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Exposition de l'ESCP Europe à la Villa Belleville : avec Sylvain Bureau, nos futurs entrepreneurs sont à bonne école
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Apprentis créateurs

La Chaire Entrepreneuriat d'ESCP Europe a vocation à questionner le modèle des grandes écoles de commerce pour mieux répondre aux défis posés par les crises économiques, sociales, écologiques... Jeudi 15 septembre au soir, les étudiants de Sylvain Bureau exposent une partie de leur travail à la Villa Belleville, dans le 20eme arrondissement de Paris.

Sylvain Bureau

Sylvain Bureau

Sylvain Bureau est Professeur Associé et Directeur de la Chaire Entrepreneuriat d’ESCP-Europe. Normalien agrégé en économie et docteur de l’Ecole Polytechnique, il s’intéresse aux pratiques du don dans les sociétés capitalistes, à la dimension subversive des activités entrepreneuriales ainsi qu’aux liens entre les mondes de l’art et des affaires. Présenté dans différentes conférences (New York, Montréal, Boston, Helsinki, Rome, Copenhague, Rabat...), Improbable est le projet le plus illustratif de ces croisements. Pour mener à bien ses travaux, Sylvain effectue régulièrement des séjours de recherche à l’étranger (MIT, UC Berkeley, Duke...). Il a co-fondé Storymakers une solution de communication digitale.

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Atlantico : Vous êtes le directeur scientifique de la Chaire Entrepreneuriat d’ESCP-Europe. Quel est le but de votre formation ?

Sylvain Bureau :  La Chaire Entrepreneuriat d'ESCP Europe que nous avons créée il y a bientôt 10 ans a vocation à questionner le modèle des grandes écoles de commerce pour mieux répondre aux défis posés par les crises économiques, sociales, écologiques…. Cette remise en question comprend trois dimensions :

Décentrer les étudiants de leur propre réussite professionnelle, pour qu'ils prennent conscience de leurs responsabilités vis-à-vis de la société.

Compléter les enseignements purement cognitifs par la prise en compte des passions et des centres d'intérêts des étudiants.

Créer un ancrage dans le territoire, au contraire de formations basées sur des "business cases" souvent complètement hors sol.

Plus concrètement, quelle est votre méthode pédagogique ?

J'ai intitulé ma formation "la méthode improbable". Concrètement, mon système d'apprentissage consiste à :

"Apprendre par l'impact", c'est-à-dire à concevoir un projet entrepreneurial dans des conditions réelles, pour que les étudiants mesurent la manière dont ils peuvent faire évoluer la société grâce à leur projet. Il n’y a aucun cours mais uniquement des conférences, des apprentissages entre pairs, du tutorat… 

"Apprendre par la création de liens" : autrement dit construire un projet entrepreneurial en créant des relations avec de nouveaux territoires, d'autres professions, d'autres enseignements, d'autres milieux sociaux... Dans le mot "entrepreneur", il y a cette idée d’être "entre" les mondes, multiplier les interactions. Un entrepreneur ne sera pas en contact qu’avec des grands patrons !

Votre formation est très demandée par les étudiants. Quels sont vos principaux critères de sélection à l'entrée ? 

Le premier critère de sélection à l'entrée est de veiller à ce que la promotion soit composée de profils diversifiés, ne venant pas tous des mêmes classes préparatoires aux écoles de commerce. 50% des élèves du Master 2 Entrepreneuriat vient d’une formation hors business (ingénieurs, développeurs, designers, étudiants en philosophie, etc.).

Le second critère de sélection principal est tout simplement la motivation. En effet, cette formation, centrée sur l'élaboration d'un projet réel, demande d'être impliqué à 100% dans ce que l'on entreprend. 

Vous dites également enseigner "la subversion". En quoi cet état d'esprit sert-il à faire émerger de nouveaux projets ? Comment l'apprenez-vous à vos étudiants ? 

Pas une journée sans un événement, un article de presse sur les entrepreneurs qui changent le monde. Mais changer le monde ne se fait pas seulement en codant dans un garage. Les entrepreneurs qui ont vraiment transformé le monde ont toujours perturbé les status quos. Steve Jobs, Peter Thiel ou encore Mark Zuckerberg ont tous développé des pratiques subversives qui ont généré, au moins au début, des réactions très hostiles des systèmes en place.

Quand on est professeur dans une institution largement établie (dans mon cas, ESCP Europe, la plus ancienne école de commerce du monde), il apparait vite impossible de le faire par un cours magistral et des études de cas. Nous avons donc proposé Improbable : un programme qui consiste à construire une pensée critique en commençant par créer une œuvre d’art. Aucune expertise artistique particulière n’est requise. Des ateliers, conçus avec l’artiste Pierre Tectin, permettent d’apprendre d’univers aussi variés que ceux de la peinture, la sculpture, le cinéma ou encore la poésie. Les participants travaillent en équipe de 3 à 5 personnes dans la rue, les musées, un atelier de création, loin des salles de cours. Au soir du troisième jour, les œuvres sont présentées lors d’un vernissage ouvert au public.

Cette année, nous exposons à la Villa Belleville (voir ici), dans le 20ème arrondissement de Paris. Cet endroit me tient à cœur, car j'ai grandi dans ce quartier, assez populaire, ou beaucoup ne connaissent même pas l'existence des écoles de commerce (moi-même, j'ignorais avoir grandi à côté des locaux d’ESCP Europe).

Votre nouvelle méthode d'apprentissage a-t-elle déjà fait ses preuves dans le monde de l'entreprise ? 

Oui. Il faut bien comprendre que la création d'une œuvre d'art subversive s'inscrit dans un projet global de créations d'entreprises, dont certaines perdurent après l'école. 

Par exemple, j'ai eu des étudiants qui ont travaillé sur la "street food", une façon de cuisiner issue à la base de milieux populaires mais transformée peu à peu en un produit de consommation prisé par les "bobos", donc de plus en plus cher. Mes élèves ont ainsi décidé de retourner aux racines de la "street food" en proposant à des femmes de milieux populaires sachant cuisiner de venir proposer leurs plats au grand public. Comme leur événement a très bien marché, ils ont finalisé leur projet en créant la start-up Mamie Foodie (voir ici), toujours opérationnelle aujourd'hui. Au-delà de ces étudiants-entrepreneurs, nous travaillons de plus en plus avec les grands groupes qui souhaitent développer des méthodes agiles et les logiques intrapreneuriales. Le détour par l’art est aussi très fructueux auprès des cadres dirigeants.

Pour conclure, avez-vous quelque chose à ajouter ? 

J'aimerais insister sur le fait que la Chaire Entrepreneuriat d’ESCP-Europe enseigne l’entrepreneuriat comme une nouvelle façon de penser et d’agir pour transformer la société : certains de nos étudiants créent leur entreprise, d’autres sont des intrapreneurs qui portent des projets d’innovation au sein de grands groupes. Cette ambition ne se limite pas à la question de "l'entrepreneuriat social". A mon sens, cette expression est d’ailleurs un pléonasme : toute création d'entreprise a un impact social,  Facebook a plus d’impact social que n’importe quelle entreprise sociale… 

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