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Et si Sarkozy jetait l’éponge un jour... qui serait le mieux placé pour récupérer son créneau à droite ?
©Reuters

Mauvais sondages

Selon un sondage exclusif IFOP / Atlantico, Nicolas Sarkozy arriverait en troisième position derrière François Hollande et Marine Le Pen si l'élection présidentielle se tenait dimanche. Si les résultats des élections régionales semblent pourtant valider le bien fondé de son positionnement sur le créneau "à droite toute", son avenir politique personnel n'est pas aussi évident qu'il l'a été.

Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud est professeur de sciences politiques à l’Institut d’études politiques de Grenoble depuis 1999. Il est spécialiste à la fois de la vie politique italienne, et de la vie politique européenne, en particulier sous l’angle des partis.

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Atlantico : Dans la perspective de la primaires des Républicains, lesquels des potentiels concurrents de Nicolas Sarkozy pourraient venir lui disputer son créneau "droitier" ? Bruno Le Maire ? Qui serait prêt à assumer un tel positionnement ?

Christophe Bouillaud : Il me semble en effet que Bruno Le Maire avait déjà été assez performant lors de la compétition pour devenir le chef de l’UMP en matière de repositionnement à droite. Il a été un peu éclipsé ces derniers temps du fait qu’il n’a pas été candidat à une Présidence de Région. Par contre, le nouveau Président de la région Auvergne Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez, me parait un candidat très sérieux à une telle succession ouverte. Comme l’a montré la récente campagne régionale, ou comme l’avait montré l’année dernière son positionnement à la veille des Européennes, avec un ouvrage des plus ambigus sur le sujet européen, il n’a aucune sorte de réticence à se présenter comme un candidat de rupture, et cela lui a plutôt réussi jusqu’ici. François Fillon n’aurait aucun mal non plus à se présenter lui-même comme un candidat très droitier, tout au moins si l’on considère le travail qu’il a fait depuis 2012 pour se refonder comme un libéral de choc à la Thatcher, tout en gardant son étiquette de " gaulliste social ". Bien sûr Jean-François Copé ou plus encore Nadine Morano auraient aussi quelque titre à faire valoir en matière de droitisation, mais il me semble que leurs images personnelles sont trop dégradées dans le grand public pour en faire des candidats sérieux.

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Ces concurrents ont-ils une réelle crédibilité sur ce créneau auprès des électeurs que Nicolas Sarkozy a réussi à rassembler autour de lui ces dernières années (particulièrement en 2007) ?

Le seul pour lequel l’hypothèse a été testée en vraie grandeur n’est autre que Laurent Wauquiez lors de ces régionales. Sa très nette victoire au second tour sur le candidat de la gauche rassemblée, le sortant Jean-Jacques Queyranne, ne peut tenir qu’à sa capacité d’attirer une part au moins des électeurs du FN dans la nouvelle grande région – comme s’en est plaint d’ailleurs amèrement le candidat FN régional au vu des résultats du second tour. Pour les autres, cela reste à prouver à grande échelle. Mais ils ont tous donné des signes en direction de cet électorat de droite radicalisé. Le seul candidat potentiel à la primaire de la droite qui ne se soit pas laissé aller à trop de déclarations dans cette direction n’est autre qu’Alain Juppé, même, si en l’écoutant attentivement, on se rend compte qu’il n’est pas aussi au centre que ne le disent les médias.

Comment un candidat doit-il s'y prendre pour occuper le créneau politique de prédilection de Nicolas Sarkozy ?

Si l’on comprend par cette question la capacité à retenir certains électeurs de la droite de voter pour le FN, j’ai bien peur que la seule condition à remplir soit de ne pas être Nicolas Sarkozy. En effet, cet électorat qui avait été attiré par lui en 2007 n’a sans doute pas oublié que N. Sarkozy s’est révélé incapable d’exercer l’autorité autant qu’ils l’attendaient de lui – même si par ailleurs N. Sarkozy a vraiment fait une bonne part des réformes qu’il promettait en 2007 pour lutter contre l’insécurité (par exemple la rétention de sûreté). Tout autre candidat sans bilan (ou avec un bilan trop ancien pour être évalué comme A. Juppé) pourra toujours dire qu’il fera bien mieux que N. Sarkozy. Il faut dire aussi qu’avec les attentats de janvier et plus encore ceux de novembre la barre en la matière a été montée beaucoup plus haut. La déchéance de la nationalité est dans les tuyaux. Les camps pour supposés aspirants terroristes ne sont plus une hypothèse d’école. Le rétablissement de la peine de mort pour terrorisme n’est pas encore été évoquée, mais, à ce rythme, cela ne saurait trop tarder.  En paroles, tous les Républicains, sauf A. Juppé dans une mesure limitée, sont très à droite : un Xavier Bertrand, Président de Région élu il y a quelques jours par un Front républicain de fait, qui vient de renoncer à participer à la primaire des Républicains, avait il y a quelque temps proposé de fusionner les Ministères de l’Intérieur et de la Justice, ce que n’a fait aucun régime de la France depuis 1815… même le régime de Vichy avait gardé les deux Ministères séparés… Le risque est d’ailleurs que l’électorat du centre-droit finisse par se lasser de ce festival de galéjades droitières, toutes aussi irréalisables les unes que les autres, et que cela ouvre un boulevard à un candidat du centre, apparaissant comme plus pragmatique.

Si Nicolas Sarkozy se retirait de la vie politique (à la suite d'une défaite à la primaire ou à l'élection présidentielle), qui, au delà des candidats à la primaire, serait susceptible de reprendre le flambeau de la droite "qui siphonne les voix du FN" ? Avec quel succès selon vous ?

Dans l’hypothèse d’une défaite à la primaire de la part de N. Sarkozy, il faudrait déjà voir qui aurait gagné. Si c’est Alain Juppé, il faudrait poursuivre le scénario jusqu’à la présidentielle. En cas de victoire de ce dernier à la Présidentielle, la question que vous posez n’aurait guère de sens, toute la droite se rallierait à lui pour avoir accès aux maroquins ministériels. Dans l’hypothèse où le vainqueur de la primaire serait un candidat qui aurait réussi à se positionner plus à droite que N. Sarkozy (Wauquiez, Le Maire, Fillon, ou pourquoi pas Coppé ou Morano !), vous auriez votre réponse assez vite dans le résultat de l’élection présidentielle. Comme je l’ai dit, en dehors de Sarkozy qui aura du mal à refaire le même coup qu’en 2007, les autres peuvent jouer à fond contre le FN, parce qu’ils représenteront la nouveauté.

Qui, à l'extérieur des Républicains, pourrait profiter d'un retrait de Nicolas Sarkozy de la vie politique ? Qui pourrait incarner le projet politique le plus susceptible d'attirer les électeurs sarkozystes ? Et dans quelles proportions ?

Il existe pour l’instant un tout petit espace politique entre le FN et les Républicains. Il est occupé par le parti de Nicolas Dupont-Aignan. Le résultat des régionales a été loin d’être mauvais, mais il reste tout de même modeste. Le FN est bien plus puissant désormais. Je doute en particulier qu’un retour de Philippe de Viliers sur la scène politique nationale, même si son livre de souvenirs se vend bien apparemment, puisse avoir un grand effet dans ces conditions. Il faudrait vraiment que le FN s’auto-détruise d’ici 2017 pour qu’un autre grand parti puisse émerger à la droite des Républicains. Dans cette hypothèse bien improbable, quelque chose pourrait se passer de ce côté-là, et faire renaitre le projet du RPF " souverainiste " des années 1990. 

Qu'est-ce qui pourrait faire obstacle à ce transfert d'électeurs des Républicains à une autre structure de la droite ou de l'extrême-droite ? Le manque de crédibilité des autres formations ?

L’obstacle au passage des électeurs de la droite vers l’extrême droite que représente le FN repose surtout dans des différences d’appréciation sur la situation de la France en Europe. Les électeurs du FN, en dehors de leur refus de l’immigration, sont tout de même bien prêts à renverser la table. Les électeurs de droite, même radicalisés à l’extrême, sont contre les aventures ; une partie d’entre eux est âgée, et elle a un patrimoine à préserver. Tout ce qui s’éloigne de la doxa économique ne peut que les inquiéter. En fait la radicalité du FN qui attire une bonne part de ses électeurs est la même chose qui en repousse d’autres, même si certaines attentes sont partagées entre eux, comme par exemple sur le statut de l’Islam.

Quels peuvent être les enjeux de cette compétition autour du créneau occupé par Nicolas Sarkozy à droite ? Que représente à droite et dans le paysage politique français la tendance politique "droitière" ?

L’enjeu principal, c’est la sécurité, l’immigration, la capacité à défendre les intérêts moraux de ces Français se considérant eux-mêmes plus français que les autres. Tous les candidats membres des Républicains voulant occuper ce créneau ne cessent de surenchérir sur le " discours de Grenoble " de N. Sarkozy en 2010. Selon les sondages, cela correspond bien aux humeurs du cœur de la droite. Ce n’est pas dominant dans l’électorat, mais dans l’électorat de droite, si.

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