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Et si on arrêtait de taper sur Angela Merkel ?
©Reuters

L'Edito de Jean-Marc Sylvestre

La Chancelière traverse une mauvaise passe. Ses positions favorables à un accord sur la Grèce ont divisé l’Allemagne en deux. Mais à l’extérieur, elle est aussi vilipendée comme étant la grande responsable de ce que l’on appelle "l’austérité" et donc responsable du désastre grec. Cette situation injuste est aussi risquée pour l’équilibre européen.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Angela Merkel n’en peut plus. Cette femme forte et droite, élevée dans l’ancienne Allemagne de l’Est, qui a grandi sous le joug de l’empire soviétique croyait avoir le cuir très dur pour assumer des positions qui ne sont pas forcément majoritaires, mais aussi pour assumer des critiques très violentes. Or ce qu'elle a supporté depuis un mois dans le cadre de la crise grecque a dépassé tout ce qu’elle pouvait imaginer.

En interne, Angela Merkel s’est aperçu qu’elle n’était pas suivie par la population allemande pour signer un plan de sauvetage en faveur de la Grèce.  Les Allemands ne veulent plus payer les factures de la Grèce. Après avoir bénéficié de plus de 300 milliards d’aides, les Allemands ne comprennent pas que les Grecs puissent encore recevoir un programme de 100 milliards d’euros.

La Chancelière a donc beaucoup de difficultés à expliquer aux Allemands que le maintien de la Grèce dans l’euro permet à l’Europe de rester en équilibre. Angela Merkel a, du coup, été obligée d’imposer des conditions et des garanties très dures pour obtenir la validation du projet par le Bundestag. Cela dit, les partis politiques sont divisés, la majorité de coalition entre la CDU et le CSU  est devenue très bancale alors que le SPD a voté le texte.

Pour Angela Merkel, c’est le monde à l’envers. Ses amis la lâchent et ses adversaires la soutiennent. Pour couronner le tout, le ministre de l’Economie allemand a menacé de démissionner de ses fonctions. Or le départ dans ces conditions, de  Wolfgang Schäuble aurait des effets catastrophiques sur les marchés. Pour beaucoup d’experts, Schäuble, sert de caution à tous ceux, qui dans la zone euro ont besoin d’emprunter. Si les taux sont aussi bas, c’est aussi parce que l’Allemagne de Schäuble garantit la stabilité d’une politique de sérieux et de rigueur. Pour beaucoup d’Allemands, de Français, d’Espagnol aussi, l’Europe sans Schäuble serait ruinée.

Or, Schäuble s’est publiquement opposé à Angela Merkel au sujet de la Grèce. La Chancelière a gagné ce débat mais s’est affaiblie politiquement. Si la Grèce ne réalisait pas ses réformes et ne tenait pas ses promesses, Angela Merkel aurait du mal à se maintenir au pouvoir.

Ce qui est surréaliste dans cette situation compliquée de la Chancelière, c’est qu’une grande partie de l’Europe continue de la honnir. Pour la majorité de la classe politique, Angela Merkel considérée chez elle comme trop conciliante, est accusée d’extrême sévérité par les autres pays. La Grèce a été odieuse avec elle, la désignant à la vindicte populaire, pendant tous ces évènements, allant jusqu’à la traiter de Nazie en la caricaturant en Hitler. Ou en l’accusant de terrorisme.

Odieux, inadmissible et pourtant peu de gouvernants en Europe se sont levés pour protester. Tout le monde s’était précipité à Paris "pour dire qu’ils étaient Charlie".  Pas un, n’a téléphoné à Athènes pour que ces injures cessent.

La France, le "pays des droits de l’homme" n’a pas protesté. François Hollande n’a pas cessé de proclamer la nécessite d’une union forte entre la France et l’Allemagne, mais il a tout fait pour se mettre en travers de se route, se réjouissant même de ses difficultés.

Angela Merkel a toujours servi de bouc-émissaire en Europe. Le temps est sans doute venu de la traiter autrement que comme une pestiférée. On oublie trop vite qu'elle a connu la dictature, la violence de l’enfer communiste pour ne pas tomber dans ce travers.

Angela Merkel a pu ressembler à Margaret Thatcher, la dame de fer britannique. Mais on ne pourra jamais reprocher à l’une comme à l’autre son extrémisme.

Il n'y a pas un chef d’Eétat en Europe qui soit plus attentif au respect de la démocratie qu’elle. Toute les décisions qu’elle prend et qui engagent l’Allemagne sont systématiquement validées par le Parlement. François Hollande peut difficilement dire la même chose. Et personne ne pourra lui reprocher de ne pas avoir travaillé aux intérêts de l’Europe. Pendant la crise financière en octobre 2008, Nicolas Sarkozy s’agaçait de la lenteur d’Angela Merkel. La dhancelière de lui répondre : "ce n’est pas moi qui suis lente, Nicolas, c’est la démocratie qui a parfois besoin de temps".  Tout est dit.

La grande différence entre l’Allemagne et la France, c’est que la France est endettée. Elle n’est pas libre. L’Allemagne d’Angela Merkel est indépendante financièrement. Elle a acquis  cette indépendance en travaillant son modèle économique et social de façon à fabriquer tous les jours de la compétitivité.

Angela Merkel, qui vient d'Allemagne de l’Est sait tout, ce qu'elle doit à l’Europe et à l’euro. C’est l’Europe occidentale qui a fait tomber le mur de Berlin et qui a permis à l’Allemagne de réussir sa réunification. Pour elle, l’exemple de la réunification allemande arrachée aux forceps devrait faire jurisprudence pour faciliter l’union et la cohérence des Etats membres de l’euro.

Angela Merkel travaille à cette union, tout le monde en Europe le sait, mais c’est tellement commode d’avoir un bouc-émissaire sur qui taper que personne , et pas même en France, ne le reconnaitra publiquement. Ni à gauche, ni à droite.

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