Et si la France avait besoin d’une bonne dose de mode électoral britannique pour sortir de sa crise de représentation ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Boris Johnson s'exprime devant les parlementaires britanniques.
Boris Johnson s'exprime devant les parlementaires britanniques.
©UK PARLIAMENT / AFP / Archives / JESSICA TAYLOR

République des orphelins de la politique

Ensemble et la Nupes, c’est 12% des inscrits chacun, à peine plus de 50% des suffrages exprimés et pourtant vraisemblablement 4/5e des sièges a l’issue du 2d tour. Comment retrouver un système partisan excluant moins de Français d’une véritable représentation ?

Benjamin Morel

Benjamin Morel

Benjamin Morel est maître de conférences en Droit public à l'Université Paris II Panthéon-Assas.

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Atlantico : Si le mode de scrutin était uninominal majoritaire à un tour, voilà à quoi ressemblerait l’assemblée avec les votes issus de l’élection de dimanche selon les nuances arrivées en tête au premier tour : Ensemble (203), NUPES (194), RN (110), LR-UDI (42), Divers Gauche (9), Divers Droite (8), Régionalistes (7), Extrême droite (2), Divers Centre (2). Evidemment si le mode de scrutin n’était pas le même, les votes ne le seraient pas non plus. A quoi pourrait ressembler la situation ?

Benjamin Morel : Le scrutin majoritaire à un tour entraîne beaucoup plus facilement une bipartisanisation de la vie politique. Pour arriver à atteindre le plus de seconds tours possibles il y a une nécessité de faire alliance dès le premier tour. Structurellement, les partis vont être amenés à fusionner soit dans des alliances très stables, soit en devenant une seule et même formation. C’est aussi un mode de scrutin qui minorise moins les partis les plus polarisés, notamment les extrêmes gauche ou droite qui peuvent espérer plus facilement faire élire des députés. Avec ce mode de scrutin, le RN aurait eu un groupe parlementaire il y a bien longtemps. Deux exemples peuvent être scrutés pour analyser ce mode de scrutin, le parlement britannique et le parlement canadien. Au Royaume-Uni, la bipartisanisation s’est structurellement installée. Les libéraux-démocrates demeurent marginaux. Au Canada, c’est une multipolarisation stable autour des grandes forces traditionnelles. Ce mode de scrutin permet aussi aux partis bien implantés localement, comme les partis régionalistes, de se faire élire. Ça a été le cas du Bloc Québécois, du Scottish National Party, des partis nord irlandais.

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Comme vous l’évoquez, on ne peut pas calquer les résultats du premier tour pour avoir une idée de la situation si l’on changeait de mode de scrutin. En effet, le mode de scrutin influence le système de partis et inversement. Ils se nourrissent et se renforcent. En France nous avons un mode de scrutin qui n’est plus forcément adapté à notre système de parti avec notamment une prime structurelle au centre. Si l’on changeait de mode de scrutin, les partis politiques se reconfiguraient en conséquence. On constaterait potentiellement, dans un premier temps du moins, une alliance entre Ensemble, LR et le PS dans un groupement des centres. Ce ne serait pas complètement absurde car ils ont plus de points communs entre eux qu’avec le RN et LFI. Si jamais cela ne marchait pas la recomposition se ferait différemment.

Un système à la britannique pourrait-il résoudre en partie la crise de la représentation ?

Sans être une proportionnelle, le caractère représentatif de ce scrutin est bien plus élevé. C’est une bonne solution pour remplacer notre modèle actuel, si on le considère comme trop discordant, distordant – ce qu’il est objectivement. En effet, si dimanche, Ensemble à la majorité absolue, il l’aura obtenue avec 12% des inscrits et 25% des votants au premier tour. Cela pose un vrai problème d’adhésion et de légitimation des institutions. Donc si on voulait rendre notre parlement plus représentatif, c’est une solution à considérer. Le système actuel favorise les alliances structurantes. C’est ce qui explique le bon résultat d’Ensemble et de la NUPES et la faiblesse de LR. Et cela favorise aussi les candidats centristes ou par défaut les candidats avec des réserves de voix.  Avec un scrutin à un tour, un candidat aura localement sans doute moins de voix sur son nom mais appartiendra à un parlement plus représentatif.

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Quelles sont les failles de ce scrutin ?

Un désavantage majeur de ce type de scrutin est qu’il favorise les inversions de majorité. C’est arrivé en Grande-Bretagne en 1953, plus récemment au Canada. Ce qui se passe est qu’un parti obtient plus de voix que l’autre à une élection, mais en siège il est minoritaire, car si les votes se concentrent plus dans quelques circonscriptions.

Quelles alliances et restructuration du paysage politique pourraient naitre si le mode de scrutin évoluait ?

Sauf à rentrer dans des systèmes d’alliance, LFI et le RN seraient à priori structurellement plus forts que dans le parlement de 2017. Les partis qui en pâtiraient le plus sont ceux qui sont relativement minorés mais arrivent à exister sur une base relativement consensuelle, LR et le PS notamment. Dans un scrutin à un tour, ils n’auraient plus vraiment l’utilité de force d’appui qu’ils peuvent avoir actuellement. LFI pourrait bien plus facilement s'imposer aux autres partis de gauche.

Dans quelle mesure un scrutin à la britannique aurait-il poussé à une clarification à la fois politique et idéologique ?

Cela peut avoir cet effet, mais c’est à nuancer. La clarification idéologique se fait surtout avec la proportionnelle, car il y a une forme de prime à la cohérence avec un électorat structurel qui se crée. Le scrutin majoritaire implique un découpage par circonscription, cela implique que ces dernières sont différentes. Pour les remporter, il faut donc embrasser des sociologies électorales différentes et par conséquent tenir un discours plus attrape-tout. Cela est toutefois moins marqué que lors d'un scrutin à deux tours.

Y-a-t-il un problème à obtenir des majorités avec un scrutin à la britannique ?

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La Nupes parti du peuple, vraiment…?

En Grande-Bretagne, il y a eu des coalitions, mais c’est loin d’être la règle. C’est souvent une majorité absolue Conservatrice ou Travailliste. Par ailleurs, les systèmes de coalition on en trouve partout en Europe avec des scrutins à la proportionnelle, et ça ne marche pas si mal.

Les effets politiques seraient ils les mêmes qu’avec la proportionnelle ?

La proportionnelle est plus intéressante à plusieurs égards. D’abord car il n’y a pas de problème d’inversion de majorité. Ensuite, car elle est plus représentative. Enfin, car elle est plus souple, on peut fixer des règles adaptées (seuil de représentation, prime majoriaire...), là où les scrutins majoritaires demeurent rigides. Cela confère à un avantage à la proportionnelle. Au Royaume-Uni comme au Canada, si le scrutin majoritaire à un tour demeure c’est que les partis y ont intérêt et que les populations y sont historiquement attachées.

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