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Féminisme et lutte contre les violences sexuelles : le naufrage de Caroline de Haas
©AFP

Contre-productif

Caroline de Haas s'en est prise à l'Etat, qu'elle considère complice des violences faites aux femmes.

Peggy Sastre

Peggy Sastre

Peggy Sastre est écrivaine et traductrice. Elle est l'auteure de "Ex Utero : pour en finir avec le féminisme" et de "La domination masculine n'existe pas".

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​Atlantico : En déclarant "On est dans une méconnaissance de l'ampleur des violences. L'Etat est complice, de fait, de ces crimes de masse que sont les viols, parce que l'on sait comment faire pour les arrêter et on ne le fait pas. On ne met pas les moyens sur la table" ; la militante féministe et ancienne conseillère du ministre des droits des femmes, Caroline de Haas, a suscité la polémique ce 13 février. Si la société être pointée du doigt, comment comprendre une telle mise en cause de l'Etat ?

Peggy Sastre : Je suis affligée par la stratégie rhétorique choisie par Caroline de Haas, car elle consiste à tordre le réel pour le faire rentrer coûte que coûte dans son cadre militant. Ces derniers temps, je me dis souvent que certaines féministes semblent autant accro aux fake news que Donald Trump. En France, le viol n'est pas un phénomène de masse : l'enquête Virage de l'Ined de 2015 statue que 3,26 % des femmes ont subi un viol dans leur vie et 2,5% une tentative de viol (les chiffres pour les hommes sont respectivement de 0,47% et 0,46%). Si on prend l'ensemble des violences sexuelles – hors harcèlement et exhibitionnisme) le pourcentage monte à 14,47% des femmes et 3,94% des hommes. Ce sont des chiffres conséquents, le viol est un crime atroce qui doit être combattu et sa prévalence doit encore diminuer, mais parler de phénomène de masse est erroné – ou alors, qu'en est-il du Congo où se sont environ 25% des femmes qui déclarent avoir été violées et jusqu'à 50% dans certaines régions et classes d'âge ? J'ai le sentiment que le sens de la mesure a été oublié depuis longtemps par Madame de Haas, avec le sens des mots et celui de la réalité. Le problème, lorsque vous essayez de mettre en œuvre des mesures qui ne sont pas fondées sur des faits, c'est qu'elles ne marcheront pas, et donc vous devrez en passer un jour ou l'autre par l'autoritarisme. Aujourd'hui, nous en sommes encore au stade de l'autoritarisme mou, avec notamment un empoisonnement du débat avec ce genre d'hypertrophies sémantiques et/ou de déformation pure et simple du réel – comme lorsque Laurence Rossignol prétend qu'en défendant Hulot, le gouvernement laisse entendre que les victimes d'agressions sexuelles mentent. C'est tout simplement de l'agit-prop : de la propagande pour échauffer les esprits.

Caroline de Haas poursuit en déclarant : "la justice, les commissariats, les gendarmeries, les hôpitaux ne font pas leur travail en France, en matière de violences sexistes et sexuelles". En quoi une telle accusation envers les services de l'Etat peut elle permettre d'apporter une solution aux problèmes exposés ? 

Je ne sais pas, je n'en vois aucune et je me demande depuis quand Caroline de Haas n'a pas mis le nez dans un commissariat, un hôpital ou – encore mieux – n'a pas consulté d'étude sur la prise en charge des victimes de violences sexuelles par ces services d’État. Et je parle d'étude indépendante, pas un vague rapport produit par et pour des associations féministes qui s'en serviront pour gonfler leurs demandes de subventions auprès du même État qu'elles accusent de ne pas "faire son travail".

Au delà de la dénonciation, et afin de servir au mieux la lutte contre les violences sexuelles, quelles seraient les actions efficaces à envisager ? 

Commencer par mieux les connaître et cesser avec des incantations contre-factuelles comme l'idée que nous vivrions dans une "culture du viol" où les violences sexuelles surviendraient selon un "continuum" "systémique" allant du regard libidineux au viol avec actes de barbarie. Et en plus d'être contre-factuelle, cette nouvelle liturgie féministe est contre-productive, car en mettant dans le même sac des délits, des crimes et des "comportements déplacés", on ne fait peur au final qu'aux types un peu lourdauds, mais pas aux vrais prédateurs, qui sauront toujours s'adapter en s'attaquant à des proies encore plus fragiles et à la "crédibilité" encore plus contestable qu'avant.

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