FMI, OCDE, OMC, OIT : le poids économique de la France lui permet-il encore de se faire entendre dans les instances internationales ?<!-- --> | Atlantico.fr
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De quel poids notre pays dispose-t-il encore auprès des grandes institutions internationales ?
De quel poids notre pays dispose-t-il encore auprès des grandes institutions internationales ?
©Flickr

Bon pied, bon œil

Les organisations internationales siégeant au G20 sont reçues ce vendredi par François Hollande. Contrairement à ce que l'on pourrait penser au vu de la conjoncture et de la montée en puissance des économies émergentes, la France reste bel et bien la cinquième puissance mondiale, et donc un interlocuteur incontournable.

Sylvie Matelly

Sylvie Matelly

Sylvie Matelly est Docteur en sciences économiques et directrice-adjointe de recherche à l'IRIS, spécialiste des questions d'économie internationale et d'économie de la Défense. 

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Atlantico : François Hollande reçoit ce vendredi 8 novembre les dirigeants des grandes institutions économiques du monde : FMI, Banque mondiale, Organisations internationales du Travail et du Commerce et OCDE. Quels sont les enjeux d’une telle rencontre ? Compte tenu de la situation économique de la France qui n’est pas reluisante, de quel poids notre pays dispose-t-il encore auprès de ces grandes institutions internationales ?

Sylvie Matelly : Sur la question des enjeux, il est clair que ce genre de rencontre relève essentiellement de la diplomatie économique puisque les décisions qui sont prises par ces grandes organisations le sont autour des "grand-messes ou dans le cadre du travail régulier des représentants politiques et économiques.Quant à la question de notre poids, il faut comprendre que le poids des pays dans ces institutions n’est pas directement lié à la conjoncture économique immédiate mais au poids global de d'une économie sur une durée donnée, et celle de la France reste la cinquième au monde. Ainsi, aussi surprenant que cela puisse paraîtrela France a plus de poids au FMI que n’en a la Chine, au critère que l’organisation a été créée en 1944 et que la France y était représentée en fonction d’un PIB bien plus fort que celui de la Chine à l’époque. La France dispose ainsi de 4,5 % des droits de vote, là où la Chine n’en a que 3,9, et reste ainsi le quatrième pays le plus important auprès du Fonds monétaire internationale.

C'est là que se trouve l’un des grands paradoxes de ces organisations. Tout l’enjeu des réformes qui y sont en cours est de réviser le poids des pays pour que chacun y soit représenté à sa juste valeur mais cela s’avère extrêmement complexe. Le bénéfice reste donc aux vieilles puissances, dont fait partie la France. La réforme du FMI par exemple est totalement en panne, malgré la pression des pays émergents qui jugent légitime d’y prendre une place plus importante.

Autre élément, dans certaines institutions comme l’OMC, la France est représentée par le biais de l’Union européenne, ce qui dans une certaine mesure peut être considéré comme réduisant notre influence puisque nous ne sommes représentés en tant que "la France".

L’Union européenne agit-elle justement comme un amplificateur de la voix française ou au contraire comme une sourdine ? La France y dispose-t-elle d’un pouvoir de nuisance qui l’y rend incontournable ?

Cela dépend évidemment des organisations, mais à l’Organisation mondiale du commerce, que j’évoquais précédemment, les choses sont assez surprenantes et très avantageuses. En effet, chaque pays y dispose d’une voix : les pays de l’Union en ont donc 27 en tout… plus une pour l’Union européenne elle-même, sachant que c’est elle qui négocie pour l'ensemble des pays, puisqu’ils ont une politique commerciale commune. Soit un total de 28 voix là où les États-Unis et la Chine n’en ont qu’une chacun. Ainsi, indiscutablement dans ce cas-là, l’appartenance à l’Union européenne n’est pas négligeable.

Notre statut d’économie développée et de marché potentiel nous donne-t-il encore l’avantage sur les économies émergentes qui, si elles sont puissantes, ne peuvent pas compter sur leurs marchés intérieurs ?

On peut contester la pertinence du PIB comme base des classements économiques, mais quoi qu’on en dise, les pays émergents, en dehors des BRICS, ont du mal à se faire respecter de ce point de vue-là. Donc, entre d’une part l’économie de ces pays, et d’autre part les règles inscrites dans le marbre des organisations internationales, pour l’instant les économies dites "avancées" conservent une forme de primat. Par ailleurs, ces économies ont pour elles, comme vous l’évoquiez pour la France, le fait de posséder, c’est-à-dire d’être, d’importants marchés, alors que les BRICS, malgré leur potentiel énorme souffrent encore de la faiblesse de leurs marchés intérieurs. Cela finira par changer, bien sûr, mais pour l’instant il faut bien composer avec les économies avancées, tant nous représentons une part colossale de la consommation.

Au-delà des organisations et de ces règles "gravées dans le marbre", l’état de son économie fait-il encore de la France concrètement un poids lourd dans une négociation commerciale ?

La force des économies occidentales, et donc de l’économie française, dans la négociation est d’être des économies diversifiées. C’est une économie de l’offre et de la demande, de l’offre et de la production, de consommation et de marchés. Cela permet donc de faire des concessions sur certains points au profit d’autres. A l’inverse, la particularité des pays émergents et des économies en développement est d’être peu diversifiés. Cela conduit donc, par cette défense d’un intérêt très spécifique, à un manque de souplesse dans la négociation et donc à des marges de manœuvres réduites.

La présence de nombreux Français, notamment madame Lagarde au FMI, dans ces organisations ajoute-t-elle à notre influence, ou celles-ci sont-elles totalement hermétiques aux différents nationalismes ?

C’est un véritable débat que celui de l’influence ou pas de la nationalité du dirigeant d’une grande organisation internationale. Certains pays comme la France, la Grande-Bretagne ou les États-Unis ont développé une véritable culture qui consiste à placer leurs ressortissants à la tête de ces dernières mais le résultat est discutable. A l’inverse, certains pays comme la Suède ou les Pays-Bas ne jouent pas ce jeu-là et préfèrent y avoir de nombreux fonctionnaires à des niveaux intermédiaires. Il y a donc deux écoles sur la façon d’influencer ces organisations, ce qui mène à un recrutement extrêmement attentif afin de répartir le pouvoir en leur sein.

Propos recueillis par Jean-Baptiste Bonaventure

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