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Forum pour la paix : les civic tech, ces outils qui pourraient revitaliser nos démocraties malades
©ludovic MARIN / POOL / AFP

Espoir ?

Les "civic tech" pourraient aider nos démocraties à résoudre les problèmes insolubles qui s'offrent à elles.

Axel Dauchez

Axel Dauchez

Axel Dauchez est un homme d'affaires et chef d'entreprise français. Après l'École polytechnique, il étudie l’ethnologie à l’École des hautes études en sciences sociales. Il rejoint successivement Procter & Gamble, Bossard consultants puis Cendant software avant de prendre la présidence de BDDP&Tequila interactive en 1998. Il rejoint Antéfilms, qui a pris le nom, MoonScoop, qu'il dirige, et distribue les aventures animées de SamSam, « le plus petit des grands héros » de Pomme d’Api, magazine du groupe Bayard.
Il devient en janvier 2010 directeur général de Deezer. En septembre 2014, il devient président de Publicis France.
Fin 2016, il quitte Publicis et lance sa startup Make.org une civic tech.
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Atlantico : Quel est le but principal de cette charte ?

Axel Dauchez : L'objectif principal de cette charte est de remettre dans la bonne direction la démocratie dans le monde. C'est donc très ambitieux. Ca part d'une reconnaissance du fait que la démocratie est extrêmement fragile et qu'elle aujourd'hui très challengée. 40% des gens considèrent que ce n'est pas forcément la bonne solution en France. Le modèle démocratique a du mal à être opérant dans nos sociétés actuelles, or c'est celui qui nous protège et permet la souveraineté populaire. Pour ces raisons-là, nous avons initié chez Make.org l'idée selon laquelle le point fondamental qui fragilise la démocratie actuellement, c'est ce sentiment d'impuissance publique. C'est-à-dire ce sentiment qu'elle n'est plus déterminante de l'environnement des gens et que le bulletin de vote ne permet pas de définir fortement notre avenir et l'avenir de nos enfants.

Ce sentiment d'impuissance publique génère deux choses. D'une part un désengagement massif du processus politique, c'est ce qu'on vit depuis 20 ans, où l'on observe une baisse de la confiance dans le processus démocratique. D'autre part, ça laisse la place à des discours extrêmes qui théâtralisent le pouvoir, qui affirment qu'ils vont tout changer. Ca laisse un espace politique très fort aux extrêmes. On le constate dans toutes les grandes dernières élections: l'Italie, les Etats-Unis…

On observe ce phénomène d'élections qui ne sont plus des lieux de réconciliation nationale mais plutôt d'expression d'oppositions extrêmes et qui mènent à des débats très populistes. C'est ça le problème majeur auquel est confrontée la démocratie aujourd'hui

Comment se traduirait cette volonté de façon plus concrète ?

C'est le cœur du problème et la réponse que donne la charte, cette initiative pour la démocratie durable, c'est de dire qu'il faut urgemment réimpliquer les citoyens dans le fonctionnement même des institutions, recréer une appropriation citoyenne sans se limiter simplement au processus électoral.

C'est pour cela qu'il y a de nombreux acteurs qui travaillent sur le sujet: c'est ce qu'on appelle les Civic Tech, des associations, des start-up, des entreprises qui depuis 10 ans essayent d'inventer toutes les manières de mobiliser les citoyens au service de l'intérêt général et de créer des connexions qui dépassent simplement le processus électoral.

Sur ce chemin pour réactiver la démocratie, on a réussi à convaincre des Etats, des villes, qui s'engagent à faire en sorte que leur fonctionnement et leurs institutions s'ouvrent aux citoyens au-delà des élections. C'est l'objet de la première partie de la charte où les Etats s'engagent.

En revanche les Etats disent en même temps : "si on s'ouvre en travaillant avec des gens de la Civic Tech, ils doivent s'engager à respecter un certain nombre de critères". On est sur un sujet extrêmement sensible et on est obligé de fixer des garanties qui font que cette évolution se fasse au service de la souveraineté nationale, en protection des données, en protection des citoyens.

C'est la dernière partie de la charte où les Civic Tech s'engagent à assurer ces critères de compatibilité avec la démocratie.

Comment peut-on mesurer l'efficacité de ces mesures ?

Ce qu'on cherche tous dans cette alliance, c'est qu'on ait un mouvement de réappropriation citoyenne des institutions. Cela se manifestera via le nombre de personnes qui vont, indépendamment des élections, interagir dans la construction de la loi, dans la surveillance citoyenne du parlement, dans de la co-construction de politique publique. Il y a de nombreux volets qui vont permettre que les gens ne regardent pas l'Etat comme quelqu'un qu'ils ont élu et qui doit se débrouiller pour s'en sortir mais de permettre que ce soit les citoyens qui s'impliquent dedans directement. Donc le critère marquant sera le nombre de personnes impliqués durablement dans le fonctionnement de ces institutions.

Demain, nous aurons la signature avec l'accord de la France, de Taïwan, d'une trentaine de Civic Techs, de la Ville de Paris… Nous complèterons cette alliance au cours de l'année en intégrant toutes les CivicTech qui sont prêtes à respecter ces critères-là. L'idée est de construire une nouvelle norme du fonctionnement démocratique.

Nous sommes dans un terrain de jeu qu'on construit. Après dans chacun des pays et dans chacun des thèmes des Civic Tech, il faudra trouver des solutions.

Vous expliquez que votre initiative peut potentiellement faire obstacle à des débats populistes pour protéger la démocratie. Mais si l'on prend des exemples de candidats comme Donald Trump, sa ligne politique n'entre pas en contradiction avec le principe démocratique. En quoi donner plus de contrôle et d'influence aux citoyens bloquerait-il le populisme ?

Les Civic Tech faisant parti de ce processus sont toutes non-partisanes. Il n'y a pas de logique consistant à porter un discours politique, partisan en faveur d'un candidat ou d'un autre. Ce que disent les Civic Tech c'est que le processus des élections n'est plus créateur de réconciliation nationale. Les pays sont de plus en plus divisés dans leur cœur, les Etats-Unis par exemple, et il est donc plus difficile pour les gouvernements de mettre en œuvre ce pour quoi ils ont été élus. Je parle de tous les partis, extrêmes ou pas.

Le principe n'est pas de dire s'il y a des bons ou des mauvais, c'est de dire que compte-tenu du niveau de fragmentation de ces sociétés, il est capital que les citoyens s'engagent eux-mêmes dans le fonctionnement des institutions au-delà du processus électoral. C'est ça le rôle des Civic Tech.

Vous avez l'accord de plusieurs gouvernements. Si l'on part du principe qu'il existe une défiance envers l'ensemble du système politique de la part des citoyens, comment peut-on imaginer que ces mêmes citoyens fassent confiance à des processus validés par ce même système politique ?

Selon nous, l'élément qui est cassé en ce moment, c'est la logique de parti politique, de s'engager avec un candidat auquel on croit. C'est ce qui est challengé par les citoyens et c'est ce qui s'est très affaibli. Nous n'allons pas décréter la confiance des citoyens, nous allons leur donner la possibilité d'avoir un rôle direct sur les choses plutôt que seulement indirect via les processus électoraux.

Ce processus ne sera pas fructueux parce qu'il est mis en place. Il le sera à partir du moment où les gens auront le sentiment de pouvoir agir sur l'intérêt général. Le vrai élément qui manque à nos sociétés aujourd'hui, c'est l'impression qu'on n'arrive plus à agir sur cet intérêt général puisque le processus électoral ne marche pas. L'objectif est de reconstruire par l'expérience et la réalité, pas par le discours, un sentiment de démocratie permanente : le sentiment qu'une petite action a un petit impact mais que tout le monde peut agir sur le monde. 

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