Europe au bord du gouffre : mais quelle serait la forme la plus probable d’une explosion de l’UE et pour quelles conséquences réelles ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Europe au bord du gouffre : mais quelle serait la forme la plus probable d’une explosion de l’UE et pour quelles conséquences réelles ?
©

Chauds les marrons

Dans une nouvelle note publiée le 8 juillet, le FMI met en garde les dirigeants européens, et les somme de redoubler d'efforts pour sauver le projet européen de sa situation actuelle.

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

Voir la bio »

Atlantico : Dans une note publiée le 8 juillet, le FMI semble mettre l'Europe en garde face aux risques politiques qui pèsent sur elle. Selon l'institution, les Européens doivent redoubler leurs efforts pour parvenir à une stabilisation de l'ensemble. Au-delà des recommandations du FMI, peut-on réellement dire que l'Europe danse aujourd’hui sur un volcan ? 

Jean-Paul Betbeze : De fait, le FMI regroupe dans cette note les problèmes actuels de l’Union européenne : une croissance faible et des tensions politiques, pour proposer de renforcer l’union monétaire, de flexibiliser le marché du travail, d’avoir une politique fiscale plus efficace et de renforcer les banques. Il n’y a rien là malheureusement de nouveau, ni de très facile – on le voit tous les jours. On connaît en effet les difficultés et les problèmes de l’Europe : ils viennent notamment de son histoire et aussi des conditions récentes de son élargissement, avec un poids politique croissant dans les prises de décision – ce que l’on peut évidemment regretter. Cependant, et ce qui est dommage, c’est que la note du FMI ne dit pas que les difficultés de l’Union européenne sont également liées à la crise financière mondiale et aux effets de la révolution technologique. Et, en même temps, l’Union européenne et la zone euro vivent les conséquences de la crise majeure du Moyen Orient, avec les migrations massives qu’elle reçoit. 

Au total, sur une structure déjà fragile, interviennent une crise dont les effets globaux sont particulièrement violents, notamment en matière d’emploi, plus la crise des migrants qui est de nature à affaiblir, sinon déstabiliser, des économies et des équilibres politiques.

On comprend donc à quel point le travail du FMI est d’une certaine manière assez "facile" dans la critique et dans les propositions et lacunaire dans l’analyse, ce qui met évidemment en cause la possibilité de mettre en œuvre toutes les propositions de cette organisation. 

L’Europe et la zone euro "ne dansent pas sur un volcan", selon l’expression consacrée qui évoque l’inconscience des problèmes, ils vivent plutôt une série de difficultés majeures qui mettent gravement en risque leur stratégie de croissance à moyen terme, lancée il y a 60 ans avec le traité de Rome.

Malgré l'improbabilité d'un scénario de crise majeure, si celui-ci se réalisait, quelle pourrait en être la forme ? Devrait-on plus s'attendre à un événement construit et concerté, ou à un fait "violent" et inattendu qui conduirait à un déraillement de l'ensemble ? 

Malheureusement, quand la croissance est faible, le chômage élevé et les taux d’intérêt très bas, la capacité d’une économie à pouvoir absorber un choc est très limitée. C’est bien ce qui se passe avec les chocs déjà reçus liés aux crises des migrants, plus ce qui est en train de se passer avec le Brexit. Ce n’est donc pas un événement "construit et concerté" qui en jeu, mais plutôt un choc, ou plutôt plusieurs chocs qui s’ajoutent. Dans ce contexte, on voit bien que c’est la BCE qui, de l’intérieur, tient l’ensemble sachant que les déficits budgétaires sont en train de monter, sans oublier la remise en cause des stratégies de stabilisation. La Commission européenne a décidé en effet de ne pas vraiment sanctionner l’Espagne et le Portugal. Il est à parier qu’elle ne fera pas preuve de dureté par rapport aux autres, dont la France. 

Mais il faut ajouter aussi que, dans la crise mondiale, l’Allemagne et la France font figure de valeur refuge et que leur financement budgétaire ne pose aucun problème. Ceci est évident pour l’Allemagne, qui est en excédent, mais pas pour la France, qui est en déficit. Dans ces conditions le scénario d’un éclatement de la zone euro paraît heureusement improbable sachant qu’il serait de nature à accentuer très gravement les déséquilibres mondiaux. Les banques centrales du monde feraient tout leur possible pour empêcher une telle évolution. 

Il demeure, et c’est bien la preuve de la gravité de la situation que nous vivons, que l’Union européenne et la zone euro ne font pas actuellement partie des risques majeurs du système mondial. C’est ce qui explique d’ailleurs pourquoi le FMI fait des propositions d’amélioration. 

Quelles en seraient les conséquences les plus graves ? Quelles seraient les réactions appropriées à un tel scénario ? Les différents membres peuvent-ils avoir les ressources pour faire face ?

La meilleure parade d’une crise majeure c’est évidemment l’ensemble des politiques proposées par le FMI depuis des années, et reprises d’ailleurs par la Commission européenne. Mais, dans le cas d’une détérioration plus grave de la zone euro, il s’agit de mettre en place des politiques d’urgence, le temps ne permettant pas des réformes de structure. 

Pour éviter la crise majeure, comme toujours, la première ligne de défense est monétaire. La BCE soutient plus directement encore les banques et les Etats, au-delà des limites actuelles. En même temps, ceci ne suffit pas : il s’agit de mener des politiques de soutien à la demande publique (lignes de communication, réseaux à grande vitesse, soutien à des recherches…). Bref de la dépense immédiate et des promesses de croissance future. Le déficit budgétaire de chacun augmente alors, l’Union européenne peut soutenir davantage des programmes de la BRI en les cautionnant. Enfin, pour ce qui concerne les différents membres de la zone qui vivront un creusement de leur déficit, on comprend que tout dépendra de l’action concertée des décideurs politiques et de la BCE, avec l’appui des autres grandes puissances et de leurs propres banques centrales. Alors, bien sûr, on regrettera de ne pas avoir suivi plus tôt les remarques du FMI, mais c’est toujours ainsi : on commence toujours par les erreurs, on réforme au bord du précipice.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !