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Footez-nous la paix ! France - Allemagne ça n’est qu’un match !
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Ballon rond

L'équipe de France de football rencontre ce mercredi l'équipe allemande à Brême, pour un match amical de préparation à quelques mois du début de l'Euro. Cessons les analyses politico-sportive de "supermarché" ! Ce n'est que du ballon !

 Santiago

Santiago

Santiago est blogueur.

Il tient la bibliothèque en ligne catallaxia.net et écrit de temps en temps pour le webzine La catallaxine.

 

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On se souvient de la Coupe du Monde 2010 –  terrible balafre dans l’Histoire de ce pays à qui l’on doit les Droits de l’Homme, le fromage et la culture en Afrique –, et on a en mémoire les commentaires grandiloquents des journalistes (et consultants) sportifs, qui, sans doute frustrés d’avoir été recalés au sport alors qu’ils rêvaient de gloser sur les petites phrases, alliances, secrets d’alcôves ou (ô aubaine !) des frasques sexuelles des politiques, se sentaient l’âme d’experts ès-géopolitique à chaque nouvelle rencontre. Vous pensiez que vous assistiez à un match où 22 joueurs doivent insuffler de la magie à un ballon de cuir inerte, poursuivis fidèlement par un arbitre et secondés par leur encadrement respectif, mais pas du tout ! Voilà qu’avec leurs analyses, comme aux vieilles heures du XXe siècle et de ses « chocs des civilisations », lorsque le nazisme sévissait encore et paradait en 1936 ou quand le communisme pouvait toujours faire illusion, le sport (et son plus universel représentant, le football, au premier chef) se voit affublé d’une sorte de « théorie du reflet » – emprunté vaguement (et inconsciemment) à un marxisme de supermarché – voulant que la victoire sur un terrain équivalait à celle d’un système économique, d’une politique, d’une culture…[1]

Afin de ne pas être en reste, puisque c’est toujours amusant de refaire le monde à défaut de savoir faire le match nous-mêmes, allons-y donc nous aussi, à grand coup de « ça prouve que » à la sauce de ses propres fantasmes intellectuels, ou de grandes tartines de « j’y vois » à la confiture de son goût où l’on croque qui du libéralisme, qui du laxisme morale hérité de Mai 68, qui de l’individualisme, qui du fiscalisme, etc., et n’ayons peur de rien  !.

Enjeux économico-politiques du match

Posons tout d’abord que la tension est vive avant le match. Si les français, troquant leur marinière pour un blanc Jeanne d’Arc, partent en outsider au coup d’envoi du match, Nicolas Sarkozy, sans doute agacé d’être toujours dans l’ombre d’Angela Merkel – actuelle arbitre des affaires européennes – aimerait bien lui prouver que la France fait encore partie de la Ligue 1 des nations … du moins jusqu’à ce qu’elle ne rejoigne la Grèce sur le banc de touche, pour tacle dans le dos à la rigueur budgétaire… Du coup, une alliance de circonstance entre France et Grèce, unis dans une même germanophobie passagère, est à prévoir, faisant corps contre la Deutsche Fußballnationalmannschaft et son « idéologie allemande »[2]. La Turquie se rangeant du côté des adversaires de ceux qui reconnaissent[3] le génocide arménien, une Hélène qui se fait enlever par un quelconque Pâris (outragé, brisé, martyrisé mais toujours à libérer !) et c’est reparti pour une bonne guerre homérique, sans le talent d’un Achille mais avec des super Rafales qu’on arrive désormais à exporter[4] ! Chance pour le coq de rattraper le retard accumulé depuis 1871, avec un score actuel de 3-0 ?[5] On a bien des Montebourg qui rêvent de « dé-mondialiser » (retournons à l’Age d’Or du nationalisme guerrier !) et compare la politique de la chancelière avec celle de Bismarck[6]

Peut-être même qu’un nouvel attentat comme celui de Schumacher sur Battiston en 1982[7], suffirait à faire voler en éclat un euro déjà bien malmené. D’ailleurs Merkel n’a même pas demandé pardon pour cette injustice flagrante…

Vieilles recette : la complote de la paume et l’ennemi fédérateur

Sur le terrain, que Franck Ribery – joueur bien inspiré du Bayern de Munich depuis quelques années alors que c’est derrière un micro qu’il brille le plus pour la France (c’est dire…) – marque contre son camp et nous tiendrons probablement une nouvelle affaire Dreyfus[8]. A moins que de traitre, il ne soit que victime. En effet, cela n’a étonné personne que la blonde plantureuse au regard de morue, jument des trois joueurs français qui ont perdu tout leur jus avec elle, ne devienne l’égérie de Karl Lagarfeld ? N’est-ce pas la preuve que ces gens-là, qui viennent nous vendre des voitures de « qualité allemande » avec des clones inquiétants[9] , foulant au pied le « made in France » prônés de-ci de-là durant la campagne présidentielle, ne nous veulent que du mal ? Des musiciens de Brême aux joueuses de flûte de Hamelin, quels traquenards sournois attendent nos héros ? Quels perfides pièges leur dressera-t-on pour qu’ils paument ce match ?

Ne croyez pas à l’amitié entre les peuples, cette petite pommade idéologique de pacifistes efféminés : tout est politique, disait Carl Schmitt. Le foot aussi, et si la politique c’est la distinction « ami / ennemi », alors combattez des ennemis non des adversaires ! Messieurs, faites mentir pour nous ce soir Gary Lineker lorsqu’il disait que « le football se joue à onze contre onze et [qu’]à la fin c'est l'Allemagne qui gagne ». Quand vous rentrerez sur le terrain, vous porterez plus qu’un maillot aux couleurs (à la couleur) de votre pays, c’est une histoire, une culture, un orgueil national que vous avez entre vos pieds et vos jambes. Ils sont des petits teutons (aux casques) pointus, vous avez la Gaule derrière vous ! Montrez-leur que leur civilisation ne vaut pas la nôtre !

(A part ça : les bières sont au frigo, les cacahouètes prêtes, les femmes loin et bon match à tous ! C’est que du foot, les amis !).



[1] Dernier exemple en date : Lizararu qui fait du match PSG – Montpellier, un match libéralisme cosmopolite international » vs club du terroir (Contrepoints, 19/02/2012). Il n’y a pas qu’en sport que l’on peut attribuer une signification dépassant largement le domaine d’origine. Frédéric Mitterand, en voyant derrière la victoire de The Artist aux Oscars, une volonté « de récompenser la politique Hadopi du gouvernement français » (Numerama, 27/02), nous gratifie là d’un numéro de haute voltige !

[2] Celle que dénonçait Marx au XIXème siècle ou celle qu’analysait Louis Dumont en 1991 ? On s’en fiche, tout dans le même panier, l’adversaire n’a pas de visage…

[3] Enfin oui, non, peut-être, on ne sait pas…

[4] Enfin oui, non, peut-être, on ne sait pas…

[5] Evidemment, si on ne compte pas les invasions de terrains par les alliés d’outre-Atlantique et d’outre-Manche…

[6] C’était la Prusse, mais c’est pareil !

[7] C’était la RFA, mais c’est pareil !

[8] Ribery est musulman et pas juif, certes. Mais c’est tellement éculé l’antisémitisme et les fourbes qui empoisonnent les puits qu’un bon coup de barbus, qui nous font manger de la viande halal ne pourra que dépoussiérer nos vieux réflexes…

[9] Star Wars nous avait pourtant donné une bonne leçon d’Histoire, non ?

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