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Comment l’Etat décide de l’utilisation des milliards du plan France Relance et des aides proposées par l'Europe ?
Comment l’Etat décide de l’utilisation des milliards du plan France Relance et des aides proposées par l'Europe ?
©Ludovic Marin / AFP / POOL

Plan de relance

Si vous vous demandez comment l’Etat décide de l’utilisation d’autant de milliards aussi rapidement, voilà quelques éléments de réponse.

François Geerolf

François Geerolf

François Geerolf est économiste, professeur à l'Université de Californie (UCLA).

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Atlantico : Vous avez relevé sur Twitter que, dans le cadre du Plan de Relance pour l’Europe, certains projets sont pour le moins originaux. Qu’avez-vous remarqué de plus notable ?

François Geerolf : Quelques exemples sont assez surprenants et peuvent prêter à sourire. Des jardins partagés, des stérilisations de chats, des rénovations d’églises… Il est également question de changer la chaudière dans une piscine municipale ! On peut légitimement se demander pourquoi investir dans ces projets et s’ils devraient vraiment rentrer dans le cadre d'un plan de relance, ou si cet argent ne serait pas plus utile ailleurs. En tout cas, ces investissements n'ont a priori aucune raison de relancer la croissance... 

Pour rappel, quels étaient les objectifs affichés du gouvernement concernant l’allocation de cette relance ?

Le discours officiel parle d’investissements censés lancer la France dans le 21ème siècle et relancer la croissance… Ces dépenses ne rentrent donc pas vraiment dans le cadre des ambitions affichées.

Par ailleurs, ce Plan de Relance a été vendu de manière différente dans les pays de l’Union Européenne. Par exemple, certains pays ne veulent pas entendre parler de politiques keynésiennes. Les pays du nord sont plus favorables aux mesures permettant d’augmenter l’offre et la compétitivité. Ils préfèreraient par exemple investir dans la digitalisation de l’économie. A ce moment là, on est dans une situation un peu ambiguë car il ne s'agit plus strictement d'un Plan de Relance d’un point de vue économique, mais d'un mélange de politiques d'offre et de demande. Je pense que le fond du problème, c'est qu'on ne sait pas très bien comment présenter ces plans pour faire plaisir à tous les pays, ce qui parait lié aux contraintes européennes. On aboutit donc à des solutions qui sont très imparfaites, qui ne semblent répondre qu'à une logique politique et bureaucratique.

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Qu’est-ce que ces projets nous disent de la manière dont est utilisée le plan de relance européen ?

On se rend bien compte que l’administration française a beaucoup de mal à proposer des projets utiles et efficaces en si peu de temps. C'est bien normal: des projets d’investissements de grande ampleur comme la construction de lignes à grande vitesse ou des nouveaux métros se préparent habituellement sur plusieurs années et font l’objet d’enquêtes publiques et de débats. On se demande alors comment la puissance publique peut dépenser autant d’argent pour des projets qui peuvent sembler futiles, alors qu'on a tant de besoins par ailleurs. C'est d'autant plus difficile à comprendre que les gouvernements rognent depuis des années sur des dépenses liées par exemple à l’assurance maladie: l’hôpital public est sous pression et cet argent aurait pu servir à le soulager. Il apparait donc que cette somme d'argent aurait pu être dépensée à des fins plus utiles. Ce paradoxe est encore une fois lié à des contraintes politiques et bureaucratiques. Le souci est que l’Europe donne l’argent de très haut, mais il n’y a pas vraiment de méthode de gouvernance pour effectuer un suivi, ce qui force à mettre des règles arbitraires, comme le fait que les dépenses doivent financer des projets d'investissement, et non des dépenses de fonctionnement. Au final, plutôt que de financer des dépenses de fonctionnement à l'hôpital, on aboutit à financer des jardins partagés dans le cadre d'un plan de relance.

Y-a-t-il un problème plus structurel d’investissement en France que les dépenses du plan de relance viennent illustrer ?

C’est toute la question. Quand on regarde les chiffres macro-économiques, on se rend compte que l’investissement public est relativement élevé en France par rapport à d’autres pays européens comme l’Allemagne, qui a largement désinvesti dans ses infrastructures publiques. En revanche, la France souffre d’une désindustrialisation très importante. Il manque de nombreux investissements industriels qui viennent du privé, mais je ne vois pas comment France Relance va nous permettre de rattraper notre retard de ce point de vue.  

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Ce genre de projets peuvent sembler futiles. Sont-ils les seuls sur lesquels la France peut se mobiliser rapidement ?

Le problème, c’est que l’État s’est largement désengagé de la vie des affaires dans les 40 dernières années. A titre d’exemple, si on veut investir en masse dans le domaine des voitures et des batteries électriques, les leviers de commande et même l’information et la connaissance se situent aujourd'hui dans les entreprises. L’État ne sait donc pas comment faire pour les aider. Il peut leur demander où investir, mais il y a le risque qu’il se retrouve à investir dans des projets que le privé aurait de toute façon financés, ce qui amènerait à un pur effet d'aubaine. Si vous voulez, l’État est dans une situation où il aimerait bien financer des technologies du futur mais il n’est plus aux commandes. Les technologies d’avenir se réalisent dans les fleurons du CAC 40 et l’État ne peut pas agir facilement dans ces domaines là. C’est la raison pour laquelle l’État finance des choses qui peuvent paraître accessoires. 

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