La France 24e en termes d'innovation, loin derrière Hong Kong... Et si on se coupait de nos racines paysannes ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Les innovations françaises qui ont connu le plus grand succès au niveau mondial ne sont ni le TGV, ni la fusée Ariane mais bien l’hypermarché, le club de vacances et le ticket restaurant.
Les innovations françaises qui ont connu le plus grand succès au niveau mondial ne sont ni le TGV, ni la fusée Ariane mais bien l’hypermarché, le club de vacances et le ticket restaurant.
©Reuters

Mauvais élève !

L'Insead a publié pour la seconde année son indice des pays les plus innovants. Alors que la Suisse, la Suède et Singapour constituent le trio de tête de ce classement, la France n'occupe que la 24e place. Une piètre performance qui s'explique avant tout par la volonté des politiques publiques de favoriser l'innovation par la recherche. Une erreur de jugement.

Frédéric Fréry

Frédéric Fréry

Frédéric Fréry est professeur à ESCP Europe où il dirige le European Executive MBA.

Il est membre de l'équipe académique de l'Institut pour l'innovation et la compétitivité I7.

Il est l'auteur de nombreux ouvrages et articles, dont Stratégique, le manuel de stratégie le plus utilisé dans le monde francophone

Site internet : frery.com

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Les déclinologues vont s’en donner à cœur joie : la France est une nouvelle fois reléguée à une place subalterne dans un classement mondial. Il s’agit du Global Innovation Index de l’Insead et de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle. Alors que la Suisse, la Suède et Singapour occupent les trois premières places de ce classement des pays les plus propices à l’innovation, la France y tient un piteux 24rang. Par-delà la blessure narcissique qu’inflige cette publication à notre orgueil national, voilà une occasion de revenir sur quelques idées fausses sur l’innovation, et peut-être de proposer autant de pistes d’amélioration.

Tout d’abord, l’innovation ne doit pas être cantonnée à l’effort de recherche. Innover, ce n’est pas former des chercheurs, financer des laboratoires ni publier des articles scientifiques. Innover, c’est rompre avec l’usage, c’est changer la société, c’est passer à l’acte. On peut être très bon en recherche et médiocre en innovation (comme Xerox, qui a mis au point à peu près tout ce qui compte en informatique dès les années 1970, mais ne l’a pas commercialisé) et au contraire être brillant en innovation sans être un inventeur (comme le montre Apple, qui n’a inventé ni le micro-ordinateur, ni le lecteur MP3, ni le smartphone, ni la tablette). À cet égard, les politiques publiques françaises ont toujours voulu stimuler l’innovation par la recherche. C’est une erreur de jugement : stimuler l’innovation, c’est aussi et surtout encourager la création d’entreprise, l’initiative, voire la contestation des règles établies.

Deuxièmement, on associe trop souvent l’innovation avec la technologie, l’industrie et la science. Ce n’est que partiellement exact. Les innovations françaises qui ont connu le plus grand succès au niveau mondial – et qui ont le plus contribué à notre commerce extérieur – ne sont ni le TGV, ni la fusée Ariane, ni le Rafale, mais bien l’hypermarché, le club de vacances et le ticket restaurant. La France, respectueuse de la noble figure de l’ingénieur et dédaigneuse envers le commerce, n’est pas fière de ses services. Il est symptomatique à cet égard que le gouvernement actuel ait créé un ministère du Redressement productif et non un ministère de l’Innovation lucrative.

Troisièmement, innover ce n’est pas seulement mener de grands travaux, nécessairement coûteux et publics. Le château de Versailles, la Tour Eiffel et le programme électronucléaire flattent la fierté nationale, mais comme le montrent nos voisins allemands, l’innovation c’est aussi améliorer les solutions existantes, progresser par petites touches successives et changer par évolutions plutôt que par révolutions.

Au total, plutôt que de financer à coups de milliards d’euros des initiatives d’excellence et des pôles de compétitivité centrés sur des laboratoires de recherche et des entreprises industrielles, peut-être faudrait-il aussi encourager le capital risque, les modèles économiques originaux, les services inédits et les projets locaux.

La culture française est encore trop liée à ses racines paysannes, où l’accumulation compte plus que l’échange. Les Français sont souvent plus attachés à la préservation des acquis de leur modèle social – certes remarquable – qu’à sa rénovation – certainement inévitable. Ne venons-nous pas d’élire une majorité sur un programme qui, sous couvert de changement, promet le retour au statuquo ? Nous sommes un vieux pays qui aime se sentir au bord du gouffre pour renforcer ses certitudes. Or, tout cela est l’antithèse de l’innovation, qui consiste à contester, à détruire pour reconstruire, à tolérer les déviances et les expérimentations, à condamner l’inertie mais à accepter l’échec, pour peu qu’il fasse progresser l’ingéniosité humaine.

Il y a un siècle, entre 1890 et 1910, la France a été le pays le plus innovant au monde, avec l’automobile, l’avion, le cinéma, les vaccins, mais aussi les grands magasins et le commerce en franchise. Nous devons accepter à présent que la meilleure manière de rendre hommage à ce passé glorieux, c’est de nous tourner résolument vers l’avenir.

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