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L’étrange et nouveau souverainisme de M. Hollande
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Des promesses aux actes

Harmonisation fiscale, adaptation des calendriers de retour à l’équilibre budgétaire, baisse des taux de la BCE... Pendant sa campagne, François Hollande avait laissé présager des ambitions fortes pour une remise à plat du modèle européen : autant de résolutions superbement douchées en à peine deux mois.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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N’épiloguons pas sur la belle raclée que l’Allemagne est en train de mettre à la diplomatie française sur l’ensemble des thèmes égrenés pendant la campagne.

Je reprends simplement la page 100 de Changer de destin publié en mars 2012 : « Je proposerai que soit collectivement mise en place la stratégie de sortie de la crise financière, que la Banque centrale prenne ses responsabilités, que le calendrier de retour à l’équilibre budgétaire tienne compte des impératifs de la croissance. Et que la gouvernance économique commune ne soit pas seulement le syndic des intérêts nationaux mais qu’elle se soucie aussi des équilibres sociaux, d’une harmonisation fiscale et sociale. »

Dans nos démocraties représentatives mourantes, le temps politique est ainsi : vérité de mars, mensonge de juin.

A l’issue du mini-sommet de vendredi, chacun mesure la faille tectonique entre les promesses faites et la réalité des discussions communautaires. Il n’aura pas fallu deux mois pour que soit balayée toute espérance d’infléchir le cours du destin européen tel qu’il glisse depuis le traité de Maastricht.

En dehors de la souris de 130 milliards d’euros pour un plan de relance que la France a obtenue, soit au maximum 25 milliards d’euros pour la France (10 milliards de moins que le Grand Emprunt de Nicolas Sarkozy), toutes les ambitions de François Hollande sont superbement douchées. Rien sur la Banque Centrale Européenne. Rien sur l’harmonisation fiscale ou sociale. Rien sur l’adaptation des calendriers de retour à l’équilibre budgétaire.

Le plus étonnant est la partie qui se joue sur l’intégration politique. Jusqu’ici, François Hollande a toujours porté un discours intégrateur sur l’Europe. Là encore, Changer de destin est instructif (pages 100 et 101) : « Je plaiderai enfin pour que les instances légitimes de l’Union voient leur rôle revalorisé dans la pratique des institutions européennes. » Et page 146 : « sans un groupe actif et soudé au coeur de la construction, l’Europe stagnera. Ce sera la mission de notre pays, la main dans la main avec l’Allemagne. (...) Nous devons redéfinir ensemble notre projet commun. »

François Hollande avait donc laissé présager des ambitions fortes sur une remise à plat du modèle européen. D’une part, il était question de rendre une place de choix à la Commission Européenne. D’autre part, l’idée de donner un nouveau souffle à l’Union par une relance franco-allemande, probablement centrée sur les pays fondateurs de la communauté, semblait aller de soi.

Assez habilement, Angela Merkel a joué de ces promesses pour mettre le nouveau président français face à ses responsabilités. Puisqu’il entendait obtenir une implication financière plus solidaire de l’Allemagne, pourquoi ne pas en profiter pour définir le contenu politique de l’Europe de demain?

Bizarrement, François Hollande ne saisit pas la balle au bond, et il serait intéressant qu’il s’explique sur ce revirement souverainiste brutal. Pourquoi aujourd’hui faire marche arrière ?

Certes, la majorité absolue du Parti Socialiste à l’Assemblée Nationale est assez mal assise, puisqu’il n’a même pas recueilli 10 millions de voix (moins de 25% des électeurs). C’est un peu court pour entamer des discussions de fond sur l’avenir de l’Europe, sans susciter un grand débat national.

Néanmoins, la meilleure stratégie vis-à-vis des comportements court-termistes des marchés financiers qui asphyxient l’Europe consiste - et sur ce point Angela Merkel a raison - à donner de la visibilité, de la perspective à l’Union. Faute de cette lumière pour éclairer le chemin à venir, nous nourrirons l’idée que nous ne savons pas où nous voulons aller et que nous sommes incapables d’y arriver.

D’une certaine façon, face au marasme, nous n’avons pas besoin des petites fiches techniques préparées par les énarques de service. Nous avons besoin d’une énergie et d’une volonté. Et c’est précisément ce moment que choisit la France pour s’enfermer dans un souverainisme à courte vue.

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