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La Cour suprême des Etats-Unis avait déclaré en 1971 que "la liberté d’expression est un remède puissant dans une société aussi diverse et nombreuse que la nôtre".
La Cour suprême des Etats-Unis avait déclaré en 1971 que "la liberté d’expression est un remède puissant dans une société aussi diverse et nombreuse que la nôtre".
©DR

Loi du 29 juillet 1881

Twitter a affirmé mardi ne pas pouvoir communiquer l'identité des auteurs de tweets racistes ou antisémites sans le feu vert de la justice américaine. L'Union des étudiants juifs de France affronte le réseau social devant les tribunaux suite à l'affaire des tweets racistes #UnBonJuif.

Antoine Chéron

Antoine Chéron

Antoine Chéron est avocat spécialisé en propriété intellectuelle et NTIC, fondateur du cabinet ACBM.

Son site : www.acbm-avocats.com

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Les réseaux sociaux ne constituent pas une zone de non droit où les internautes pourraient impunément adopter des comportements que la loi regarde comme répréhensibles. La preuve en est que des internautes sont régulièrement condamnés par les tribunaux pour des propos diffamatoires ou injurieux tenus sur les réseaux sociaux tels que Facebook.

Les propos échangés sur Twitter ou Facebook sont en effet considérés comme relevant de la sphère publique, ce qui permet de leur appliquer la réglementation de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Cette interprétation peut être appliquée à tous les "nouveaux médias" dont l’objet est de mettre à la disposition du public internaute des outils de communication permettant de diffuser en ligne des messages en direction des autres internautes.

Or, il est constamment rappelé par les plus hautes juridictions, nationales aussi bien qu’internationales, l’importance que revêt la liberté d’exprimer sans entraves ses pensées dans une société démocratique. D’ailleurs, la loi sur la presse de 1881 a pour philosophie de protéger les écrits des journalistes, c’est-à-dire de défendre la liberté d’expression. Cette volonté de réserver à la liberté d’expression une protection très large est partagée par les grandes démocraties. La Cour suprême des Etats-Unis avait déclaré en 1971 que "la liberté d’expression est un remède puissant dans une société aussi diverse et nombreuse que la nôtre".

Il n’est pas utile de rappeler les nombreux textes nationaux et internationaux qui posent la liberté d’expression comme un principe fondamental et selon lequel les autres libertés n’auraient pas de consistance. Le législateur français lui-même s’interdit de manière quasi-religieuse de poser des cadres strictes à la liberté de communication sur Internet. Ainsi, le rapport d’information sur la neutralité d’internet déposé le 13 avril 2011 par un groupe de députés met-il en évidence le rôle fondamental que joue aujourd’hui Internet pour la liberté de communication et la croissance économique. Aussi avertit-il que "les pressions pour instaurer des mesures de blocage mettent en danger sa neutralité".

Dès lors, confrontées à une telle protection de la liberté d’expression, on peut facilement comprendre que les autorités publiques n’ont pas toutes la liberté qu’elles souhaiteraient avoir pour réguler et encadrer les libertés des internautes sur les réseaux sociaux. Devant les dérives actuelles sur le site Twitter, théâtre de propos antisémites, la ministre Najat Vallaud-Belkacem, ne peut qu’inviter, sans autres marges de manœuvres, les responsables de Twitter à plus de respect des lois prohibant les propos injurieux et racistes. Il est certains par ailleurs que les victimes des propos racistes à l’œuvre sur Twitter appellent au contraire la mise en place d’une législation pour imposer à Twitter de censurer de manière efficace et définitive les comportements marginaux.

Imposer un cadre légal aux différents sites de réseaux sociaux ne serait pas efficace selon certains, mieux vaudrait encourager une autorégulation par les sites eux-mêmes, à ce titre Emmanuel Derieux parle d’un encadrement "éthico-juridique" de leurs usages. En bref, cela serait contre-productif et en désharmonie avec les différentes décisions de justice dont celles de la Cour de justice de l’Union européenne. A titre d’exemple, la CJUE a jugé le 24 novembre 2011, que l’injonction, qui serait adressée, par le juge, de mettre en place un système de filtrage général des contenus rendus accessibles par son intermédiaire, menacerait notamment de "porter atteinte à la liberté d’information puisque ce système risquerait de ne pas distinguer suffisamment entre un contenu illicite et un contenu licite.

Finalement, que ce soit au niveau des Etats ou au niveau des instances internationales, on retrouve la même volonté de privilégier la liberté d’expression. Cela n’est pas surprenant tant l’assise constitutionnelle de celle-ci est bien affirmée. Un cadre législatif destiné à limiter la liberté d’expression sur les réseaux sociaux serait davantage chaotique qu’utile à sanctionner les comportements marginaux. Mieux vaudrait donc laisser les tribunaux intervenir au cas par cas pour résoudre les litiges qui se présentent.

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