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Fonction publique : l'arithmétique est-elle libérale ?
©Flickr/Patricia M

Ce gâchis...

En rémunérant sa fonction publique bien plus que ne le font d'autres pays européens, comme le Royaume-Uni, la France se prive notamment des moyens de retrouver sa crédibilité militaire.

Drieu Godefridi

Drieu Godefridi

Drieu Godefridi est docteur en philosophie (Sorbonne), juriste, et dirigeant d'entreprise. Il est notamment l'auteur de Le GIEC est mort, vive la science ! (Texquis, 2010), La réalité augmentée (Texquis, 2011) et De la violence de genre à la négation du droit (Texquis, 2013).

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C'est un travers français de se figurer que l'on a inventé une chose, parce que l'on a inventé un mot.

Ainsi les intellectuels qui dénoncent "le modèle libéral-libertaire" censé dominer la société française, s'inscrivent-ils fidèlement dans la continuité d'un anti-libéralisme qui, sous divers oripeaux, structure depuis un siècle la pensée hexagonale. Ce n'est pas sans motif que Jean-François Revel voyait dans l'anti-libéralisme le ciment de l'idéologie française. Toute velléité de considérer de façon critique la fonction publique est immédiatement disqualifiée comme libérale.

Toutefois, la France peut-elle se permettre de jouer plus longtemps sur les mots ? Tentons de regarder sous les étiquettes.

Pour rémunérer sa fonction publique, la France dépense chaque année 44 milliards d'euros de plus que le Royaume-Uni, dont le PIB est pourtant supérieur au sien (Cour des comptes et Office for National Statistics, "Public Sector Employment"). Les fonctionnaires français sont plus nombreux, mieux rémunérés que leurs collègues britanniques ou allemands, et bénéficient d'un "statut" qui leur garantit l'emploi à vie. Cette soustraction systématique du fonctionnaire français au droit commun institue la fonction publique en caste tenant à la fois du privilège légal d'Ancien Régime, et de la corporation médiévale. Quarante-quatre milliards, pour donner un ordre de grandeur, représentent l'équivalent de quatorze porte-avions de type Charles-de-Gaulle, neufs, chaque année. Le PIB de la Tunisie.

Quand des intellectuels de droite tels que Jean-Claude Michéa (Essai sur la civilisation libérale), s'alarment par exemple de la privatisation rampante de l'Education nationale, ils font l'impasse sur le réel. L'Ecole française, ce sont des savoirs intégralement validés par l'Etat et dispensés par un million de fonctionnaires, soit l'enseignement le plus parfaitement étatisé de l'histoire de France.

Certes, le monde qui s'offre à nous dans son infini chatoiement ne se réduit pas à des additions. Jamais le mystère de l'Etat ne se laissera disperser par de sordides calculs d'apothicaire et des méthodes d'épicier. Mais il paraît tout de même malaisé de rendre compte du phénomène "Etat" en ne tenant aucun compte ni de ses dépenses, ni de ses rentrées.

D'ici, deux options sont envisageables. Soit l'on peut considérer que, seule dans son genre — sui generis, comme l'on disait en droit romain — la France transcendera ces réalités arithmétiques, dont elle est dispensée de tenir compte.

On n'aperçoit toutefois pas l'ébauche d'une pensée ou théorie qui en soutiendrait la possibilité réelle, si ce n'est en convoquant d'autres mots, tels que souveraineté, "gaullisme social", etc. Des concepts dont la généalogie politique et intellectuelle est éminente, mais qui, s'agissant du problème qui nous occupe, ne signifient rien. Le dernier artifice en date consiste à déplorer "l'austérité" ­­— un mal dont les gouvernements français successifs se sont pourtant soigneusement gardés. Depuis que M. Giscard d'Estaing avait considéré que le socialisme commence à 40% (en PIB) de prélèvements obligatoires, avant de les y mener, les dépenses publiques ont crû de près de 50%, pour atteindre 57% du PIB, record absolu de la dépense publique occidentale. Ainsi la France entre-t-elle dans un pré-communisme de fait, tout en étant convaincue par ses penseurs qu'elle se débat dans les rets du "modèle libéral".

Plus modeste, l'autre option est de constater que le pays ne retrouvera des marges de manœuvre qu'à la condition de ramener sa fonction publique — statut et masse — dans le périmètre du droit commun. Il n'y a là aucune "violence". Se gargariser de la grandeur de la France en refusant de prendre en compte l'écorniflage du corps social par fonction publique est une contradiction performative.

Songeons qu'en réduisant ne serait-ce que son surplus de dépense en personnel administratif par rapport à ses voisins, la France retrouverait instantanément — dès la première année — les moyens de se doter d'une crédibilité militaire dont elle n'a plus bénéficié depuis Bonaparte, tout en laissant 20 milliards de plus — chaque année — dans la trésorerie de ses citoyens et entreprises.

Cette perspective n'est-elle pas de nature à réconcilier le plus romantique des "souverainistes" avec l'arithmétique ?

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