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Eva Joly devant Nicolas Hulot : 
tout sauf une surprise
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Primaire écologiste

Avec 49,75% des voix, Eva Joly devance de près de 10 points Nicolas Hulot au premier tour de la primaire d’Europe Ecologie les Verts. Un deuxième tour est encore nécessaire, mais le bon score de l’ancienne juge d’instruction illustre l’ancrage à gauche du parti.

David Valence

David Valence

David Valence enseigne l'histoire contemporaine à Sciences-Po Paris depuis 2005. 
Ses recherches portent sur l'histoire de la France depuis 1945, en particulier sous l'angle des rapports entre haute fonction publique et pouvoir politique. 
Témoin engagé de la vie politique de notre pays, il travaille régulièrement avec la Fondation pour l'innovation politique (Fondapol) et a notamment créé, en 2011, le blog Trop Libre, avec l'historien Christophe de Voogd.

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Atlantico : Comment expliquer le score obtenu par Eva Joly lors du premier tour de la primaire d’Europe Ecologie les Verts et le fait qu’elle devance Nicolas Hulot de près de 10 points ?


David Valence : Ce résultat n’est pas aussi surprenant qu’on pourrait le penser. Il traduit bien les équilibres internes au sein d’Europe Ecologie-Les Verts.  

Première précision : Europe Ecologie-Les Verts est un parti récent. Il a été créé fin 2010 et a une structure difficile à comprendre de l’extérieur : ont ainsi voté à ces primaires des adhérents et des « coopérateurs » qui participent aussi à la vie du Parti depuis plusieurs mois sans en être membres formellement.

Stéphane Lhomme, par exemple, qui a récolté 4,44% des voix et a longtemps présidé le réseau « Sortir du nucléaire », a plutôt trouvé des soutiens chez les « coopérateurs » que chez les adhérents d’EELV.

Le bon résultat d’Eva Joly est logique au vu des rapports de forces au sein d’EELV, tels qu’ils sont apparus au dernier Congrès. En principe, elle aurait même pu faire mieux ! Une majorité du courant de Cécile Duflot (« Maintenant », qui avait rassemblé 50,3% des voix au dernier congrès) la soutenait discrètement, le courant de Daniel Cohn-Bendit (26,5% au dernier congrès) était divisé, et la gauche du parti (18,9%) penchait nettement pour Eva Joly.

Daniel Cohn-Bendit lui-même n’avait pas pris position de façon très nette entre Joly et Hulot. Rappelons-nous qu’il y a quelques semaines encore, il souhaitait, si Dominique Strauss-Kahn avait été le candidat socialiste,  que les écologistes renoncent à la présidentielle en échange de circonscriptions gagnables aux législatives qui suivront ! Or, de René Dumont en 1974 à Dominique Voynet en 2007, les écologistes ont été présents à toutes les élections présidentielles depuis près de 40 ans.

Au final, on peut trouver aussi qu’Eva Joly donne une image fidèle de ce qu’est Europe Ecologie-Les Verts aujourd’hui : elle est plutôt « neuve » en politique mais a vraiment franchi ce pas en étant élue députée européenne en 2009. Et surtout, elle a « une bonne gauche » ! Or, EELV va devoir discuter avec le Parti socialiste avant et après ces élections : il ne s’agit pas juste de « faire un résultat » comme Bayrou en 2007, pour n’en rien faire. Il s’agit de pouvoir négocier le PS. Et ce sera plus facile si le candidat choisi est bien « de gauche ».


Vous voulez dire que Nicolas Hulot se situe trop à droite pour les écologistes ?


Sans doute. N’a-t-il pas déclaré, lors d’un débat organisé pour ces primaires, qu’il avait discuté encore récemment avec Jean-Louis Borloo ? Ce propos lui a fait beaucoup de tort au sein d’EELV. Cela a jeté un doute sur sa loyauté et sur la sincérité de son engagement à gauche. Même si certains coopérateurs ou nouveaux adhérents ne sont pas tous « de gauche », l’immense majorité des membres d’EELV est, elle, attachée à un partenariat « à gauche ».

Nicolas Hulot, parce qu’il vient un peu de nulle part sur le plan politique et parce qu’il n’a pas donné beaucoup de garanties à gauche, est moins adapté à cette réalité-là.

Par ailleurs, la personnalité d’Eva Joly a pu également susciter auprès des militants une réelle adhésion. Son souci de transparence et ses engagements pour une plus grande moralité publique ont touché juste. A contrario, le soutien d’EDF à la Fondation de Nicolas Hulot, même s’il appartient au passé, a donné des arguments aux adversaires de l’animateur.


Nicolas Hulot est donc le candidat préféré des médias mais pas le candidat préféré des écologistes ?


Les écologistes sont rétifs à toute « sur-personnalisation » du débat politique. Ils s’en méfient. Au quotidien, le fonctionnement des Verts, puis aujourd’hui d’Europe Ecologie-Les Verts, est très démocratique. Certains diront même « basiste » !

On écrit souvent que le Parti socialiste a un problème avec la logique de l’élection présidentielle. Mais que dire des écologistes, même s’ils y ont, on l’a dit, toujours été présents depuis 1974 !

Souvenez-vous qu’en 2002, le vote interne chez les Verts avait désigné Alain Lipietz comme candidat à la présidentielle. Finalement, après que ce dernier eut jeté l’éponge pour cause de gaffes répétées, ce n’est qu’à la suite d’une procédure un peu compliquée que Noël Mamère, son ancien adversaire au vote interne pour la désignation du candidat, avait obtenu de concourir à la présidentielle.

En 2007, les Verts s’étaient divisés entre Dominique Voynet et Yves Cochet. Au point qu’il y avait eu comptage et recomptage des voix, dans un remake au petit pied des élections américaines de 2000 entre Al Gore et George Bush. L’enjeu était, il est vrai, beaucoup moins important !


N’est-ce pas là un paradoxe ? Leurs meilleurs résultats lors d’élections ont tout de même été obtenus par des personnalités fortes telles que Noël Mamère ou Daniel Cohn-Bendit ?


Certes ! Mais Noël Mamère n’a jamais été le numéro 1 des Verts. En interne, il a toujours été un peu « à part ». Et Daniel Cohn-Bendit n’a jamais été le leader en titre des Verts français. Il ne s’implique pas sur le long terme et suscite pas mal de méfiance chez les militants, les adhérents et certains coopérateurs d’EELV. C’est un agitateur d’idées, mais il se désintéresse du quotidien des débats internes.


Compte tenu du résultat du 1er tour, pensez-vous qu’Eva Joly puisse encore être battue ? Elle frôle la majorité absolue à 64 voix près et donc sa désignation dès le premier tour. Pourrait-elle le regretter ? Nicolas Hulot a-t-il encore une chance de l’emporter ?


Les écologistes n’ont peut-être pas fini de nous surprendre… Sur le papier, le report des voix semble favorable à Eva Joly, même si Nicolas Hulot bénéficiera peut-être d’un renfort de voix du côté d’Henri Stoll, qui est une des figures de l’écologie en Alsace avec la conseillère régionale Andrée Buchmann.

Mais n’oublions pas que près du quart des inscrits à ces primaires (8000 sur 32000 environ) n’ont pas voté. Se mobiliseront-ils au second tour ? Et si oui, en faveur de qui ? Nul ne le sait.


Au-delà du résultat des primaires d’EELV, Eva Joly a-t-elle ses chances pour la présidentielle 2012 ?


Difficile de répondre. Ce qui me frappe, c’est la singularité, l’originalité de sa candidature et de « la proposition Joly », pour parler comme un publicitaire. Sur ce terrain, elle n’a rien à envier à Nicolas Hulot.

Elle représente une offre politique au moins aussi neuve que Nicolas Hulot, dont la candidature était déjà évoquée en 2007. Elle est issue de la société civile et tire de ses fonctions passées une vraie légitimité, une vraie réputation de sérieux. Enfin, ce serait la première fois qu’un candidat à la présidentielle viendrait « d’ailleurs » de manière aussi nette -son accent est, on le sait, très prononcé.

Eva Joly incarne une aspiration à l’intégrité, à la justice et à la transparence qui n’est pas seulement le fait des bobos : il s’agit d’une vraie aspiration populaire.


Et Nicolas Hulot ? Un échec au second tour marquerait-il la fin de sa carrière politique ? Il avait hésité à se lancer dans la primaire d’EELV… Est-ce totalement farfelu d’imaginer qu’il décide de se présenter à la présidentielle malgré cet échec aux primaires ?


Cela me paraît complètement inimaginable. Bien peu de membres d’EELV le suivraient dans une aventure pareille. Il serait alors automatiquement étiqueté « écologiste de droite ».

Le vrai risque pour EELV, c’est que, compte tenu de ses hésitations initiales et de son orgueil, Nicolas Hulot, humilié, rallie finalement Jean-Louis Borloo. Il serait alors regardé comme une girouette et son ralliement en serait « démonétisé ». Mais pour le grand public, l’aspect « rassembleur » d’une candidature Borloo en sortirait renforcé. Cette hypothèse ne peut pas être complètement être exclue en cas d’échec de Nicolas Hulot au second tour : l’animateur a certes assuré qu’il serait loyal, mais c’était avant ce premier tour calamiteux…

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