Fin de vie : le témoignage de ceux qui forment les soignants à l’accompagnement des patients en phase terminale<!-- --> | Atlantico.fr
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Le personnel soignant n'est pas suffisamment formé.
Le personnel soignant n'est pas suffisamment formé.
©Reuters

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Alors qu'un nouveau texte sur l'accompagnement des patients en fin de vie doit être présenté au Parlement, plusieurs lacunes et défaillances sapent pourtant déjà les dispositions actuelles. Parmi elles, la formation des personnels soignant en la matière qui, bien qu'ils soient confrontés tous les jours à cette situation, ne sont que 20% à avoir été suffisamment préparés. Et les patients, dont la prise en charge n'est pas adéquate, en sont les victimes finales.

Vincent Morel

Vincent Morel

Vincent Morel est président de la SFAP (Société Française d'Accompagnement et de Soins Palliatifs).

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Atlantico : Comment la formation des personnels soignants sur le thème de l'accompagnement des patients en fin de vie, et sur les enjeux des soins palliatifs s'organise-t-elle aujourd'hui ?

Vincent Morel : Il existe deux types de formations pour les professionnels de santé. La formation initiale, pour les jeunes étudiants et qui a pour vocation d'enseigner l'accompagnement à la fin de vie tout le personnel médical (aides-soignants, personnel infirmer, médecins), et la formation continue qui enseigne aux autres qui n’ont pas toujours entendu parler des soins palliatifs ou de la prise en charge de la douleur. Ces formations comprennent principalement des cours théoriques, bien que les apprenants fassent également des stages pour être en contact avec des personnes en fin de vie, et mettre en œuvre ce qu’ils ont appris dans la théorie.

Enfin, les bénévoles, qui sont assez présents (environ 200 associations en France). Interviennent préférentiellement dans les structures spécialisées de soins palliatifs. Ils sont en lien direct avec les familles et accompagnent "autour des soins", ce qui permet de faire "sortir" le patient de sa sphère médicalisée. Ces bénévoles en revanche ont une formation relativement solide au regard de leurs missions, avec une formation théorique approfondie, de la psychologie des malades à la distance adéquate qu'il faut observer avec eux. Cette formations se poursuit et se finalise avec une période de stage, où le futur bénévole est en binôme pendant plusieurs mois.

Quels sont les autres déficiences que vous constatez sur la formation de l'accompagnement à la fin de vie ?

Une des difficultés principales réside dans le fait que le nombre d'heures de formation n'est certainement pas proportionnel aux situations auxquels iles personnels de santé son confrontés, et ce tout au long de leur carrière. Par exemple, on peut considérer qu’un étudiant en médecine recevra une dizaine d'heures de cours sur l'accompagnement en fin de vie, ce qui ne représente qu'une seule heure de cours par an...

Un deuxième problème structurel tient sa source du manque de moyens. Il n’y a en France que 5 professeurs associés de médecine palliative, et ce pour toutes les universités. En comparaison, dans la plupart des facultés de médecine, il y en a autant mais pour une seule spécialité...

A quelles situations problématiques cela peut-il amener ?

Il y a donc à la fois une déficience technique dans la prise en charge de la douleur, mais aussi –du fait de cette lacune de formation- un fantasme, une crainte du soin palliatif chez les médecins, si bien qu’ils sont très souvent mis en œuvre beaucoup trop tardivement. Une formation solide permettrait au contraire d’apprendre aux personnels de santé de faire les justes soins, pour que le patient ne souffre pas de difficultés respiratoires par exemple, que l’on puisse évoquer avec lui des problèmes psychologiques etc. Et également que l’on mette en œuvre les soins palliatifs plus précocement. Ce dernier point est important car on a pu démontrer que plus les soins palliatifs étaient pratiqués tôt, et meilleure était la prise en charge.

Les malades sont les premiers à en pâtir. Ils continuent à avoir mal, à angoisser, des malades chez qui on n’aura pas anticipé des problèmes sociaux et familiaux, et qui dans les cas extrêmes en arrivent à demander l'euthanasie. Car lorsqu'un malade a des douleurs tous les jours et des idées noires, ne verra aucune autre issue que l’euthanasie.

En quoi le législateur devra-t-il prendre soin sur les nouvelles dispositions à venir ? Et quels en sont les enjeux éthiques ?

Les Français ont exprimés trois inquiétudes. La peur de ne pas être écouté en cas d’acharnement thérapeutique, la peur d’être mal accompagné, et la peur de souffrir. J’espère que ce texte permettra d’apporter des raisons concrètes à ces questions. Mais je crois qu'il est important de considérer que la sédation en phase terminale est déjà en soi une bonne pratique, qui vise à soulager un malade lorsqu’il est en lorsque celui-ci souffre d'un symptôme réfractaire. On l’endormira avec son accord, et le décès surviendra dans les deux jours, alors même qu'elle serait survenue dans un délai équivalent mais dans la souffrance. Ce qu’il est important d’envisager c’est que le but de la sédation n’est pas de provoquer la mort, mais bien de soulager un patient.

La sédation en phase terminale n'est-elle pas justement l'antithèse de l'accompagnement ? Quelle est la compatibilité d'un tel procédé du point de vue de la culture médicale actuelle, très portée sur le curatif ?

En tant que médecin, je ne pense pas qu’il y ait d’ambiguïté. La médecine est là pour soulager en acceptant qu’un certain nombre de traitements puisse avoir un impact sur le temps qu’il reste à vivre, c’est ce que l’on appelle le principe du double effet.

Mais la médecine n’est pas là pour provoquer ou accélérer le décès. Elle n’est pas l’antithèse de l’accompagnement. L’antithèse serait de provoquer la sédation dans le but de provoquer le décès, c’est-à-dire une euthanasie déguisée. Or il s'agit, avec la sédation en phase terminale, de soulager les souffrances.

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