite qui ne se fige pas dans un conservatisme sociétal et social. Sur le plan sociétal, le mariage des personnes du même sexe est devenu un acquis que la droite ne doit plus remettre en cause. Sur le plan social, j'assume de vouloir briser les chaînes du déterminisme social en permettant à chacun de s'émanciper et de progresser socialement: être reconnu et promu selon son travail, son mérite et son talent; bénéficier de la solidarité lorsqu'on subit un accident de parcours;  se voir mettre le pied à l'étrier lorsqu'on débute dans la vie. En Ile-de-France, nous avons, par exemple, rétabli les bourses au mérite pour les bacheliers mention très bien issus de familles modestes. Entre l'égalitarisme socialiste et le marche ou crève d'une vieille droite, précisément à certains égards trop conservatrice, je propose un nouveau contrat social: aide-toi et l'Etat t'aidera. 

Comprenez-vous les procès en droitisation qui sont faits à Laurent Wauquiez et l’inquiétude que ses propos éveillent, non pas tant chez les Français ou ailleurs dans la vie politique que dans une partie non négligeables des cadres de la droite ? Cette droite qui le critique - dont Valérie Pecresse- est-elle selon vous une droite qui a renoncé à elle-même et qui cède aux intimidations idéologiques ou une droite qui a de véritables raisons de redouter des dérives populistes et anti-démocratiques chez Les Républicains ?

Laurent Wauquiez a toujours été très clair: il refusera toujours quelque alliance avec le Front National. C'est dit, redit et maintes fois répété. En revanche, et je vous le dis avec la même force, nous avons le devoir de parler à tous ces Français qui se sont tournés vers Marine Le Pen, exaspérés par une droite qui n'a pas tenu ses promesses au pouvoir. Ne nous laissons pas impressionner: le médiatique "front républicain" inventé par le Parti socialiste a pour seul mérite de donner bonne conscience à ceux qui ont fait progresser le Front National pendant 30 ans. Laurent Wauquiez, comme Valérie Pécresse, eux, ont concrètement fait baisser le Front National dans leurs régions! Arrêtons donc ce mépris à l'égard des Français en colère: il n'y a pas de sous-électeurs en France!  

François Baroin dit qu’il pourrait revenir en politique si Les Républicains entraient dans une logique de rapprochement avec le Front National en ayant l’air de viser implicitement la stratégie de Laurent Wauquiez, cela vous inspire quoi ?

Je suis en train de lire l'ouvrage de François Baroin qui raconte l'histoire de France par celles de ses villages et clochers. Breton d'origine, la France est mon ancre. Mais je sais aussi que nous devons être performants, compétitifs et nous tourner vers l'avenir si nous ne voulons pas disparaître. Les souvenirs comme inspiration, mais jamais la nostalgie pour boussole!

Vous n’aviez pas hésité à vous allier avec Guillaume Peltier, lui-même venu du FN, sur une ligne politique proche de ce qu’on avait appelé la ligne Buisson, quels sont pour vous les lignes rouges et les valeurs qui séparent profondément les LR du FN ? À quoi faudrait-il que le FN renonce pour devenir fréquentable à vos yeux ?

Le Front National est un parti politique dont la création s'est inspirée des sombres heures de notre Histoire. Nous sommes, au contraire, à droite les héritiers d'un peuple qui s'est libéré, qui a résisté, qui a su dire non. Cette distinction originelle est fondamentale. Elle trouve, aujourd'hui, ses traductions adaptées à notre temps: le FN est, ainsi, contre l'Europe alors que la droite veut l'Europe, mais une Europe qui protège notre peuple. Le FN démontre aussi son incapacité à affronter la réalité économique en voulant sortir de l'euro, alors que nous souhaitons, à droite, maintenir l'euro ne serait-ce que pour éviter d'être disqualifié par nos voisins, partenaires et concurrents. Bref, tel est l'ADN du FN: il tire la France et son peuple vers le bas. C'est tout le contraire de ce que je veux construire et démontrer. 

La perspective de rester longtemps, voire très longtemps dans l’opposition avec un Emmanuel Macron ayant réussi à faire volet en éclat les partis traditionnels, ça vous effraie ?

Emmanuel Macron refuse de reconnaître l'existence d'une culture française. Il ignore les fractures territoriales. Il ne comprend pas les angoisses des Français face à la montée des communautarismes. Il n'est que le président de la France qui rit. Je crois, par conséquent, que la droite républicaine a un immense espace devant elle: si elle devient enfin ferme mais aussi moderne et ouverte, elle sera demain le principal contre-pouvoir, une véritable force de propositions, puis le recours qu'il nous faut.

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