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FN dans le bassin minier du Pas-de-Calais, France insoumise en Seine-Saint-Denis : à chacun son opposition… mais pourquoi ?
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Ex fan des gauchies

Beaucoup de députés FN ont été élus dans le bassin minier, territoire historiquement communiste mais occupé par le PS depuis les années 80. En Seine st Denis, c’est la France Insoumise qui prend des circonscriptions au PS ou le parti avait fait une véritable razzia en obtenant neuf sièges sur douze dans le département. Un choix d'opposition qui ne se traduit pas de la même manière et qui trouve son explication dans la composition différente de la population des deux territoires.

Atlantico : Comment expliquer cette différence de changement dans ces deux régions ? Comment des anciennes terres PS ont tous les deux changé de parti, l’un avec le FN, l’autre avec la France Insoumise ?

Laurent Chalard : Suite à l’effondrement, à l’échelle nationale, du parti communiste à partir des années 1980, ces terres de gauche se sont progressivement (ou définitivement) tournées vers le parti socialiste, le seul grand parti politique incarnant la gauche dans un monde post-guerre froide. Cependant, après plusieurs décennies de gestion socialiste, la situation socio-économique des résidents de ces territoires ne s’est guère améliorée, voire à empirer, dans un contexte de corruption et de clientélisme généralisés. En conséquence, il s’est produit un rejet massif d’un parti socialiste, perçu comme « traître » aux intérêts du peuple, ne paraissant défendre que les intérêts des « bobos » des grandes métropoles et non celui des « petites gens », et semblant dans une incapacité totale à contrecarrer le processus de désindustrialisation.

Cependant, le choix des électeurs ne s’est pas traduit de la même manière dans les deux territoires, pour la simple raison que leur composition ethnique est différente. En effet, en 2017, le parti anti-establishment par excellence est le Front National, dont le discours s’adresse uniquement à une partie des classes populaires, en l’occurrence celles d’origine européenne, que ce parti oppose aux classes populaires issues de l’immigration extra-européenne qu’il accuse de tous les maux. En conséquence, si le Front National est logiquement plébiscité dans un bassin minier très largement à peuplement d’origine européenne, il est, par contre, difficile pour les habitants de Seine-Saint-Denis, dont une part non négligeable ont des ancêtres extra-européens, de s’y retrouver dans son discours, préférant logiquement le discours de la France insoumise, qui fait abstraction de l’origine ethnique des individus, tout en adoptant un discours plus « moderne » que celui du parti communiste, dont il demeurecependant le successeur sur le plan idéologique.

Comment expliquer que le discours d'En Marche n'est pas percé dans ces régions ?

Le parti En Marche est perçu, par une large partie des classes populaires, comme un mouvement de catégories sociales supérieures, certes en opposition des establishments politiques préexistants, mais, qui par leur situation sociale, ne peuvent comprendre et répondre aux aspirations des classes populaires. Pour ces dernières, Emmanuel Macron reste, avant tout, un ancien banquier favorable au libéralisme économique et à la mondialisation, dont elles se considèrent comme les grandes perdantes. Les classes populaires ne trouvent donc aucun intérêt à voter pour un parti qui affirme vouloir accentuer les politiques libérales, dont elles subissent les conséquences négatives depuis plusieurs décennies.En outre, comme elles souhaitent un changement de cap total sur le plan économique, le positionnement « centriste » ne répond pas à leurs attentes, préférant les « solutions radicales » proposées par les extrêmes, de gauche ou de droite selon la plus ou moins grande importance accordée à la question culturelle.

Dans quelle mesure ces résultats peuvent-ils faire l'objet d'une remise en cause de la mondialisation, dont ces populations se perçoivent comme les grandes perdantes ? Pourquoi ?

Lorsque l’on vote pour des partis extrémistes, cela sous-entend qu’on est très insatisfait de sa vie quotidienne et de la manière dont le pays dans lequel on réside évolue.  Or, la plupart des grandes évolutions économiques et sociétales, qu’a connues la France ces trente dernières années, sont une conséquence d’un processus global, que l’on dénomme « mondialisation », qui a conduit à l’ouverture des frontières.Le rejet de ces évolutions reflète donc, indirectement, le rejet du processus qui en est à l’origine, la mondialisation, qui se caractérise par son caractère profondément inégalitaire, opposant des gagnants, minoritaires, à des perdants, majoritaires. Il n’apparaît consécutivement guère surprenant que les perdants, qui subissent le chômage et la précarité de masse ou voient leurs enfants déclassés, expriment un mécontentement par rapport à une situation antérieure d’Etat-Providence triomphant, qui assurait à tout un chacun un emploi et offrait des perspectives d’ascension sociale certaines. En prenant du recul, il relève presque du miracle que ces populations n’aient, jusqu’ici, pas manifesté de manière plus vindicative leur mécontentement, acceptant leur sort sans combattre. Tant que les élites n’auront pas trouvé de remèdes aux dérives inégalitaires du modèle économique dominant, les classes populaires resteront un danger potentiel, pouvant être tentées par des aventures extrémistes, à caractère révolutionnaire ou nihiliste.

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