La gauche trahit l’électorat populaire et le revendique !<!-- --> | Atlantico.fr
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Des dirigeants socialistes lors de la manifestation du 1er mai de cette année.
Des dirigeants socialistes lors de la manifestation du 1er mai de cette année.
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Germinable

Une note du think-tank Terra Nova, proche de Dominique Strauss-Kahn, propose de délaisser les classes populaires pour se concentrer sur la "France de demain", un électorat "plus jeune, plus féminin, plus diplômé, mais aussi plus urbain et moins catholique". La gauche perd-elle son âme ?

Erwan Le Noan

Erwan Le Noan

Erwan Le Noan est consultant en stratégie et président d’une association qui prépare les lycéens de ZEP aux concours des grandes écoles et à l’entrée dans l’enseignement supérieur.

Avocat de formation, spécialisé en droit de la concurrence, il a été rapporteur de groupes de travail économiques et collabore à plusieurs think tanks. Il enseigne le droit et la macro-économie à Sciences Po (IEP Paris).

Il écrit sur www.toujourspluslibre.com

Twitter : @erwanlenoan

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Gagner une élection est une affaire éminemment stratégique – surtout lorsqu’elle est présidentielle. Les partis politiques le savent bien. Pour autant, il reste exceptionnellement rare que ceux-ci ou leurs entourages affichent très cyniquement quels électeurs ils comptent séduire et ceux qu’ils préfèrent abandonner. C’est pourtant bien ce que vient de faire Terra Nova, think tank proche de Dominique Strauss-Kahn, en suggérant au PS d’attirer la « France de demain » et d’abandonner purement et simplement l’électorat populaire.

L’électorat de la « France de demain » serait « plus jeune, plus féminin, plus diplômé, mais aussi plus urbain et moins catholique ». A l’inverse, comme « la classe populaire n’a plus le cœur à gauche » et qu’elle aurait « des valeurs culturelles conservatrices », « mettre en œuvre une stratégie de classe autour de la classe ouvrière, et plus globalement des classes populaires, nécessiterait [pour la gauche] de renoncer à ses valeurs culturelles, c'est-à-dire de rompre avec la social-démocratie ». Et si la gauche hésitait encore, car elle « ne peut se résoudre (…) à perdre les classes populaires », il faut voir les choses en face : une stratégie qui s’adresserait à elles « va à contre-courant : les tendances sont au basculement des classes populaires à droite ».

En clair : s’adresser aux classes populaires serait du temps perdu : inutile de s’y intéresser, sinon cela obligerait à tomber dans le « social-populisme » ; mieux vaut les abandonner et s’adresser à la « France de demain ». Pour ceux qui ont vu dans la gauche l’espoir d’un avenir meilleur pour les plus fragiles de notre société, la lecture est amère. A l’heure où la gauche célèbre la victoire de 1981, celle qui devait justement changer la vie des milieux populaires, ces préconisations ne manquent pas d’ironie et de cynisme. Les calculs électoralistes l’emportent sur l’ambition politique : l’électeur « populaire » n’étant pas capable de comprendre les valeurs de la gauche progressiste, il vaut mieux le laisser tomber et l’abandonner à son sort de droitisation rampante.

Une gauche divisée

Ces propositions reflètent bien les tensions de la gauche entre une frange qui se veut social-démocrate et y voit une raison de refuser l’idée d’être un parti populaire, et une autre qui rejette au contraire cette stratégie et souhaite garder un discours plus offensif. La campagne du référendum sur la constitution européenne l’avait bien montré. Les divisions idéologiques et stratégique sont toujours là. Il n’est pas sûr que cela soit très bon signe, à un an de l’élection présidentielle…

Au fond, cette note ne fait que traduire ce que le PS applique lorsqu’il est au pouvoir : les 35h, ruineuses pour l’économie mais avantageuses pour le confort de vie des cadres, ont bloqué la progression des salaires ; la libéralisation des marchés, évidemment bénéfiques, mais favorables en premier lieu aux actifs du secteur dynamique et internationalisé, n’ont pas été accompagnées pour les ouvriers qui se retrouvaient soudain exposés à une concurrence nouvelle.

Le PS à un désir immense, et bien légitime, de revenir au pouvoir en 2012. Pour cela, il est prêt à assumer ce qui apparaît comme un reniement des grandes ambitions populaires de la Gauche. Les milieux populaires l’ont bien compris. Comme le Front national, qui se faufile dans la brèche avec le succès que l’on sait.

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