Et voilà ce que les Ukrainiens pensent de la guerre après 10 mois de combat (et peut-être devrions-nous y réfléchir…) <!-- --> | Atlantico.fr
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Selon une enquête de l'Institut international de sociologie de Kiev (KIIS), 85 % des Ukrainiens ne voudraient pas que leur gouvernement cède une partie de leur territoire.
Selon une enquête de l'Institut international de sociologie de Kiev (KIIS), 85 % des Ukrainiens ne voudraient pas que leur gouvernement cède une partie de leur territoire.
©SAMEER AL-DOUMY / AFP

Guerre en Ukraine

Selon une enquête de l'Institut international de sociologie de Kiev (KIIS), 85 % des Ukrainiens ne voudraient pas que leur gouvernement cède une partie de leur territoire. Seuls 8 % d'entre eux pensent que, pour parvenir à la paix et préserver l'indépendance, il est possible de céder une partie du territoire.

Michael Lambert

Michael Lambert

Michael Eric Lambert est analyste renseignement pour l’agence Pinkerton à Dublin et titulaire d’un doctorat en Histoire des relations internationales à Sorbonne Université en partenariat avec l’INSEAD.

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Atlantico : Selon une enquête de l'Institut international de sociologie de Kiev (KIIS), 85 % des Ukrainiens ne voudraient pas que leur gouvernement cède une partie de leur territoire. Seuls 8 % d'entre eux pensent que, pour parvenir à la paix et préserver l'indépendance, il est possible de céder une partie du territoire. Qu'est-ce que cela dit de l'état d'esprit de l'opinion publique ukrainienne ? Depuis mai, les chiffres ont toujours été supérieurs à 80%. Comment cela peut-il s'expliquer ? Peut-on expliquer la résistance de l'armée ukrainienne par le refus de la population de se rendre ?
Michael Eric Lambert : L'invasion de l'Ukraine par la Russie en février 2022 a radicalisé la population ukrainienne, auparavant plus divisée sur la question de sa relation avec la Russie et ouverte à la possibilité d'un rapprochement économique, voire politique.
Cette radicalisation ne date cependant pas de 2022 mais plutôt de l'annexion de la Crimée en 2014, lorsque les Ukrainiens ont pris conscience de la menace militaire que représente Moscou. Avant l'annexion, des projets tels que l'adhésion à l'Union économique eurasiatique (une alternative à l'Union européenne) étaient au cœur du débat national.
En 2014, les Ukrainiens, notamment dans l'ouest du pays, réalisent que les ambitions russes en mer Noire ne se limitent pas à un rayonnement culturel et économique, mais aussi à des enjeux territoriaux. Néanmoins, à cette époque, une partie de la population, notamment dans l'est du pays, considérait encore qu'un rapprochement avec la Russie était possible. En 2022, un revirement important survient car les Ukrainiens de l'ouest et de l'est réalisent que l'approche militaire prime sur l'option diplomatique pour le Kremlin, et les ukrainens commencent à réaliser que la seule option pour rester autonome est un rapprochement avec l'Occident (Union européenne et OTAN).

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Il faut ajouter que l'attaque contre la Russie, combinée à la mobilisation générale des hommes en Ukraine, ainsi que le départ des Ukrainiens pro-russes vers la Russie, conduit les récents sondages à montrer un fort sentiment anti-russe, qui se traduit également par le rejet de l'utilisation de la langue russe (un débat de longue date en Ukraine) au quotidien. 
En résumé, la guerre a fait prendre conscience aux Ukrainiens qu'ils appartiennent au monde slave et sont plus proches de pays comme la Pologne et la République tchèque que de la Russie, et à développer une mentalité plus européenne dans le sens où ils perçoivent leur avenir dans la sphère occidentale davantage que dans la sphère orientale.
Au-delà de son état d'esprit, quelle est l'importance de la population ukrainienne d'un point de vue logistique ou matériel ? Ne sous-estimons-nous pas la mobilisation de "l'arrière" ? Quelles leçons pouvons-nous, en tant qu'Occidentaux - et en particulier les Français - tirer des résultats de cette enquête concernant notre position sur la guerre en Ukraine ?
La population ukrainienne est unie contre la Russie, un aspect essentiel car cela motive les soldats au front à résister et leur fait bénéficier d'un soutien psychologique capital. Il faut rappeler que la population masculine ukrainienne est prête à se battre contre la Russie, tandis que la population féminine, notamment les réfugiées qui sont à l'Ouest et la diaspora, apportent un soutien économique en envoyant des fonds qui permettent aux troupes de résister.
Pour la France, cela atteste de plusieurs éléments significatifs. Tout d'abord, cela montre que les Ukrainiens sont psychologiquement prêts à intégrer l'Union européenne (et éventuellement l'OTAN) car la guerre les a amenés à valoriser le dialogue et la diplomatie plus que l'option militaire. De fait, il est dans l'intérêt de la France de soutenir le gouvernement ukrainien dans ses efforts pour rejoindre les structures occidentales.
Cependant, les 8% d'Ukrainiens qui sont prêts à faire des compromis avec la Russie indiquent que des questions telles que la Crimée restent problématiques. En effet, la France a tout intérêt à soutenir l'intégrité territoriale du pays, mais la question de l'appartenance de la Crimée à l'Ukraine doit rester sur la table et un Etat ukrainien plus fédéral (comme au Canada) ou même confédéral (sur le modèle de la Suisse) ne sont pas à exclure.
En parallèle et tant que la guerre durera, l'opinion ukrainienne unie contre la Russie indique que la France a tout intérêt à augmenter son soutien humanitaire et militaire aux Ukrainiens qui partagent les valeurs démocratiques qui sont au cœur des sociétés occidentales. 

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