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François Hollande au plus bas : ce qui pourrait lui avoir ôté toute envie de gouverner
©Reuters

Extrait

Le journaliste Serge Raffy dresse un portrait littéraire de François Hollande. Extrait de "Moi, l’homme qui rit", publié aux éditions Flammarion (2/2).

Serge Raffy

Serge Raffy

Journaliste au Nouvel Observateur, écrivain, Serge Raffy a publié en 2011 chez Fayard François Hollande, itinéraire secret, qui s'est vendu à 15 500 exemplaires, et Moi, l'homme qui rit (Flammarion, octobre 2014). Il est également l'auteur de Nicolas et les vampires (Robert Lafont, 2016).

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"Qui est Lionel Jospin ?" lui ai-je demandé à brûle-pourpoint. Ce dernier sembla sidéré par ma question. Ce n’était pas le militant trotskiste qui aiguisait ma curiosité. Là-dessus, je n’avais aucun doute. Mon intérêt portait sur les motivations profondes qui poussent un homme politique à sacrifier sa vie pour un monde de douleurs et de trahisons. Chez Jospin, où était la blessure qui justifiait ce chemin de croix ? Elle était enfouie dans l’histoire du père, bien sûr, un enseignant qui rêvait d’une carrière politique à la SFIO, que la guerre entraîna dans les bras du pacifisme et, par ricochet, du révisionnisme. Le grand tabou de la tribu Jospin, la tache noire, indélébile, dissimulée au tréfonds de la mémoire familiale, était celle d’un homme qui fut recherché comme « collabo » par la Résistance, à la Libération de Paris. Pendant que de Gaulle haranguait le peuple de la capitale, le père pacifiste se cachait dans une planque, attendant la fin de l’orage. L’homme n’était ni un milicien ni un salaud. Il faisait partie de cette poignée d’intellectuels qui prétendaient que tout valait mieux que la guerre, même Hitler. Quand il apprit les horreurs commises dans les camps nazis, il choisit le camp de ceux qui n’y croient pas et s’enferra dans un révisionnisme qui alimenta, plus tard, les théories de Paul Rassinier et de tous les « complotistes » d’extrême droite. Bien sûr, la carrière politique de Jospin père fut brisée. Comme celle de mon propre paternel. Lui aussi avait commis de nombreuses imprudences, joué les bravaches en politique et avait été laminé par l’Histoire. Le moteur était-il là ? Dans le besoin de revanche et de réhabilitation ? Je me pose encore la question aujourd’hui.

Au fameux meeting du Bourget, je décidai de lever le tabou. Je révélai l’histoire de mon père, qui aurait pu devenir un petit Le Pen. Je fis mieux : je le remerciai pour ce qu’il avait été, car, bien sûr, aucun enfant n’est responsable de l’histoire de ses parents. Et surtout pas coupable. Je le remerciai car je m’étais construit contre ses idées. C’était la première fois que j’exhibais une part de mon intimité. Par calcul politique ? Pour ne pas répéter l’erreur de Jospin, qui avait enfermé son secret familial dans un puits sans fond ? Tous les observateurs estimèrent que, ce jour-là, au Bourget, je m’étais transcendé, et même transfiguré. En lui confessant publiquement que je l’aimais et que je lui devais ce que j’étais, j’avais desserré l’étau. J’avais tué le père. J’étais un homme libre. Mais n’avais-je pas, dans le même temps, jeté aux orties le moteur profond de mon engagement, celui qui m’avait fait tout accepter pour atteindre le sommet du pouvoir, l’esprit de revanche ?

Extrait de "Moi, l’homme qui rit", de Serge Raffy, publié aux éditions Flammarion, 2014. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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