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Européennes, J-362 : vers une élection casino ?
©FREDERICK FLORIN / AFP

Stratégie

Dans un an, le 26 mai 2019, les Français voteront pour la première fois depuis l’élection d’Emmanuel Macron, dans le cadre des élections européennes.

Bruno Cautrès

Bruno Cautrès est chercheur CNRS et a rejoint le CEVIPOF en janvier 2006. Ses recherches portent sur l’analyse des comportements et des attitudes politiques. Au cours des années récentes, il a participé à différentes recherches françaises ou européennes portant sur la participation politique, le vote et les élections. Il a développé d’autres directions de recherche mettant en évidence les clivages sociaux et politiques liés à l’Europe et à l’intégration européenne dans les électorats et les opinions publiques. Il est notamment l'auteur de Les européens aiment-ils (toujours) l'Europe ? (éditions de La Documentation Française, 2014) et Histoire d’une révolution électorale (2015-2018) avec Anne Muxel (Classiques Garnier, 2019).

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Rarement tant d’enjeux auront pesé sur autant d’acteurs politiques en France, rarement tant d’enjeux auront été au rendez-vous pour les Européens : l’Europe post-Brexit n’a toujours pas retrouvé le chemin perdu pendant la décennie de la « Grande récession » économique des années 2010, des visions contrastées du projet européen se sont affirmées entre Européens « de l’Ouest » et Européens « de l’Est », la fracture sociologique qui clive entre les Européens bénéficiaires de l’intégration européenne et ceux qui n’ont vu que les plans d’austérité n’a jamais été aussi béante. 
En ce qui concerne la France, tous les acteurs politiques auront à perdre, tous auront à gagner, et bien malin qui pourrait dire aujourd’hui lesquels perdront le plus, lesquels perdront le moins. Première épreuve de vérité électorale pour Emmanuel Macron depuis la séquence électorale du printemps 2017, les élections européennes de 2019 seront pour lui et sa majorité une vraie balle de match pour la réussite de son quinquennat : ayant tout misé sur sa capacité à incarner un nouveau leadership français sur l’Europe, Emmanuel Macron sera sacré comme tel le 26 mai 2019 ou chutera brutalement de son piédestal. Au-delà du symbolique européen, une claire victoire de LREM à ces élections permettrait de redonner force à l’idée que le second tour de la présidentielle 2017 a fait basculer notre vie politique dans une profonde réorganisation. Une défaite, fut-elle en position de second, briserait le verre de l’éclatante victoire de 2017 et serait perçue comme telle dans les capitales européennes, notamment à Berlin. 
Les autres forces politiques françaises jouent également très gros sur ces élections. Pour le Front national (bientôt Rassemblement national) et Marine Le Pen, pour Jean-Luc Mélenchon et la France insoumise, ces élections sont absolument fondamentales : comme Emmanuel Macron, ils jouent « à domicile » sur la question européenne et ne peuvent se permettre un mauvais score. Pour Marine Le Pen, il en va de sa survie politique : rappelons que son parti avait gagné les précédentes européennes en 2014, symbolisant alors sa dynamique présidentielle en vue de 2017. Pour Jean-Luc Mélenchon, l’enjeu c’est de renforcer son statut de principal opposant et de redonner vie au « Non, joyeux, populaire et pro-européen » dont il parlait le soir du 29 mai 2005 lorsque la France rejeta par référendum le projet de Constitution européenne. Si les têtes des listes qui se présenteront aux votes des Français ne sont pas encore connues, nul doute que tout le monde donnera une interprétation présidentielle aux résultats des européennes. 
Les autres force politiques ne sont pas en reste : le PS et LR jouent tout simplement leur survie comme organisations politiques, en particulier le PS qui a tant de mal à (re)trouver sa place dans le paysage politique bouleversé depuis la présidentielle. Le paradoxe, pour ces deux formations, c’est qu’elles sont divisées sur l’Europe alors que rien ne serait plus porteur, dans leurs électorats, que de fortement politiser le débat sur l’Europe. 
Mais la politisation des débats sur l’Europe est une affaire complexe : elle ne peut se faire seulement par rapport aux grands repères idéologiques de la gauche et de la droite. Il existe des « pro-européens » de gauche et de droite et des électeurs qui contestent l’Europe par sa gauche (Europe trop libérale) et par sa droite (Europe qui ne contrôle pas les flux migratoires).  Nous pensons en fait l’Europe en deux dimensions (la dimension favorables/défavorables à l’UE et, en même temps, la dimension gauche/droite) ; selon les contextes c’est plutôt le débat sur le principe de l’intégration européenne de la France qui l’emporte (second tour de la présidentielle 2017) ou plutôt le débat sur les modalités et les objectifs de la construction européenne qui s’impose (29 mai 2005). 
Les membres de la communauté POP by BVA ont d’ailleurs exprimé des attentes et des interrogations sur ce sujet; on retrouve dans leurs opinions les principales lignes de clivages sur l’Europe : ceux qui en appellent aux « Français patriotes » et veulent le retour vers la souveraineté nationale pleine, ceux qui appellent de leurs vœux une « Europe forte et libérale », ceux qui espèrent une « Europe sociale des hommes, pas celle des affaires et du business ». Mais l’Europe leur apparaît aussi bien lointaine et les élections européennes ne sont pas franchement leur priorité actuelle : « c’est un peu tôt » pour s’en occuper nous disent-ils souvent.  Tout ceci laisse présager que les « grandes marches européennes » et « conférences citoyennes » actuellement organisées sur la question européenne ont du pain sur la planche pour motiver le vote et combattre la tendance à la forte abstention aux européennes. 
Mais nous n’avons pas encore parlé de l’Italie ! Mamma mia, quelle histoire ! En France c’est plutôt Paolo Conte que Giuseppe qui était connu : pour tenir le coup jusqu’au 26 mai 2019, réécoutons « Via Con Me » : its’ wonderful, it’s wonderful…
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