G7 Finance, G7 des Chefs, G20 de Rome : les trois coups de la guerre fiscale mondiale<!-- --> | Atlantico.fr
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La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, s'exprime lors d'une conférence de presse avec Charles Michel avant le sommet du G7, le 10 juin 2021.
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, s'exprime lors d'une conférence de presse avec Charles Michel avant le sommet du G7, le 10 juin 2021.
©FRANCISCO SECO / PISCINE / AFP

âpres négociations

Les ministres des finances du G7 ont proposé un taux minimal mondial de taxation à 15% pour les plus grandes entreprises. Cette annonce contient trois messages pour les grandes entreprises, pour la bourse et pour la Chine.

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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1er coup, les 4 et 5 juin : les 15% des financiers. Les ministres des finances du G7, « les 7 pays les plus riches du monde » comme on le dit partout, qui représentent 10% de la population et la moitié du PIB du monde, proposent un taux minimal mondial de taxation à 15% pour les plus grandes entreprises. Il s’agit là d’un taux annoncé depuis longtemps, suite à des travaux menés à l'OCDE pour arrêter la course à la baisse des taux d’imposition. Cette course érodait sans cesse les situations financières des grands états, devant certes faire des gains de productivité dans leurs structures publiques, mais répondre aussi aux besoins croissants en matière de santé, de formation, de protection et d’innovation.

En quelques lignes, l’accord des ministres plante le décor : retenir les grandes entreprises mondiales, qui font au moins 10% de marge et leur demander un taux minimal de 15%, sachant que ce même G7 leur demande aussi de préciser leurs chiffres d’affaires pays par pays. Le texte nous fait grâce des 300 pages qui définissent (actuellement) le seul taux de marge selon l’OCDE, naviguant entre les divers systèmes comptables, sans compter les modalités de calcul de 15% et ce qu’il adviendra des sommes sous collectées et des pays sous-collecteurs.

Aussitôt, les entreprises affinent leurs calculs et mobilisent leurs lobbies. Qu’appelle-t-on grande entreprise mondiale ? On parle de 25 milliards de dollars de chiffre d’affaires. Trop, trop peu, et ceux juste au-dessous ? Nous allons retrouver les éternels débats des seuils. Comment calculer ensuite les marges et les impôts effectivement payés ? Comment « interpréter » ces chiffres et que va-t-il effectivement se passer, vont se demander enfin les financiers et les marchés ?

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Toutes les entreprises de plus de 25 milliards de chiffre d’affaires ? Pas sûr, puisqu’un conseiller anonyme du ministre britannique des finances (Rishi Sunak), celui-là même qui avait annoncé un « accord historique », demanderait que les entreprises financières soient exemptées de la mesure ! Et ce même « officiel proche » ajoute que des pays européens (sans dire lesquels, bien sûr) partagent ce point de vue.

Et les pays qui taxent moins ? Irlande d’abord, mais aussi Chypre et Hongrie ne sont pas ravis. Que vont-ils faire ? On assure que les pays du G7 vont les soutenir dans la période sanitaire actuelle et qu’une « négociation internationale» va venir, qui devrait clarifier les choses. Une allusion au G20 ? Une « clarification » qui s’imposerait à tous ? Donc qui ferait disparaître les avantages de tous les paradis, graduellement certes ?

2ème coup, les 11 et 12 juin : les chefs des pays capitalistes entre eux et aussi, les 15% contre les GAFA ? Le G7 réunit cette fois les chefs d’état et de gouvernement, pour avancer et pré-décider, plus les leaders d’Australie, d’Inde, de Corée du Sud et d’Afrique du Sud, pour peser plus ensemble. Bien sûr, on parlera de croissance « forte et soutenable », de mettre le virus sous contrôle, avec un « plus fort système de santé », de changement climatique, de biodiversité et de soutien aux pays fragiles, le tout pour aller vers « un avenir, prospère pour tous », selon le poétique communiqué du G7 Finance.

Mais deux questions vont demeurer. La première concernera ce taux minimal à 15%, maintenant que l’idée circule qu’il ne concernerait pas la finance. Qui donc alors ? Des multinationales industrielles, de la santé, du luxe et… les GAFA(M) ! C’est là qu’on attend le Président Biden, puisque ses GAFA(M) ont un traitement fiscal particulier en Irlande. En même temps, une fuite fiscale vient de montrer que les 25 plus riches Américains payent en impôt environ 1% de leurs revenus ! Joe Biden va se trouver en difficulté, trouvant que l’impôt minimal qu’il propose n’est plus de 21% mais de 15% et touche surtout ses fleurons, leurs propriétaires ne payant rien ! Le G7 Finance devient un peu anti-USA, ce qui n’était pas vraiment prévu.

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Vient la deuxième question, qui concerne beaucoup les invités anglais à ce G7, sachant que le Président Biden ira ensuite à Bruxelles pour une réunion de l’Otan, puis à Genève, pour rencontrer le Président Poutine. Alors la question passera à la Chine et à la Russie, dans le cadre de leurs tensions croissantes avec les États-Unis (et ses alliés) : que faire ?

3ème coup, les 30 et 31 octobre : ces réunions en Europe, celles des démocraties, préparent en fait le G20 de Rome, et le 15% va aussi s’installer, mais contre cette fois les BATX (les GAFA chinois) et les autres multinationales chinoises. Elles profitent tant des politiques anti-COVID-19, qui se mènent partout ! Il sera question du virus, de développement, de croissance mieux partagée, sachant que la position de Biden sera moins isolée que celle de Trump en son temps. Est-ce que l’on parlera des origines du virus ? De concurrence plus ouverte, de transparence des comptes ? Et c’est alors que les 15% de taxation minimale vont faire leur retour, leur vrai retour, pour tous, sachant que les États-Unis ne ménagent pas leurs soutiens et leurs milliards : 52 pour des puces, 120 pour des recherches en intelligence artificielle… tandis qu’ils vont mener d’autres enquêtes sur Tik Tok.

Derrière ces 15% de taux minimal d’imposition, il y a donc au moins trois messages. Un, envoyé à toutes les grandes entreprises, même de moins de 25 milliards de dollars de chiffre d’affaires et à tous les paradis ou quasi-paradis : le vent a tourné. Un autre envoyé à la bourse, qui peut ne pas aimer, sauf si elle se dit que les déficits budgétaires se creuseront moins, donc que les taux longs monteront moins. Un troisième à la Chine : les USA continuent leur avancée, mais moins seuls, et veulent les faire cotiser, pays par pays.

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