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Et sinon, à part la réforme qu’il envisage, quelle pratique Emmanuel Macron a-t-il eu des institutions depuis son arrivée à l’Elysée ?
©ETIENNE LAURENT / POOL / AFP

La théorie et la pratique

Chaque chef de l'Etat exerce ses compétences en fonction de sa personnalité et de sa vision du fonctionnement des institutions.

Didier Maus

Didier Maus

Didier Maus est Président émérite de l’association française de droit constitutionnel et ancien maire de Samois-sur-Seine (2014-2020).

 

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Atlantico : Suite aux annonces faites par le Premier ministre concernant la réforme constitutionnelle, comment évaluer, au delà des institutions elles-mêmes, la pratique du pouvoir en France depuis l'arrivée d'Emmanuel Macron à l'Elysée ? Ne peut-on pas estimer que cette pratique a pu conduire à une sur-personnalisation du pouvoir sur la personne du chef de l'Etat, au détriment des parlementaires, des ministres, et du premier ministre lui même ? Quels sont les faits qui permettent de démontrer un tel virage dans la pratique du pouvoir en France ?

Didier Maus : Il est dans la nature et la logique du système de la Ve République que la source du pouvoir soit concentrée chez le président de la République. Il est élu au suffrage universel direct et dispose à l’Assemblée nationale d’une majorité stable, cohérente et disciplinée.

Chaque président exerce ses compétences en fonction de sa personnalité et de sa vision du fonctionnement des institutions. La répartition des responsabilités réelles entre le président de la République et le Premier ministre ne peut être encadrée dans une règle juridique précise. Il est d’ailleurs significatif qu’Édouard Philippe a commencé son propos en faisant référence au discours d’Emmanuel Macron à Versailles le 3 juillet 2017 et aux engagements qu’il avait pris pendant la campagne  électorale. À plusieurs reprises il a, ensuite, indiqué qu’il intervenait à la demande du Président. Il est évident que le moindre mot prononcé sur le sujet de la réforme des instituions avait reçu l’approbation de M. Macron. Ceci est d’ailleurs légitime : le Président, en application de l’article 5 de la Constitution, « veille au respect de la Constitution » ; de plus, en application de l’article 89, il est l’auteur formel (et réel) des projets de révision de la Constitution.

La question la plus compliquée du fonctionnement quotidien de la Ve République réside dans le dialogue entre le Président, le Gouvernement et la majorité de l’Assemblée nationale. Lorsque, comme sous la présidence de M. Hollande, il existe une véritable spécificité politique de la majorité ou d’une partie substantielle de celle-ci la verticalité du pouvoir devient plus délicate à mettre en œuvre. Depuis mai-juin 2017, il ne fait aucun doute que l’organisation du système de décision est entre les mains de M. Macron, même si M. Philippe est très fréquemment chargé d’être le porte-parole public des décisions présidentielles. Le fait qu’un nombre important de ministres n’a pas de passé politique, au sens traditionnel du terme, et que les députés et membres d’En Marche ! se considèrent d’abord comme des relais du Président confère un caractère très monolithique au débat politique. Il existe plus de liens personnels que partisans ou militants entre M. Macron et ses fidèles.

​Concrètement, quels sont les pratiques observées au cours de cette dernière année qui ont pu conduire à cet affaiblissement du pouvoir des parlementaires ? Quelle est en la conséquence sur le Parlement lui-même ?

Le Parlement, en tant qu’institution, et les parlementaires, députés et sénateurs confondus, conservent le souvenir, désormais très ancien, de leur puissance avant la Ve République. Il est très difficile de construire des indicateurs du pouvoir du Parlement ». La proportion d’amendements adoptés peut en constituer un. Le signe le plus visible du pouvoir de l’Assemblée nationale est la possibilité de renverser le Gouvernement. Cela n’est pas arrivé depuis octobre 1962 et n’a aucune chance d’arriver sous la présente législature. Même dans la législature précédente où de nombreux députés PS, les « frondeurs », étaient tentés par des votes contre le gouvernement, il y a eu, implicitement ou explicitement, une volonté de ne pas aller jusqu’au bout de la contestation.

La politique est aussi une question d’arithmétique. On le voit bien aujourd’hui avec la nécessité d’obtenir un vote positif du Sénat pour procéder à une révision de la Constitution. Lorsque la majorité est incertaine ou aléatoire, il devient indispensable de faire preuve d’une capacité de négociation. À l’inverse, la discipline permet d’éviter « la politique à l’ancienne ».

Le Parlement conserve un droit fondamental, celui de refuser et de s’opposer.

Alors qu'une polémique est née de la "réécriture" par Matignon d'une interview donnée par la ministre des Transports, Elisabeth Borne, comment analyser aujourd'hui la place politique laissée au ministres et au premier d'entre eux, apparaissant parfois "coincés" entre l'Elysée et leurs administrations ou leurs cabinets?

La Constitution prévoit (article20) que « Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la nation », tandis que l’article 21 précise que « le Premier ministre dirige l’action du Gouvernement ». Il est donc logique que les ministres soient encadrés par le Premier ministre et, surtout, par la président de la République.

Les mécanismes de décision sont effectivement concentrés, mais un ministre qui « souffrirait trop » peut toujours démissionner. À chacun de se déterminer.

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