Foot : l'argent fait-il le bonheur ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Les joueurs de Manchester City le 23 mai dernier.
Les joueurs de Manchester City le 23 mai dernier.
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Ballon d'or

C'est le mercato estival et les clubs de football s'affolent pour trouver les bonnes affaires. A cette période de l'année, des sommes extravagantes sont avancées pour dégoter la perle rare du ballon rond. Quel avenir pour le sport le plus populaire du monde à l'heure où les plus grands clubs européens sont criblés de dettes ? L'argent est-il en train de tuer la passion de ce sport ?

Bastien Drut

Bastien Drut

Bastien Drut est docteur en économie et travaille au sein de l'équipe « Stratégie » d'une grande société de gestion.

Il est l'auteur de Economie du football professionnel (Editions La Découverte) et traducteur de Les attaquants les plus chers ne sont pas ceux qui marquent le plus (De Boeck, 2012).

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Atlantico : Suffit-il d’avoir de l’argent pour constituer une bonne équipe de football ?

Bastien Drut : Je ne pense pas que l’argent seul suffise. L’exemple de Manchester City le montre bien. Le cheik Mansour ben Zayed al Nahyan, multimilliardaire d’Abu Dhabi, a injecté des centaines de millions d’euros dans le club mais cela n’a pas suffi pour inquiéter sérieusement Manchester United dans la course au titre, même si d’excellents joueurs ont été recrutés. C’est à peu près la même chose pour le Real de Madrid.

L’achat de grands joueurs a creusé les conflits d’individualité et d’ego. Les sommes considérables investies depuis de nombreuses années n’ont pas permis au club de gagner la Champions League depuis 2002… Le Real n’arrive pas non plus à concurrencer très sérieusement le FC Barcelone en Liga. Il est vrai qu’investir de l’agent permet à l’équipe de considérablement s’améliorer par le biais d’achats de joueurs, mais ce n’est pas une garantie de succès. Il n’y a pas que le recrutement qui compte.

Derrière il faut construire une équipe capable de bien jouer au football collectivement et surtout que le joueurs apprennent à jouer ensemble. C’est ce qui se passe au FC Barcelone, les joueurs se connaissent parfaitement, ils ont des automatismes, une énorme partie de l’équipe a été formée au club. L’argent permet de bâtir des équipes mais n’apporte pas tout.

L’investissement dans les centres de formation est très important. C’est une stratégie d’investissement sur le long terme. Les clubs ont compris que cela permet tout d’abord de former les futurs joueurs de l’équipe première mais aussi de pouvoir gagner de l’argent par la suite. Les dépenses relatives à la formation d’un joueur sont effectivement beaucoup plus modestes que le gain potentiel que l’on peut faire en le revendant sur le marché des transferts. Dans le cas des clubs à déficits chroniques, l’importance des centres de formation va être renforcée par la mise en place du fair-play financier puisqu’ils ne pourront plus dépenser autant sur le marché des transferts. Disposer d’un centre de formation performant sera encore plus un atout dans le futur qu’aujourd’hui.

Le fair-play financier de Michel Platini va-t-il marcher et les clubs vont-ils le respecter ?

Ils vont bien évidemment le respecter puisqu’ils ne pourront pas faire autrement. L’UEFA est vraiment déterminée à sanctionner les clubs qui ne le respecteront pas. Les clubs ont compris le message. C’est en partie pour cela que nous pouvons observer un léger freinage sur le montant des indemnités de transfert et sur les salaires cette année.

Tous les grands clubs commencent à faire attention à la masse salariale : la tendance est à la baisse ici et là. A Marseille, par exemple, Jean-Claude Dassier s’est officiellement fait licencier car il a laissé filer les dépenses. Cette année, sauf surprise, le record d’indemnités de transfert ne devrait pas être battu. Le fair-play financier permettra de limiter l’endettement des clubs en Europe. Ils ne pourront plus dépenser plus que ce qu’ils gagnent. Toutefois, il existera toujours une tolérance si les actionnaires sont prêts à réinvestir de l’argent dans les clubs : les deux premières années, les clubs pourront dépenser 45 millions d’euros de plus que leurs recettes si l’actionnaire comble le trou.

En revanche, il est complètement illusoire de penser que le fair-play financier permettra de rééquilibrer le football européen et que des clubs belges, hollandais ou danois pourront de nouveau se qualifier pour les quarts ou les demi- finales de la Ligue des Champions comme c’était le cas il y a 20 ans... Les différentiels de revenus ne disparaitront pas dans le football européen.

N’est-ce pas de l’hypocrisie quand de nombreuses rumeurs circulent sur la corruption à la FIFA, notamment sur l’attribution de la Coupe du Monde en Russie et au Qatar ?

Pour la FIFA, les  suspicions de corruption sont très fortes... Attendons d’en savoir plus… Lorsque les institutions sont corrompues, c’est évidemment le pouvoir de l’argent qui gagne. En revanche, il faut, sur ce sujet, souligner les efforts de l’UEFA qui est très impliquée dans la lutte contre la corruption. Les contrôles sont de plus en plus nombreux : l’UEFA a à sa disposition des outils pour essayer de détecter les matchs truqués. Et elle engage de plus en plus d’enquêtes sur les matchs en question.

Que pensez-vous de ces milliardaires qui rachètent des clubs, notamment les qataris qui viennent de racheter 70 % du PSG ?

Ils n’ont pas tous les mêmes motivations. Ils rompent avec le schéma traditionnel. Lorsqu’une personne rachète ou investit dans une entreprise, c’est qu’elle espère en tirer une rentabilité financière à terme. Ce n’est pas le cas dans le football. Ces milliardaires n’investissent pas dans un club pour gagner de l’argent : au contraire, ils viennent pour en perdre. Il existe plusieurs motivations. Tout d’abord, acheter un club puis le gérer est pour certains d’entre eux un loisir, voire un amusement…

D’autres sont à la recherche d’une acceptation sociale après avoir été la cible d’enquêtes sur des scandales financiers. Ils rachètent des clubs pour redorer leur blason. On peut penser à Thaksin Shinawatra, ancien premier ministre thailandais condamné pour conflits d’intérêts, ou à Mohamed Al-Fayed, au cœur d’un scandale avant de racheter le club de Fulham. On peut aussi évoquer Ahsan Ali Syed, milliardaire indien recherché en Australie pour une fraude de 72 millions d’euros,  qui a acheté le club espagnol de Santander. Enfin, il existe une autre catégorie, celle des milliardaires qui cherchent la notoriété. C’est le cas du Qatar qui veut se repositionner à long-terme (tourisme, éducation, santé, activités sportives) pour négocier la période après-pétrole.

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