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Etats-Unis : « Il faut arrêter les interventions à la Rambo ! »
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Nouvelle ère

Barack Obama a annoncé le retrait de 33 000 soldats américains d'Afghanistan d'ici à 2012. Pour le politologue Jean-Michel Schmitt, la doctrine interventionniste a montré ses limites. L'avenir n'appartiendra pas à la puissance militaire, mais à la médiation multilatérale.

Jean-Michel Schmitt

Jean-Michel Schmitt

Jean-Michel Schmitt est politologue, spécialiste des relations internationales. Il s'exprime sur Atlantico sous pseudonyme.

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Atlantico : Les Etats-Unis sont-ils encore les gendarmes du monde ?

Jean-Michel Schmitt :Qu'ils prétendent l'être, ça se discute, car l'échec des néoconservateurs a fait beaucoup réfléchir aux Etats-Unis, autant chez les intellectuels que dans la classe politique et dans l'opinion publique. Lorsque l'URSS a disparu, les Etats-Unis ont pensé de façon naturelle que ce rôle de grand régulateur du monde leur revenait. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'ils ont déchanté, puisque deux décennies de post-bipolarité laissent apparaître très peu de bilan clair d'une intervention efficace. L'aggravation de la période néoconservatrice est venue confirmer cet échec.

L'élection de Barack Obama allait dans le sens d'une vision plus critique et plus prudente, et l'idée n'a pas totalement quitté les esprits, puisqu'il l'a réaffirmé dans son discours de Londres en mai dernier et devrait à nouveau le faire dans son discours du 22 juin sur l'Afghanistan. En réalité, il hésite entre deux lignes, et aimerait bien reconstituer une forme d'hégémonie américaine qui correspondrait à une attente. Mais c'est justement là que le bât blesse, car qui dit hégémonie dit domination attendue : on l'acceptait pendant la Guerre Froide en échange de la protection offerte par les Etats-Unis, mais c'est moins évident aujourd'hui, alors que chacun est tenté de jouer sa propre carte.

Malgré ces échecs à répétition et les critiques de l'interventionnisme, on appelle aujourd'hui les Etats-Unis à s'investir davantage en Libye. La preuve qu'ils demeurent indispensables ?

A partir du moment où on continue à valoriser l'idée d'intervention et le concept assez usé de responsabilité de protéger, alors oui, la présence américaine est nécessaire : avec la moitié des dépenses militaires du monde, les Etats-Unis sont les seuls à avoir les moyens de cette politique.

Mais il y a une question en amont à laquelle on ne répond pas : l'intervention militaire est-elle la bonne solution ? Il faudrait pour s'en convaincre avoir des exemples positifs, c'est à dire des interventions réussies qui instaurent un ordre acceptable et accepté. Le procès ne s'adresse à l'idée même d'intervention dans le gouvernance mondiale actuelle. Personnellement, j'ai pu le croire, comme beaucoup de gens, à la fin des années 1990, au moment du Kosovo et de la crise des Grands Lacs, où la non-intervention était sévèrement reprochée. Aujourd'hui, je n'en suis plus si sûr, car je constate que le bilan n'est pas si convaincant.

On redécouvre que ce qui compte, ce n'est pas l'ordre imposé d'en haut, mais un ordre qui se recompose au rythme des demandes sociales et des attentes populaires. C'est donc davantage un accompagnement de ces attentes qu'il faut favoriser, plutôt que des interventions à la Rambo. Par ailleurs, il faut réhabiliter le multilatéralisme : même si un jour il faut utiliser la force, une intervention multilatérale est mieux venue qu'une opération ouvertement dirigée par une puissance. Enfin, il y a toute une série de techniques qui avaient cours autrefois dans le monde diplomatique, comme la médiation. Si, en Côte d'Ivoire, on avait été moins interventioniste et plus médiateur, on aurait peut-être épargné bien des épisodes sanglants.

Comment s'organisera à l'avenir la gouvernance mondiale ?

Tout d'abord, comme je l'ai dit dans La diplomatie de connivence, les pôles, c'est terminé : ils étaient liés un contexte historique bien particulier. On est désormais dans une situation de fragmentation, où les puissances grandes et moyennes n'attirent plus, et ne constituent donc pas de pôles. Il faut donc soit revenir à un vrai monde multilatéral (tout le monde participe), soit réhabiliter les institutions régionales. Il faut repenser l'action diplomatique, plutôt que de toujours vouloir mettre le pistolet en première ligne.

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